Les constats sur les difficultés que rencontre la justice dans notre pays sont partagés par tous. L'état des lieux est peu glorieux. Le cruel manque de moyens humains, matériels et financiers entraîne parfois une justice dégradée et en souffrance, tant pour les victimes et pour les professionnels du droit que pour les justiciables.
Par conséquent, modifier le destin de la justice afin de lui rendre sa dignité doit être une priorité. Certes, il est indispensable de la moderniser, de la rationaliser et de la simplifier. C'est pourquoi nous soutenons la mise en place de la dématérialisation, de l'oralisation et de la réorganisation des procédures, ainsi qu'un certain allégement de la charge du juge par des transferts de compétences.
Toutefois, le débat doit être à la hauteur des enjeux, car la justice est un pilier du contrat social et une mission essentielle de l'État. C'est en conservant à l'esprit ces deux affirmations fondamentales qu'il convient d'aborder les textes qui nous sont présentés. Elles justifient les divers aspects sur lesquels notre groupe sera particulièrement vigilant.
Tout d'abord, le mauvais élève qu'est la France en matière de moyens accordés à sa justice démontre l'impérieuse nécessité d'augmenter significativement son budget. Si l'effort du Gouvernement est notable, il s'avère à nos yeux insuffisant. C'est pourquoi nous proposerons une nouvelle programmation financière proche de la moyenne européenne et plus en adéquation avec les besoins réels de l'institution. Par-delà les comparaisons internationales, les évolutions précédentes de l'enveloppe budgétaire dévolue à la justice ont – de toute évidence – été sous-évaluées. Ainsi, il semble impératif de consentir un effort budgétaire plus significatif, afin que la justice soit rendue dans des conditions acceptables. C'est à ce prix que l'État retrouvera sa crédibilité afin d'assumer cette mission très importante.
Par ailleurs, l'accessibilité de la justice doit demeurer une priorité. Les projets de fusion des tribunaux d'instance et de grande instance et de spécialisation de certaines chambres détachées ne doivent pas faire courir le risque, sur le long terme, de suppression de lieux de justice, notamment dans les territoires ruraux. Pour ces derniers, des garanties absolues doivent être prévues afin de s'assurer que la justice de proximité n'y sera pas fragilisée.
Ce point est primordial, car c'est cette justice qui est la plus nécessaire à nos concitoyens quotidiennement. Cette justice « des petits litiges », comme on l'appelle parfois, doit continuer à garantir la paix sociale chaque jour sur tout le territoire. Par ailleurs, et surtout, elle est souvent celle des plus vulnérables. Elle ne peut donc devenir une variable d'ajustement de la carte judiciaire. Nous présenterons des amendements destinés à mieux encadrer ces divers projets.
De nombreux articles du projet de loi portent sur le rôle du juge. Sur ce point, nous devons être attentifs au coeur même de sa tâche, en particulier en matière de droit pénal. La marginalisation de la peine d'emprisonnement est une évolution souhaitable, mais le juge doit pouvoir individualiser son jugement sans être enfermé dans des effets de seuils contre-productifs.
En outre, oeuvrer pour l'exécution effective des peines permettra de restituer sa légitimité à la décision judiciaire. C'est pourquoi nous mettons en avant la suppression des crédits automatiques de réduction de peine et le rétablissement de l'échelle des peines plus souple mise en place par le Sénat. On rend ainsi du sens à la peine, comme nous tâcherons de le démontrer.
Je m'attarderai plus particulièrement sur deux sujets, en évoquant tout d'abord l'exécution des peines, sur laquelle j'ai eu l'occasion de travailler il y a une dizaine d'années. Nos services de police et de gendarmerie font leur travail, extraordinaire, tout comme la justice fait le sien. Cependant, dans de nombreux cas, l'exécution des peines ne suit pas. Il en résulte que les personnes condamnées ont rarement conscience de la gravité des faits qui leur sont imputables, voire ne comprennent pas qu'elles ont commis un délit. De leur côté, les victimes n'obtiennent pas la réparation à laquelle elles ont droit. Ainsi s'explique, pour une bonne part, le décalage entre la réalité judiciaire de notre pays et la perception qu'en ont nos concitoyens. Nous avons besoin d'une justice qui soit comprise, qui respecte le justiciable et qui surtout soutient les victimes.
J'évoquerai ensuite le suivi psychiatrique, absent du projet de loi. Il y a dix ans, dans le cadre de notre commission, j'ai rédigé un rapport sur le suivi psychiatrique des mineurs, dont la situation, déjà alarmante à l'époque, l'est encore plus aujourd'hui. Le problème recoupe celui de l'exécution des peines, car certains actes appellent un suivi psychiatrique, lequel n'est pas toujours effectif. Nous aurions donc intérêt à nous pencher sur le sujet, en lien avec le ministère de la santé, afin de proposer des solutions alternatives à l'enfermement.
En fin de compte, les intentions apparentes de ces dispositions visant à redresser la justice sont louables. Nous en soutiendrons certaines. Toutefois, la philosophie qui sous-tend cette réforme doit être sans équivoque : le soutien des victimes dans le respect des justiciables, par une administration de la justice renouvelée à la hauteur de son office.