Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes saisis aujourd'hui de l'examen du projet de loi visant à autoriser l'adhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicite d'armes à feu. Ce protocole additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée vise à endiguer le fléau que constituent la fabrication et le trafic d'armes au niveau mondial. En effet, le trafic illégal d'armes serait aujourd'hui, selon l'ONU, l'un des quatre trafics les plus rentables aux côtés du trafic de drogue et de médicaments et de la prostitution.
Afin de clarifier les enjeux, il faut souligner que le protocole « armes à feu » exclut les armes de guerre. Son adoption s'est inscrite dans une dynamique plus globale de travail sur la problématique des armes légères et de petit calibre au sein de l'Organisation des Nations Unies. Celle-ci estime que 40 à 60 % du commerce des armes légères dans le monde est illicite à un moment ou à un autre. Les données de ce marché restent très opaques, mais il est malgré tout estimé, en 2018, à 100 milliards de dollars et susceptible de doubler d'ici à 2020. Le trafic d'armes à feu est alimenté par de multiples filières, recouvrant des réalités très différentes en fonction des zones géographiques et des groupes qui le pratiquent : soit par la fabrication illicite d'armes, soit par le détournement à partir des stocks étatiques ou des flux commerciaux officiels.
La France a ratifié la convention de Palerme et ses deux premiers protocoles dès 2002, mais la ratification du protocole additionnel n'a jamais pu aboutir en raison des contraintes techniques qu'impliquait sa mise en oeuvre par le ministère de l'intérieur et la direction générale des douanes et droits indirects. En effet, la première analyse interministérielle, réalisée en 2002, avait permis de constater des difficultés relatives à la notion d'armes à feu au regard de la législation française : l'absence, en France, de fichier des armes civiles, des difficultés relatives à l'échange d'informations concernant le commerce légal des armes ou la nécessité d'introduire un régime pour les courtiers.
Le protocole « armes à feu » s'avérait ainsi particulièrement contraignant, en nous obligeant à adopter un dispositif de contrôle national des transferts d'armes conventionnelles. Pour pouvoir le ratifier, la France a dû aménager son droit et se mettre en conformité par des mesures pénales et relatives aux contentieux.
Tous ces obstacles sont désormais surmontés. Et même si, en la matière, la France était de toute façon obligée de mettre sa législation en cohérence avec celle de l'Union européenne, nous ne pouvons que saluer les efforts qui ont été faits et nous réjouir de ces améliorations, ne serait-ce que pour notre pays.
Il est aujourd'hui proposé à l'Assemblée nationale d'approuver la ratification du protocole, auquel de nombreux pays ont déjà adhéré depuis longtemps. Entré en vigueur le 3 juillet 2005, il constitue le premier et unique accord international juridiquement contraignant visant spécifiquement à lutter contre les trafics illicites d'armes à feu. Son objet est de promouvoir, de faciliter et de renforcer la coopération entre les États parties, afin de prévenir et de combattre la fabrication et le trafic illicites des armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions. Il vise les infractions qui y sont détaillées, lorsqu'elles sont de nature transnationale et qu'un groupe criminel y est impliqué. Le protocole additionnel pénalise les actes intentionnels suivants : la fabrication, le trafic illicite d'armes à feu, ainsi que la falsification, l'effacement, l'enlèvement et l'altération illégales des marques qu'elles doivent porter. Notre droit national prévoit également la possibilité de priver quelqu'un de la possession d'une arme à feu ainsi que la neutralisation de cette arme.
Le protocole oeuvre donc à une lutte plus efficace contre le trafic, notamment en imposant aux États signataires de mettre en place un marquage efficace pour les armes à feu ou encore – en matière de prévention – en les obligeant à conserver pendant dix ans les informations du trafic d'armes intérieur, afin d'améliorer leur coopération.
Concernant le contrôle des importations, des exportations et du transit, le système d'autorisation, dans notre droit interne, est conforme au protocole, car la France applique les nouvelles dispositions introduites par le Règlement no 2582012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 portant application du protocole des Nations Unies contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu.
Qui plus est, la France participe d'ores et déjà à des coopérations institutionnelles et bilatérales ou à des échanges d'informations, au sein de l'organisation internationale de la police criminelle – INTERPOL – , dans le cadre du système d'information Schengen au niveau européen d'EUROPOL ou encore du plan stratégique pluriannuel européen. Ces mesures, qui peuvent sembler relativement légères, sont au contraire essentielles, car elles permettent un meilleur contrôle, en s'attaquant à la base du problème. Il est d'autant plus important pour la France d'intégrer ce protocole que sur 10 millions d'armes en circulation, 4 millions seulement le seraient de manière légale – rendez-vous compte !
Bien que notre pays ait la législation la plus restrictive sur les armes à feu, il est aussi l'un des pays européens les plus armés. Il est vrai que cela peut s'expliquer en partie par nos traditions, notamment celle de la chasse, très pratiquée chez nous, mais aussi parce que la France est un acteur très présent sur le marché de l'armement. Ce secteur contribue même à consolider sa position sur la scène internationale en lui garantissant une grande autonomie. Néanmoins, la France a émis des réserves concernant certaines dispositions du protocole additionnel, notamment en ce qui concerne l'appellation « armes anciennes » et le marquage des armes à feu.
En effet, le texte ne fait pas mention des armes historiques et de collection, auxquelles le droit français fait au contraire référence, excluant par ailleurs les armes ayant été fabriquées avant 1899. Il est donc nécessaire, dans un esprit de cohésion, de définir cette notion afin que le droit français reste en conformité avec le protocole « armes à feu ».
S'agissant de la traçabilité, le droit français ne prévoit pas de marquage à l'importation, bien que différents dispositifs permettent à notre pays de tracer les armes à feu entrant sur son territoire. Dans ce domaine également, il est donc nécessaire de se conformer davantage aux dispositions du protocole.
Malgré ces réserves, le groupe UDI, Agir et indépendants juge indispensable de ratifier le protocole et de contribuer ainsi à la lutte contre le trafic d'armes à feu tout en bénéficiant des apports qui peuvent résulter de la coopération entre États. Notre pays pourrait de surcroît en tirer quelques bénéfices afin de mieux prévenir les risques d'attaques terroristes, qui malheureusement, dans le contexte rappelé par Marielle de Sarnez, demeurent importants. L'adhésion à ce protocole, qui rassemble déjà une grande partie de la communauté internationale, est un devoir pour notre pays, d'autant que nous avons le cadre législatif le plus restrictif concernant la possession des armes à feu.