Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du jeudi 5 juillet 2018 à 9h30
Ratification de l'ordonnance relative aux services de paiement dans le marché intérieur — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, chers collègues, le 8 février 2018, notre assemblée adoptait en première lecture le projet de loi ratifiant l'ordonnance portant transposition de la directive de 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.

À la suite de l'adoption le 22 mars 2018 par le Sénat d'une version modifiée de ce projet de loi, une commission mixte paritaire a été convoquée le 19 avril afin de tenter de converger vers un texte commun, malheureusement sans succès.

Rappelons tout de même que nos deux assemblées se sont accordées sur la plus grande partie de ce texte certes extrêmement technique mais crucial pour tout un pan de la nouvelle économie digitale.

Je tiens d'ailleurs à saluer à nouveau l'excellent travail des deux rapporteurs, Nadia Hai et Albéric de Montgolfier, qui ont réalisé un réel effort de défrichage et de pédagogie.

L'essentiel est aujourd'hui déjà acquis : la transposition de la directive met à jour les mesures issues de la directive de 2007, la DSP 1. La nouvelle directive permet notamment à de nouveaux prestataires de sécuriser leur activité grâce à un nouveau cadre juridique commun : c'est le cas des prestataires de services d'information sur les comptes ainsi que des prestataires de services d'initiation de paiement.

Si l'essentiel est ainsi acquis, une initiative du Sénat fait encore débat : l'introduction de l'article 1er ter A, qui instaurait un dispositif permettant de sécuriser les utilisateurs des agrégateurs pour les comptes autres que les seuls comptes de paiement.

La directive ne porte que sur les comptes de paiement, c'est-à-dire les comptes courants. Or les services offerts portent sur l'ensemble des comptes et produits d'épargne, incluant par exemple le livret A et l'assurance vie. Ainsi, pour les comptes non couverts par la directive, la banque ne serait pas contrainte, en cas de fraude, d'indemniser l'utilisateur.

Le Sénat n'a pas souhaité surtransposer la directive en l'étendant à tous les comptes et produits d'épargne, et nous ne pouvons qu'approuver cette démarche : je rappelle d'ailleurs à l'ensemble de la représentation nationale que c'est une ligne à laquelle le Gouvernement et la majorité se sont astreints, et qui continuera de guider notre action lors des transpositions futures. Néanmoins, la solution proposée par le Sénat, qui consiste à soumettre les prestataires à une obligation d'assurance permettant à l'utilisateur d'obtenir un remboursement en cas de fraude, nous paraît, en l'état, inefficace et même, dans certains cas, néfaste.

Si nous partageons évidemment l'objectif affiché – à savoir la protection des consommateurs – , nous nous opposons à la proposition en tant que telle, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, elle encadre l'activité des prestataires de paiement pour des comptes qui sont hors du champ de la directive, ce qui constitue malgré tout – et en dépit de la remarque que je formulais à l'instant – une forme de surtransposition.

Ensuite, l'ACPR n'aura pas la capacité à faire appliquer ces obligations, comme elle nous l'a d'ailleurs indiqué : dans la mesure où cette disposition va au-delà de la directive, le contrôle de son respect ne pourra pas s'appuyer sur le dispositif de coopération entre autorités de régulation prévu en cas d'infraction aux règles.

Enfin, l'obligation d'assurance ne s'accompagne pas de dispositions renforçant la sécurité de l'accès aux données, comme c'est le cas pour les comptes de paiement. Or on ne peut pas construire un système dissymétrique où l'on prévoirait une obligation d'assurance pour certains produits, sans y inclure les autres dispositions de la DSP 2.

Ainsi, la limite identifiée est bien réelle – il faut l'entendre – , mais les mesures pour y remédier doivent être inscrites dans le droit européen, à la suite d'une analyse approfondie tant des offres existantes que des mécanismes d'assurance qui pourraient y être attachés.

L'échelon européen est et doit donc rester le niveau d'action idoine pour traiter la question. C'est pour cette raison que nous nous opposons à la proposition du Sénat. Le pire serait en effet de susciter en définitive chez le consommateur un sentiment de confiance en réalité injustifié.

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