Intervention de André Chassaigne

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 10h10
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Pour synthétiser nos positions sur ces différents sujets, nous pouvons commencer par la réduction prévue du budget de la PAC. Nous avions déjà fait part de notre opposition à une telle réduction. Rappelons que la PAC représentait dans les années 1970 plus de 70 % du budget européen, et la Commission propose aujourd'hui une proportion de moins de 30 %. Ensuite, nous avions également contesté, dans notre « avis de subsidiarité », les « plans stratégiques » prévus par Commission, qui conduiraient de fait à une « renationalisation cachée » de la PAC, créant des distorsions de concurrence et une exigence à la baisse en matière environnementale.

Le plafonnement des aides au-delà de 100 000 €, très intéressant sur le papier, est en réalité quasi inopérant. En effet, la proposition de la Commission demande aux États membres de déduire de ces montants deux éléments-clé : les salaires liés à une activité agricole et le coût équivalent de la main-d'oeuvre non salariée, c'est-à-dire familiale. Au total, le plafond ne sera pas réellement de 100 000 €, mais plus probablement aux alentours de 200 000 €, ce qui annule les effets théoriques d'un plafonnement.

Enfin, en ce qui concerne la nouvelle « architecture verte » de la PAC, il est positif de la part de la Commission européenne de vouloir faire évoluer l'ancien dispositif de verdissement. Toutefois, les trois nouveaux dispositifs dont nous avons parlé nous paraissent particulièrement complexes.

Au total, nous nous alarmons du décalage qui existe entre d'un côté, les orientations générales invoquées par la Commission européenne : simplification, efficacité, ambition, et, d'un autre côté, la réalité des propositions formulées : baisse du budget, renationalisation, complexification des dispositifs de verdissement. En réalité, ces propositions témoignent d'un renoncement de la Commission, faute de consensus européen.

Depuis le 1er juin, la Commission européenne consulte les États sur cette réforme qui est loin de faire l'unanimité. Nous pouvons rapidement vous dresser l'état des lieux des positionnements des principaux États membres. Lors du Conseil du 16 juillet dernier, le Commissaire Phil Hogan a présenté la réforme aux États membres. À cette occasion, la France a mis en avant le « Mémorandum de Madrid » par lequel vingt pays signataires ont manifesté leur volonté que le budget de la PAC soit maintenu à son niveau actuel, ainsi que la déclaration commune avec l'Allemagne, soulignant également cette volonté de stabilisation budgétaire.

Par ailleurs, il est frappant de constater qu'un grand nombre d'États membres souhaitent une flexibilité accrue, qui peut aller jusqu'à une renationalisation assumée. Par exemple, une majorité de pays souhaite que les programmes écologiques au sein du 1erpilier soient facultatifs, ce qui signerait la fin de l'ambition commune européenne en matière environnementale. La France plaide pour que chaque État soit dans l'obligation de proposer un dispositif écologique, mais ce dernier pourrait être facultatif pour les agriculteurs.

Ce constat a pu également être observé lors du Conseil du 15 octobre dernier, à l'occasion duquel une majorité d'États membres a déploré le « manque de souplesse » et la complexité de la nouvelle PAC, demandant encore plus de flexibilité. Cela a atteint un point tel que le Commissaire Hogan lui-même, chantre de la flexibilité, a dû rappeler aux États membres que « tout ne peut être facultatif », en posant la question : « que restera-t-il de commun à la PAC si trop de flexibilité est accordée ? ». Seules l'Espagne et la France ont mis en garde contre la perte du caractère commun de la PAC.

La présidence autrichienne tente de trouver une position commune d'ici la fin de l'année, même si elle admet que cela sera très difficile. La rapporteure du Parlement européen a préconisé, quant à elle, un report à 2023 de la date de mise en oeuvre de la nouvelle PAC.

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