… qui nous a occupés ces derniers jours. Du reste, cette affaire amène aussi à se poser des questions dès lors que le texte prévoit que l'agent n'a pas accès à l'enregistrement et que celui-ci sera détruit au bout de six mois : il me semble qu'une vidéo a en l'occurrence circulé alors qu'elle ne l'aurait pas dû – mais je suppose que la justice fera la lumière là-dessus. En tout cas, le fait d'établir des règles pour l'usage des vidéos n'empêche pas certains de prendre quelques libertés avec elles. On pourrait même se dire que si tous les policiers situés sur place avaient été munis de caméras, on aurait eu plus d'images et de points de vue de la situation, et des éléments de contexte beaucoup plus fiables.
Tout cela m'amène à constater que le déploiement des caméras de vidéosurveillance, initialement fixes et maintenant mobiles, s'inscrit dans un mouvement général, rappelé d'ailleurs dans leur exposé des motifs par les sénateurs. Elles ont été déployées au départ sur la base d'évidences : on y verra plus clair si l'on place une caméra puisque cela permettra de reconnaître les personnes, et même de les prendre en flagrant délit s'il y a en permanence un agent derrière les écrans, ce qui permettra de faire baisser le niveau de délinquance grâce à ces nouveaux moyens de surveillance et de contrôle. Tel est l'objectif de cette idée sécuritaire.
Or un livre du sociologue Laurent Mucchielli, consacré à la vidéosurveillance, vient de paraître ; il n'a certainement pas échappé à la vigilance des commissaires aux lois et de mes collègues en général. Cet ouvrage apporte, méthodologie et chiffres à l'appui, au terme d'une analyse à la fois française et internationale, la preuve que l'essentiel de la vidéosurveillance mise en place est inutile au regard des objectifs poursuivis, alors même qu'on y consacre beaucoup de moyens et d'énergie.
Une première chose est sûre : il n'y a rien de plus cruel que de forcer des gens à regarder vingt-quatre heures sur vingt-quatre depuis un poste de commandement les écrans retransmettant les images des caméras de vidéosurveillance. Une seconde chose est tout aussi certaine : il n'y a rien de plus inutile puisque le taux de flagrants délits décelés est extrêmement faible au regard du nombre d'heures visionnées, et même le taux d'élucidation a posteriori. L'auteur en vient à la conclusion que la vidéosurveillance n'est utile que dans des cas bien précis, dans un cadre délimité – surtout pas avec un agent mobilisé en permanence, lequel serait bien plus efficace sur le terrain que devant les écrans. Autrement dit, il faut mettre en place des caméras dont on consulte a posteriori l'enregistrement, notamment sur les axes de fuite : ce sont les caméras les plus utiles en cas de braquage ou de cambriolage car elles permettent sinon de voir les plaques d'immatriculation, en tout cas d'identifier le type de véhicule et la direction qu'il a prise, et d'avancer ainsi dans son enquête.