Intervention de Frédérique Dumas

Séance en hémicycle du mardi 9 octobre 2018 à 21h30
Lutte contre la manipulation de l'information — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas :

Nous partageons le diagnostic formulé par le Président de la République lors de ses voeux à la presse et avons tous une conscience aiguë du danger que représentent, pour nos vieilles démocraties, les campagnes de manipulation de l'information à l'ère du numérique. Mais nous sommes très réservés sur la nouvelle procédure de référé prévue à l'article 1er. C'est la raison pour laquelle, alors députée du groupe LaREM, je m'étais abstenue sur ce texte, à titre personnel, en première lecture.

La définition de la fausse information, on le sait, n'est pas aboutie. Nous le savons aussi, le caractère malveillant d'une information ne peut être établi par les seules modalités de diffusion, qu'elle soit artificielle, automatisée ou massive. De quelles capacités matérielles et de quelle légitimité le juge dispose-t-il pour définir, dans un laps de temps très court, la nature inexacte ou trompeuse d'une information ?

Vous l'avez tous rappelé, le juge du référé est le juge de l'évidence, et c'est bien là tout le problème. Dans la mesure où ce juge n'aura pas les moyens de se prononcer sur des situations complexes en si peu de temps, le dispositif pourrait même se révéler contreproductif en ce qu'il pourra renforcer, non seulement la publicité donnée à la « fausse information » dont on veut obtenir le déréférencement, mais aussi le caractère vraisemblable qu'on lui prête.

Dans le cadre d'une campagne électorale, la décision du juge de ne pas se prononcer risque en effet d'être instrumentalisée et, paradoxalement, d'altérer bien davantage la sincérité du scrutin. Le groupe UDI, Agir et indépendants souhaitait défendre un amendement pour introduire une clause de revoyure, mais il n'était malheureusement pas recevable. Nous souhaitons donc vous demander, madame la ministre, si vous pourriez malgré tout vous engager à remettre au Parlement, à l'issue des prochaines élections européennes, un rapport d'information sur l'application de la procédure de référé. Cela permettrait de tirer tous les enseignements de l'application du nouveau dispositif et de lever les doutes qu'il suscite, tant sur les possibles atteintes à la liberté d'expression que sur son caractère éventuellement inefficace ou contreproductif. Opter pour une expérimentation serait, nous semble-t-il, dans l'intérêt de tous. À nos yeux, il n'est pas trop tard pour le faire.

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