De quoi parlons-nous en fait ? D'une proposition de résolution déposée en vertu de l'article 88-4, alinéa de la Constitution, ayant pour objet de prendre une position politique, symbolique, morale, à l'égard d'une situation qui se dessine dans certains pays de l'Europe de l'Est, dont un certain nombre de grains de sable grippent le fonctionnement. Les institutions de l'Union se sont saisies du problème et nous sommes invités aujourd'hui à relayer cette préoccupation. Il ne s'agit en aucun cas de s'ériger en juge, ni de s'immiscer dans les affaires d'États souverains, ni de blâmer ni d'incriminer qui que ce soit. Il s'agit seulement d'interpeller la conscience collective européenne et française sur les dysfonctionnements qui semblent se faire jour, et finalement de nous inviter à une réflexion sur ce qu'est aujourd'hui l'État de droit. Je ne partage pas du tout la définition qu'en a donnée, il y a un instant, Emmanuelle Ménard. L'État de droit, c'est un ensemble de procédures qui s'imposent aux pouvoirs publics, mais c'est aussi un ensemble de valeurs : l'État de droit est celui qui s'engage, justement, par principe, à limiter l'exercice du pouvoir, et l'on ne saurait se prévaloir de l'accession démocratique à l'exercice du pouvoir pour s'autoriser toutes les dérives à l'égard des principes qui ont justement fait que l'on est arrivé au pouvoir.
Pour en revenir au contenu de la résolution, je ne vois pas du tout ce qu'il peut y avoir de choquant à vouloir préciser ce qu'est l'État de droit. Quant à la conditionnalité dans l'octroi et la réalisation des financements européens, elle existe pour toutes les aides internationales, et constituer des organismes de veille, d'alerte sur les violations me semble tout à fait naturel. Cette proposition m'apparaît donc pour ce qu'elle est : une manifestation d'intérêt de la Représentation nationale pour l'Union européenne, une affirmation forte de notre attachement à ses principes fondamentaux : la démocratie, l'État de droit, mais aussi les libertés fondamentales. Elle constitue un appel de la représentation politique française à un sursaut démocratique, un peu partout dans l'Union. Je regrette que, ce matin, nous n'arrivions pas à dépasser nos dissensions pour parvenir à une forme de de consensus sur l'État de droit, car si nos dissensions sont possibles, c'est justement la preuve que notre pays respecte l'État de droit, et nous devrions nous en réjouir.