Pardonnez-moi, mon cher collègue, de ne pas vous répondu précisément : c'est que l'intervention de M. Ruffin m'a fait réagir. Ne le prenez pas pour une marque de mépris à votre égard : il ne s'agit bien évidemment pas de cela.
Qui sont les grands donneurs d'ordre ? Ce sont les grands groupes industriels, qui comptent bien plus de 1 000 salariés. En l'état actuel du droit, lorsqu'ils ferment une usine, ou simplement lorsqu'ils suppriment du personnel, ils sont tenus de contribuer aux crédits de revitalisation du territoire en question. Vous savez comment cela fonctionne : ces crédits sont gérés par l'État au niveau des préfectures de région.
Ce dispositif existe. Vous proposez de l'étendre aux donneurs d'ordres lorsque leurs décisions ont des conséquences sur leurs sous-traitants. C'est une vraie question. Mais, au-delà de la revitalisation des territoires touchés par les licenciements, au-delà de la réparation de ce que vous appelez les dégâts de l'économie libérale, l'important est de prévenir ce genre de situation – je pense que nous nous accorderons sur ce point.
Or, pour cela, il faut entrer dans la logique du développement des filières. Le système dont vous parlez est, en gros, celui de l'industrie automobile. Dans ce secteur, on tape de la tôle pour produire toutes sortes de pièces dont la marge se compte en centimes, de sorte que les usines ne fonctionnent que s'il y a beaucoup de volume, si elles produisent des milliers, des millions de pièces. Le jour où les volumes ne sont plus au rendez-vous, le système ne fonctionne plus. Tout l'enjeu, pour les sous-traitants, est donc de fabriquer des pièces ayant plus de valeur ajoutée en diversifiant leur portefeuille de clients.
Or cet enjeu engage la responsabilité non d'un seul donneur d'ordres, mais de toute une filière. Quand on se sera mis d'accord avec les grands donneurs d'ordres, c'est-à-dire, en l'occurrence, avec les grands de l'automobile, pour tirer toute la filière vers le haut, on évitera des situations comme celle de GM& S, absolument dramatiques pour les salariés.
Par conséquent, je plaide pour que nos filières soient beaucoup plus solidaires, dynamiques et innovantes. À cet égard, le rôle structurant des donneurs d'ordres est absolument essentiel.
Voilà pourquoi nous avons décidé ce matin de créer la mission d'information sur l'industrie dont je parlais tout à l'heure : non pour le plaisir de nous rencontrer – même si nous en aurons à débattre ensemble – , mais pour essayer de franchir des étapes en vue de proposer à l'Assemblée un texte qui favorise des filières capables de « chasser en meute », pour reprendre l'expression utilisée par Roland Lescure, faisant référence aux démarches engagées à ce sujet en Allemagne depuis des années. Car la grande force de l'Allemagne industrielle, c'est d'avoir su structurer ses filières.
Monsieur Peu, il est important de traiter les sujets dont vous parlez. Ce n'est pas moi qui vais vous dire le contraire : je me suis engagé personnellement, dans mon territoire marqué par l'industrie automobile, pour soutenir de nombreuses entreprises sous-traitantes et pour trouver des solutions à leurs difficultés. Mais, si nous voulons une grande France industrielle, nous devons franchir certaines étapes. Aidez-nous à le faire : travaillons ensemble pour trouver les bonnes solutions.