Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, mes chers collègues, avec ce projet de loi, nous sommes appelés à défendre encore davantage le lien social. Nous devons renforcer la confiance de chaque citoyen dans une action publique modernisée, interministérielle et ferme contre la fraude, quelle qu'en soit la forme. Pour renforcer le contrat républicain, le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude comportait initialement onze articles comprenant de nombreuses mesures emblématiques : création d'un nouveau service de police fiscale rattaché à Bercy ; renforcement des obligations déclaratives des plates-formes ; mise en oeuvre du « name and shame » ; création d'une nouvelle sanction administrative visant les professionnels complices de manquements fiscaux et sociaux ; aggravation des amendes judiciaires pour fraude fiscale ; extension du « plaider-coupable » à la fraude fiscale ; enfin, élargissement de la liste des États et territoires non coopératifs – ETNC.
Ces onze articles ont été maintenus au cours de la navette parlementaire, avec quelques évolutions. Par exemple, pour les plates-formes, la transmission à l'administration de toutes les informations relatives aux transactions est apparue excessive aux parlementaires. Au cours de discussion, et en co-construction avec le Gouvernement, nous avons prévu des seuils d'activité plus adaptés pour ces nouvelles obligations. En clair, et je m'en réjouis, nous avons recentré le dispositif : seules les informations relatives à de potentiels professionnels devront être transmises à l'administration fiscale.
De même, à l'initiative de députés membres des groupes Gauche démocrate et républicaine, Mouvement démocrate et apparentés, Socialistes et apparentés, et La France insoumise, le Parlement a modifié l'article sur la liste des ETNC pour mettre un terme à l'exclusion de principe des États membres de l'Union européenne. Nous avons rendez-vous, dans les prochains mois, avec l'Union européenne sur ce sujet, notamment sur le volet de la liste grise, et, bien évidemment, nous suivrons ce dossier de très près.
Le projet de loi a été amendé et amélioré par le Parlement ; il a été aussi considérablement enrichi, puisque le texte issu de la commission mixte paritaire comporte trente-huit articles, soit vingt-sept de plus que le projet de loi initial. Pour sa part, le Sénat a étendu la convention judiciaire d'intérêt public à la fraude fiscale. Cette nouvelle procédure constitue un outil supplémentaire, à la disposition des parquets, pour tirer les conséquences des procédures de plainte.
La mesure emblématique de ce projet de loi est la suppression du verrou de Bercy. Il s'agit bien, je le rappelle, d'une suppression du verrou, car le monopole général de l'administration fiscale en matière de déclenchement des poursuites disparaît. Nous créons ainsi une politique répressive coordonnée entre la justice et l'administration fiscale. Je remercie les parlementaires de tous les groupes qui ont soutenu cette réforme, ainsi que le Gouvernement qui s'y est associé. Elle est directement issue du rapport de la mission d'information présidée par Éric Diard et dont j'étais la rapporteure. Nous avons montré que le Parlement était une force de proposition et nous avons réussi à trouver un consensus avec tous les groupes politiques sur cette réforme, attendue par nos concitoyens. Sa bonne application sera suivie de très près par le Parlement, et nous veillerons notamment à ce que les moyens humains soient adaptés à la lutte contre la fraude et à ce que les équipes des ministères de la justice, de l'économie et des finances, et de l'action et des comptes publics soient formées à mieux détecter la fraude et à la poursuivre.
L'Assemblée nationale, qui a examiné ce texte après le Sénat, a ajouté dix-huit articles. Je ne reviendrai pas sur leur détail, que j'ai énoncé lors de la précédente lecture, mais je vais vous présenter les modifications adoptées par la CMP, sachant que cette dernière a conservé 90 % du texte de l'Assemblée nationale, puisque trente-cinq des trente-huit articles sont demeurés dans la même rédaction
Premier point, l'article 4 septies a été supprimé. Il s'agissait de l'article qui ajoutait les oeuvres d'art aux signes extérieurs de richesse. Avec le Sénat, il nous est apparu nécessaire de mener une vraie réflexion d'ensemble sur cet article de loi du code général des impôts, afin de moderniser cet outil pour le renforcer. Les lois de finances nous permettront de procéder à ce toilettage.
Deuxième point, la CMP a réintroduit l'article 4 ter, supprimé par l'Assemblée. Il prévoit un système de responsabilité solidaire des plates-formes en ligne en cas non-paiement de la TVA. Après la suppression décidée par l'Assemblée, la CMP a trouvé une rédaction plus adaptée, qui permettra de traiter les cas concernés jusqu'à l'entrée en vigueur de la prochaine directive sur la TVA et qui s'appliquera, après cette date, aux cas non couverts par la directive.
En troisième lieu, l'article 6, relatif à la publication des sanctions administratives, a été modifié. La CMP a supprimé l'extension de celles-ci aux personnes physiques en raison des risques d'inconstitutionnalité que cette disposition faisait courir au projet de loi. Par ailleurs, la CMP a supprimé l'article 7 ter. À titre personnel, je le regrette. Quant à l'article 7 bis, sa rédaction a été affinée.
S'agissant de la mesure phare du projet de loi, relative au « verrou de Bercy », les sénateurs se sont ralliés au dispositif adopté par l'Assemblée nationale, ce qui était loin d'être acquis, car notre dispositif était plus ambitieux que celui adopté par le Sénat en première lecture. Toutefois, le rapporteur du texte au Sénat a fait évoluer l'un des critères de transmission des dossiers au procureur de la République que nous avions retenu. Il a proposé de fixer un seuil relatif au montant des droits fraudés au-delà duquel les dossiers des individus soumise à une déclaration auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique inférieur de 50 % à celui que nous avions retenu.
Ce seuil a été adopté en commission mixte paritaire. Pour ma part, je n'y suis pas favorable, mais la commission s'est rangée au vote de la CMP. Au demeurant, cette disposition n'empêchera en aucune manière l'administration fiscale de transmettre les dossiers inférieurs à ce seuil en fonction de la gravité des cas.
En fin de compte, hormis les six réserves que je viens d'énumérer, le texte qui vous est soumis aujourd'hui est identique à celui que nous avons adopté en première lecture, mes chers collègues.