Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Séance en hémicycle du lundi 17 septembre 2018 à 16h00
Lutte contre la fraude — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges :

Ceci fait, comment rentrer dans cet immense dossier ? Ce projet de loi est placé sous le signe du « surveiller et punir ». Il s'agit de mieux informer et de punir davantage. Nous examinerons dans le détail l'ensemble des dispositions qui visent à atteindre cet objectif. Mais, le but essentiel de ce texte est d'améliorer la coopération : entre les institutions, mais aussi entre les services administratifs, notamment entre l'autorité judiciaire et l'administration fiscale. Il faut saluer cette démarche positive, coopérative qui vaut aussi pour les contribuables. Je ne m'associe pas du tout aux propos de M. Coquerel sur le plaider-coupable. C'est une très bonne chose que de parvenir des accords à l'amiable pour retrouver la voie de la légalité.

Parmi les points essentiels que nous devons examiner, figure d'abord la police fiscale. En cette matière, nous sommes partagés entre deux tentations : d'un côté, la redondance qui a été dénoncée par le Conseil d'État et par le Sénat – deux administrations parallèles, un risque de guerre des polices, une absence de coopération ; de l'autre, la proximité et l'émulation. Nous avons beaucoup hésité et nous ne sommes pas sûrs de toucher au but lorsque nous nous éloignons de la position du Sénat. Mais nous faisons confiance au Gouvernement qui nous a assuré de l'absence de concurrence entre les services et de la répartition des tâches entre eux ainsi que de l'exécution sous l'autorité des magistrats et non des services. Monsieur le ministre, c'est un point sur lequel nous serons très vigilants et nous savons que vous le serez également. Il faudra étudier précisément l'impact des dispositions que nous aurons votées.

Le verrou de Bercy constitue tout de même le gros morceau. Les modifications proposées sont très intéressantes à nos yeux car elles sont un jeu à somme entièrement positive. C'est une triple libération qui nous est proposée : une libération de l'autorité judiciaire qui échappe à ce qu'elle pouvait ressentir depuis 1920 – c'est une vieille affaire – comme une tutelle alors même que ce n'en est pas une. La garantie lui est donnée que les affaires dont elle aurait à connaître lui seront transmises sans aucun blocage administratif ; libération du Parlement qui est pleinement responsable de la définition des critères qui permettent d'accroître la saisine de l'autorité judiciaire ; et même libération de l'administration fiscale qui, indépendamment de ces critères, pourra lorsque cela lui semble nécessaire déférer des affaires à l'autorité judiciaire par le canal de la commission.

Sur le reste, nous n'avons pas suivi le Sénat sur l'examen préjudiciel en urgence par le juge de l'impôt en préalable à l'action publique. Pourquoi ? Parce que, comme disait Bonaparte, il vaut mieux un mauvais général que deux bons : deux juges – un juge judiciaire et un juge de l'impôt – qui se marchent sur les pieds, c'est très mauvais. Nous avons également considéré que cette procédure ne serait pas favorable à une bonne gestion des délais.

S'agissant des fraudes à la TVA, nous n'avons pas suivi le Sénat tout en reconnaissant la grande qualité de ses propositions pour une raison simple : si nous l'avions fait, nous serions arrivés à la fois trop tôt et trop tard. Trop tôt, car la directive qui a été adoptée en décembre 2017 régira cette matière. Nous serions donc amenés à apporter des solutions qui le seront par la suite. Trop tard, car les dispositions que nous aurions adoptées seraient évidemment contredites ou profondément modifiées par les textes de transposition de cette directive.

Un mot sur les paradis fiscaux. Monsieur le ministre, c'est là le parent pauvre de votre projet de loi, mais vous n'y pouvez rien car les paradis fiscaux ne peuvent pas faire l'objet de décisions en France – c'est une affaire internationale.

Et je m'associe aux propos tenus par M. de Courson il y a un instant lorsqu'il a stigmatisé la position de M. Coquerel : comment peut-on être à la fois contre les paradis fiscaux et restrictif quand il s'agit d'étendre les compétences de l'Union européenne en matière fiscale ? C'est bien ce que vous nous avez dit, monsieur Coquerel, puisque vous avez jugé « inadmissible » le principe de l'unanimité en matière fiscale. En l'espèce, mon cher collègue, référez-vous au discours constant de M. Mélenchon sur la souveraineté nationale ! Je ne vous demande qu'une chose : cessez de plaider, les jours pairs, pour la souveraineté intégrale de l'État français et le refus de tout transfert de compétence et, les jours impairs, pour le contraire ! De grâce, mettez vos arrière-pensées en accord avec vos pensées ! Ce sera une bonne chose.

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