J'appréhende une fois encore ce débat avec la modestie du non-spécialiste, mais ma petite expérience des réalités humaines, sur mon territoire, me pousse à dire que le simple fait de comprendre que l'on est une victime, après une agression, un délit, une situation préjudiciable, constitue déjà une étape essentielle. Ensuite, une fois passée cette prise de conscience – plus ou moins longue selon la nature du délit – , le fait de décider de porter plainte constitue une autre étape décisive qui, me semble-t-il, nécessite un contact humain. La victime d'un délit peut en effet subir des pressions, des contraintes, jusqu'à renoncer au dépôt de plainte, comme souvent dans le cas des violences intrafamiliales ou des violences faites aux femmes : des pressions colossales s'exercent.
Troisième élément, qui rejoint notre analyse à propos de la gestion de la pénurie : suite à des mobilisations exceptionnelles comme celles que nous vivons aujourd'hui, certains commissariats ne disposent plus des effectifs nécessaires pour accomplir d'autres missions. Il est arrivé, dans le commissariat de ma ville – je demande d'ailleurs que des moyens supplémentaires lui soient affectés – , que des policiers ne puissent pas enregistrer des plaintes en fonction des heures ou des équipes présentes.
Vous dites que la plainte en ligne n'a pas vocation à se substituer aux plaintes devant des OPJ. J'entends bien, mais les missions de police étant ce qu'elles sont, certains fonctionnaires diront qu'ils n'ont pas que cela à faire, que leurs équipes sont sur le terrain et qu'il faut faire un dépôt en ligne. Cette déshumanisation nous fait craindre le pire.
Je voulais insister sur cette réalité-là : fragilisation de la plainte, y compris de son contenu, alors qu'il peut être déterminant dans les poursuites engagées et, au bout du compte, généralisation ou systématisation des plaintes en ligne lorsque l'on considère – selon des critères d'ailleurs plus ou moins objectifs – que la nature du délit justifie un tel dépôt ou la rencontre avec un officier de police judiciaire.