Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du mercredi 24 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Article 7

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

La défiscalisation, la désocialisation des heures supplémentaires n'est pas une idée neuve. Elle a déjà été appliquée pendant la crise de 1929, ce qui a d'ailleurs été une catastrophe en matière d'emploi. Nous ne sommes par conséquent pas favorables à cette mesure.

Notre première objection concerne précisément l'emploi. Un certain nombre d'analyses économiques laissent en effet penser que, d'ici à 2022, cette mesure détruirait 20 000 emplois. Je rappelle d'ailleurs qu'en 2011, quelque 30 000 emplois avaient été détruits par un dispositif similaire décidé par Nicolas Sarkozy, mais alors qu'on comptait 7,5 % de chômeurs. Cette mesure peut produire des effets sur le pouvoir d'achat sans avoir d'effets défavorables sur l'emploi lorsque le chômage est frictionnel, c'est-à-dire lorsque son taux avoisine 7 % de la population active ; or ce taux est aujourd'hui très largement supérieur. Vous agissez donc à contretemps et allez maintenir au chômage ceux qui s'y trouvent depuis déjà très longtemps. En réalité, vous ne rendez pas service à ceux qui sont à la recherche d'un emploi. Vous affirmez que le travail paie, mais on sait que les heures supplémentaires sont souvent une contrepartie à une non-augmentation d'emplois sur le reste des heures travaillées et qu'il n'y a pas de gain de pouvoir d'achat à la clé.

J'en viens à notre seconde objection : vous désocialisez sans défiscaliser. Les heures supplémentaires devant être fiscalisées au titre de l'impôt sur les sociétés, rien n'est dit des conséquences pour ceux qui feront des heures supplémentaires, rien n'est dit des rentrées fiscales supplémentaires, pour l'État, d'une telle mesure ni de ses effets de seuil, ni non plus sur ceux qui vont basculer dans la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu.

Troisième objection : il n'y a pas de compensation de la désocialisation des heures supplémentaires, désocialisation qui sera en fait payée par tous ceux qui ne font pas d'heures supplémentaires. Cette mesure n'est donc pas juste.

Quatrième et dernière objection : si vous avez la possibilité de faire des heures supplémentaires, ce qui ne sera pas le cas pour tous, le gain moyen, s'il faut en croire un de nos collègues de la majorité, sera de 200 euros par an. Mesurez bien par ailleurs que pour un couple au SMIC avec trois enfants, la désindexation des allocations familiales entraînera une perte de 130 euros par an.

La réalité n'est donc pas qu'il faut pouvoir travailler plus pour gagner plus, mais qu'il va falloir travailler plus pour ne pas gagner moins.

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