Intervention de Nicolas Hulot

Séance en hémicycle du mardi 3 octobre 2017 à 15h00
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Présentation

Nicolas Hulot, ministre d'état, ministre de la transition écologique et solidaire :

Je reste prudent car des milliers de travailleurs et travailleuses seront concernés, mais cela ne me semble pas hors de portée.

Ainsi, dans le seul secteur des énergies renouvelables, près de 2 000 emplois ont été créés en 2015, alors qu'un certain nombre de verrous, que j'ai bien identifiés, freinent encore l'expansion de la filière. Le solaire, après un net repli dans les années 2010-2014 – on sait pourquoi – , repart à la hausse et crée, chaque année, de nouveaux emplois, répartis équitablement sur tout le territoire.

Le Gouvernement a d'ailleurs déposé en commission un amendement, qui a été adopté, visant à simplifier le raccordement des installations d'énergies renouvelables en mer, toujours dans ce souci de cohérence.

Ce projet de loi comporte aussi plusieurs dispositions permettant de répondre au défi du climat et de la sécurité d'approvisionnement énergétique que nous devons aux consommateurs.

Ainsi, les articles 4 et 5 permettront d'engager une réforme du stockage souterrain de gaz naturel, pour l'améliorer, mieux le réguler et préciser les compétences de la Commission de régulation de l'énergie – la CRE – , afin de favoriser une concurrence juste, et sans sur-rémunération de certains acteurs. Il ne faut plus que la situation de l'hiver dernier se reproduise, car nous avons frôlé le point de rupture.

Les articles 6 et 7 transposent des directives européennes. La première concerne la qualité des biocarburants, pour éviter que leur empreinte carbone ne soit trop élevée, par exemple lorsqu'elle entraîne de la déforestation. L'autre directive prévoit de réduire les émissions de certains polluants de l'air, toujours dans l'objectif de protéger les Français et la planète.

Ce projet de loi a le mérite de clarifier les choses. En interdisant tout nouveau permis de recherche d'hydrocarbures, il laisse définitivement le gaz et le pétrole dans le sous-sol. Il est une partie de notre réponse à ceux qui, notamment aux États-Unis, ont tenté de faire dérailler le train de l'accord de Paris.

À ceux-là, nous répondons ensemble – Gouvernement et Parlement – , je l'espère, que le train de l'accord de Paris a déjà quitté la gare, laissant sur le quai ceux qui pensent que l'économie du XXe siècle est la solution. Ce train, je l'espère, grâce à vous, va encore accélérer, parce que seule l'ambition est efficace, parce que l'accord de Paris est irréversible et que non seulement on ne négocie pas avec la planète – pardon de le dire, mais je ne suis pas certain qu'elle soit si chagrinée de ce qui lui arrive – , mais on ne négocie pas avec l'avenir de l'humanité.

En fixant à l'avance des règles claires, nous nous mettons à l'abri des lobbies, des partisans du fait accompli, des conservateurs, de ceux qui sempiternellement vous disent : « Cela ne marchera pas », « Ce n'est pas possible » ou « Vous n'en faites pas assez ». Ce sont souvent les mêmes qui, il y a quelques années, affirmaient que le changement climatique n'était pas envisageable. Comment imaginer que nous, petits êtres à la surface de cette planète, puissions provoquer d'aussi grands désordres ?

Certains diront que ce texte ne va pas assez loin, d'autres qu'il va beaucoup trop loin. Je vous supplie d'une chose : avançons ! Avançons, car c'est en avançant que nous trouverons le chemin et que nous créerons une synergie positive.

N'oublions pas que se passer des hydrocarbures, c'est aussi – il est important de le garder à l'esprit – réduire un fléau sanitaire, je dirais même économique. En effet, intéressez-vous à ce que représentent, à l'échelle du monde et à celle de notre territoire, les coûts sanitaire et économique de la pollution de l'air, due notamment aux gaz à effet de serre, en particulier au carbone. J'ajoute que, se libérer des énergies fossiles, au niveau mondial, comme nous y sommes contraints – j'y vois pour ma part une opportunité – , permet aussi d'éviter de nombreuses sources de conflits. En nous libérant de notre dépendance à l'égard de certains États détenteurs des ressources, nous retrouvons une forme de liberté et d'équité.

Le projet de loi, de mon point de vue, est conforme à notre ambition pour la planète. Ai-je besoin de vous dire que je compte sur le Parlement pour l'améliorer et doter la France des moyens de son ambition : être le gardien de l'accord de Paris, face à diverses tentatives de déstabilisation venues d'outre-Atlantique, en adaptant enfin le droit aux enjeux de long terme ?

Mesdames, messieurs, j'ai bien conscience que cette loi n'est pas un tout. Elle est un axe fort, mais d'autres leviers, d'autres outils devront être créés, ainsi qu'un guide qui nous montre une direction, dans laquelle devront s'inscrire les politiques publiques.

Le Parlement a toujours été du côté du progrès, de la transition. Il a eu une longueur d'avance en bannissant la fracturation hydraulique afin que l'exploitation des gaz de schiste ne vienne jamais défigurer nos paysages, ni surtout polluer nos nappes phréatiques.

J'ai annoncé, il y a quelques jours, que la prochaine étape serait, dans le courant de l'année 2018, une réforme du code minier qui s'appuiera sur les débats que vous avez déjà menés sur un sujet que je crois particulièrement sensible.

Aujourd'hui, avec ce projet de loi, nous levons, une bonne fois pour toutes, cette hypothèque sur notre nature et sur notre futur : plus aucun projet concernant les hydrocarbures non conventionnels ne verra le jour dans notre pays. Nous donnons une chance à notre pays, qui n'a pas que des idées pour remplacer le pétrole, mais bien un projet de société.

Ce projet est conforme aux idées que de nombreux candidats ont défendues pendant les campagnes présidentielle et législative. J'ose espérer que nos débats ne dilueront pas cette vision partagée. Il s'inscrit dans la longue tradition d'un consensus à la française, en vertu duquel le Parlement a toujours su se montrer uni face au défi climatique. Je pense par exemple à l'adoption de la ratification de l'accord de Paris en 2016, à l'unanimité, ou de la loi Grenelle I en 2009, là encore à la quasi-unanimité.

C'est ce consensus que j'espère sur ce projet qui, me semble-t-il, est juste, mesuré, humaniste et solidaire. Il devrait faire la démonstration, si besoin en était, qu'environnement et économie ne sont pas incompatibles, bien au contraire. C'est tout le sens de la transition écologique et solidaire que je veux engager avec vous.

Mesdames, messieurs, Victor Hugo disait : « C'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain ne l'écoute pas. » Eh bien, il y a quelques semaines, à Saint-Martin notamment, la nature s'est exprimée avec force. Nous l'avons peut-être entendue mieux qu'avant en raison de notre proximité, mais cela fait longtemps qu'elle s'exprime sous d'autres latitudes. J'ose espérer que, cette fois, nous l'entendrons. La nature met à l'épreuve notre détermination ; je ne voudrais pas la décevoir.

Il y a quelque temps, un ami africain me faisait remarquer que, lorsque les hommes sont passés de l'âge de pierre à l'âge de fer, c'était non pas parce qu'il n'y avait plus de pierres,

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