Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du mercredi 21 novembre 2018 à 15h00
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Article 4

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je voudrais, à la suite de Mme la rapporteure, en rappeler les grandes lignes. Actuellement, en première instance, les contentieux qui relèvent du tribunal d'instance, du tribunal de commerce, du conseil de prud'hommes, du tribunal des affaires de sécurité sociale, du tribunal du contentieux de l'incapacité, de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail – CNITAAT – et du tribunal paritaire des baux ruraux ne sont pas soumis à l'obligation de représentation par un avocat. À l'inverse, la plupart des contentieux qui sont attribués au tribunal de grande instance et peuvent être, par la suite, portés devant la cour d'appel, sont soumis au principe de représentation obligatoire.

Nous voulons améliorer la qualité et l'efficacité de la justice. Pour cela, il nous apparaît nécessaire de faire bouger les lignes en étendant l'obligation de représentation par avocat aux contentieux techniques : telle est la ligne directrice pour les contentieux en première instance. Symétriquement, nous maintenons un accès direct au juge pour les contentieux de la protection ou de la proximité. Voilà notre logique : la représentation par avocat est obligatoire pour les contentieux techniques ; elle ne l'est pas pour les contentieux de la proximité.

Ainsi, en première instance, nous proposons d'étendre la représentation obligatoire pour le contentieux de l'exécution au-dessus de 10 000 euros, hors expulsion, pour le contentieux douanier, pour le contentieux en matière fiscale ou encore en ce qui concerne les référés qui relèvent actuellement du tribunal de grande instance. À l'inverse, pour les demandes inférieures à 10 000 euros, pour le surendettement et pour les baux d'habitation, notamment, la représentation par avocat restera facultative.

Nous choisissons de maintenir une justice de proximité, devant laquelle il ne sera pas obligatoire d'être représenté pour les contentieux qui relèvent, aujourd'hui, des tribunaux d'instance.

Au total, en première instance, nous n'étendons qu'assez peu la représentation obligatoire par avocat, contrairement aux préconisations du rapport de restitution du troisième chantier de la justice, rédigé notamment par Nicolas Molfessis, selon qui il convenait de l'étendre aux contentieux portés devant le juge aux affaires familiales, hors divorce. Nous n'avons pas fait ce choix, car nous considérons que les parties peuvent se défendre elles-mêmes dans ces contentieux assez peu techniques. Vous voyez bien qu'en première instance, nous maintenons la proximité.

En appel, une autre logique prévaut. Nous considérons que le principe de la représentation obligatoire doit s'appliquer à l'ensemble des affaires soumises aux cours d'appel, sous réserve d'exceptions visant à tenir compte de la situation financière des parties. Je pense au surendettement, aux procédures collectives, à l'appel contre les décisions du juge des libertés et de la détention.

J'insiste sur le fait que l'appel n'est pas une deuxième mi-temps – j'aurai l'occasion de le redire. L'appel doit se concentrer sur des questions juridiques, techniques, pour réparer les éventuelles erreurs de droit qui auraient été commises en première instance. C'est à ce titre, parce qu'il s'agit d'un contentieux juridique et technique, que nous estimons qu'il faut y appliquer le principe de représentation obligatoire.

Telle est la philosophie des dispositions de ce projet de loi en ce qui concerne la représentation par avocat. J'ajoute qu'elles seront, bien entendu, complétées par des mesures réglementaires. Avis défavorable à ces amendements de suppression.

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