Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du mercredi 21 novembre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Après l'article 4

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je ne suis pas favorable à ces amendements. Néanmoins, je m'arrêterai comme la rapporteure quelques minutes sur ce sujet sensible : il y a là une demande forte de la profession d'avocat.

Tout d'abord, il y aurait là un risque réel d'inconstitutionnalité. Cette analyse s'appuie sur plusieurs décisions du Conseil constitutionnel ; je vous renvoie par exemple à une décision de 1999 relative à la couverture maladie universelle, qui précise clairement que le Conseil ne permet aux personnes morales de droit privé d'émettre un titre exécutoire qu'à la condition qu'elles soient chargées d'une mission de service public – et à d'autres conditions qui ne nous intéressent pas ici. Tel n'est pas le cas des avocats, en tout cas dans la situation actuelle.

Une modification substantielle des conditions d'exercice de la profession d'avocat serait nécessaire ; pour leur accorder des prérogatives de puissance publique, il faudrait, d'une certaine manière, que l'État puisse exercer un contrôle. Je ne suis pas sûre que les avocats souhaitent aller dans ce sens.

On entend parfois dire que le Président de la République se serait engagé, durant la campagne électorale, à conférer force exécutoire à l'acte d'avocat. Ce n'est pas vrai. Lorsque l'on relit les propos du Président de la République, il est question de donner force exécutoire à des actes qui émaneraient d'une société pluriprofessionnelle d'exercice, qui réunirait à la fois des avocats et des notaires – qui, eux, sont officiers publics et ministériels, et à ce titre peuvent donner force exécutoire à certains de leurs actes.

Au-delà, il faudrait sans doute s'interroger sur l'efficacité d'une telle mesure.

Je dois toutefois redire qu'une réflexion est engagée sur la question de l'acte exécutoire au sein des états généraux de l'avenir de la profession d'avocat, qui se déroulent en ce moment. Je me suis engagée à travailler avec la profession, en parallèle, sur ce sujet. Mais je redis qu'au moment où nous parlons, nous rencontrons de vraies difficultés constitutionnelles et, plus largement, juridiques. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable à ces amendements.

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