Intervention de Marie Guévenoux

Séance en hémicycle du mardi 3 octobre 2017 à 15h00
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Guévenoux :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, la mort de deux jeunes filles survenue dimanche à Marseille nous a tous replongés dans l'effroi. Tout au long de nos débats, le souvenir des victimes ne nous a jamais quittés – l'appréhension qu'il y en ait d'autres, et même la certitude qu'il y en aurait, non plus. Le risque zéro n'existe pas ; il serait démagogique de prétendre le contraire.

Comment concilier exigence de sécurité et respect de nos fondements démocratiques et de nos libertés individuelles ? Telle est la question qui a guidé le groupe majoritaire lors de l'examen de votre projet de loi, monsieur le ministre d'État. Si les membres du groupe La République en marche estiment qu'il faut mettre un terme au dévoiement de l'état d'urgence qu'est le prolongement de ce dispositif prévu pour être provisoire, il leur tient à coeur que cette sortie soit maîtrisée.

Sortir de l'état d'urgence pour mettre un terme à la possibilité de son application sans rapport avec le terrorisme est selon nous indispensable. Sortir de l'état d'urgence en examinant les mesures ayant fait leurs preuves dans le cadre de la lutte antiterroriste l'est tout autant. Tel est le travail qu'a mené le groupe majoritaire en prenant connaissance du texte et en menant le travail préparatoire à son examen. Les nombreuses auditions menées, notamment celles de membres des forces de sécurité et de renseignement, nous ont en effet convaincus de l'existence de zones d'ombre situées hors du champ judiciaire, dont découle la nécessité de continuer à doter l'administration d'instruments s'inscrivant dans le cadre de l'état d'urgence.

Ainsi, le projet de loi s'inspire de quatre mesures autorisées dans celui-ci. Nous ne procédons pas à un copier-coller, nous les adaptons à un régime juridique distinct en y associant de nombreuses garanties, au premier rang desquelles l'inscription de la seule finalité de lutte contre le terrorisme, l'intervention du juge judiciaire ou encore la limitation dans le temps de ces mesures et un contrôle parlementaire accru.

En raison des lourdes pertes qu'il a enregistrées sur zone, l'État islamique ne fait plus du recrutement d'individus prêts à combattre hors de nos frontières son premier objectif. Il cherche au contraire à transformer certains de nos concitoyens en terroristes prêts à frapper sur notre sol. En quelques semaines, un individu parfois passé sous les radars de la radicalisation, comme celui qui a frappé à Marseille, devient, grâce aux nouvelles technologies et aux réseaux sociaux, un fabricant d'explosifs et un assassin prêt à mourir. De tels individus sont bien les créatures de l'État islamique.

Nous ne pouvons rester démunis face à ce phénomène. C'est pourquoi le texte prévoit de faciliter le travail de renseignement en admettant la recevabilité de notes blanches circonstanciées et en permettant le déclenchement d'enquêtes administratives, en cas de doute, dans les professions à risque. L'utilité opérationnelle des nouveaux outils mis à la disposition de nos services de sécurité pour lutter contre le terrorisme, notamment celle des visites domiciliaires et des mesures individuelles, est préservée. De nouvelles mesures opérationnelles, telles que l'interdiction de paraître dans un lieu déterminé ou l'anonymisation de nos forces de police, viennent les compléter.

Pour autant, nous ne pourrons pas nous opposer efficacement à la stratégie mortifère des terroristes si nous ne comprenons pas ce qu'expliquent de nombreux experts, dont Pierre-Jean Luizard, selon qui l'État islamique cherche à « pousser la société française au repli identitaire » afin que « chacun considère l'autre non plus en fonction de ce qu'il pense et de ce qu'il est, mais en fonction de son appartenance communautaire ».

La recherche de cet équilibre est inspirée par un profond respect pour notre État de droit et nos libertés individuelles mais constitue aussi un gage d'efficacité. La réponse ultra-sécuritaire au terrorisme n'a jamais fait ses preuves. Elle est même, selon nous, contre-productive et ne fait que renforcer la stratégie déployée par l'État islamique. En définitive, notre majorité parlementaire a défendu une vision pragmatique et équilibrée, la seule qui nous semble réellement efficace face à la menace. Voilà pourquoi nous voterons ce texte.

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