La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 1477 portant article additionnel après l'article 20.
Bien que plus général, cet amendement rejoint la logique d'un amendement précédent portant sur la sécurité sociale. Il vise à réduire d'un mois à quinze jours le délai de réponse aux recours administratifs préalables obligatoires, pour faire en sorte que l'administré reçoive une réponse rapide de l'administration. Il s'agit donc de contraindre l'administration à mobiliser des moyens humains suffisants pour répondre aux recours.
Au-delà, il convient d'éviter que certaines administrations utilisent le délai d'un mois et un accès plus limité au juge administratif ou au juge judiciaire pour ne pas appliquer la loi le plus strictement ou le plus loyalement possible.
La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Vous parlez d'un délai trop court, mais de quel point de vue vous placez-vous ?
Pour l'administré qui interroge l'administration, quinze jours ne sont pas un délai trop court ; un mois, cela commence à faire long.
Quinze jours, c'est un peu court.
Sourires
L'idée de cet amendement est d'améliorer la relation de l'administration aux administrés : il s'agit de faire mieux, d'être disruptive, de libérer les énergies…
L'amendement no 170 n'est pas adopté.
L'amendement no 672 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l'amendement no 960 .
Pour ma part, je suggère le retrait de l'amendement.
L'amendement no 960 est retiré.
Cet amendement vise à limiter le recours aux magistrats honoraires. Il nous semble que par définition, ils n'apportent pas autant de garanties que les magistrats statutaires : parce qu'ils sont magistrats honoraires, ils peuvent être remerciés rapidement.
D'un autre côté, ils peuvent aussi apporter davantage de garanties que les magistrats temporaires : ayant exercé la profession de magistrat une bonne partie de leur vie, ils ont l'expérience du métier.
En la matière, comme dans de nombreux autres domaines, il serait de toute façon temps que ceux qui ont un emploi passent la main aux suivants. L'emploi ne regorgeant pas dans ce pays, mieux vaudrait libérer les énergies à l'École nationale de la magistrature et embaucher des jeunes. Je suis sûr que de nombreux étudiants en droit n'attendent qu'une chose : entrer dans la magistrature, devenir magistrat. Peut-être s'en trouve-t-il même dans cet hémicycle ?
Nous vous proposons donc d'éviter d'étendre à tout va le recours aux magistrats honoraires, afin de pourvoir au recrutement de magistrats statutaires.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 1330 .
Cet amendement vise également à ne pas systématiser le recours aux magistrats honoraires, qui ne sont pas la réponse à privilégier. Ils pourraient en revanche devenir des bénévoles, engagés dans la conciliation, voire la médiation, en constituant un pool gratuit pour remplir une mission d'intérêt général, ce qui corrigerait les conséquences de ce projet de loi en matière de privatisation de certaines fonctions régaliennes de l'État.
Par ailleurs, le Syndicat de la juridiction administrative est hostile aux dispositions de l'article permettant aux chefs de juridiction de confier à des magistrats honoraires des fonctions d'aide à la décision qui, par nature, n'ont pas vocation à être confiées à des magistrats. Au bout du compte, cela est déshonorant pour des personnes qui ont exercé ces fonctions lorsqu'elles étaient en activité.
Le sens de cet amendement est donc le suivant : libérer les énergies et favoriser l'insertion des jeunes. Le droit administratif est passionnant. J'en ai fait l'expérience dans une autre vie. Il faut donc permettre à des jeunes de s'investir dans cette mission d'intérêt public, comme magistrat statutaire au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Vous le savez, nous aimons libérer les énergies, mais nous aimons aussi le renouvellement, qui consiste à mettre des personnes différentes autour de la table, en particulier des personnes ayant de l'expérience, qui pourront alimenter les tribunaux administratifs, aider les juridictions et concourir à la prise de décision ou à la rédaction d'actes. Cette demande est commune aux magistrats et aux juridictions.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Avis défavorable. Je rappelle que les juridictions administratives ont connu une augmentation sans précédent de leur plafond d'emplois dans les dernières années.
Il ne s'agit donc pas de diminuer les recrutements de juges administratifs, mais au contraire de soutenir l'activité des tribunaux administratifs en recrutant des magistrats à titre honoraire.
Les dispositions que nous proposons donnent des compétences élargies à ces magistrats et encadrent leur déontologie. C'est important pour pouvoir bénéficier de leur expérience.
Certes, on peut dire que les magistrats honoraires représentent un renouvellement, mais cela revient – quel exemple pourrais-je donner ? – à nommer Gérard Collomb ministre de l'intérieur : c'est bien une nouvelle tête à ce poste, mais sans grand renouvellement.
Sourires.
Au-delà de la facilité de l'argument, qui reste tout de même pertinent, vous nous dites qu'il n'y a jamais eu autant de créations de postes dans les juridictions. C'est donc qu'il faut encore faire un effort : votre budget est sous-doté, puisque vous en venez à élargir le champ de l'utilisation des magistrats honoraires.
Il y a déjà des magistrats honoraires, notamment dans le contentieux du droit des étrangers. Mais comme votre politique conduit à augmenter ce contentieux, il faut davantage de monde !
Une politique différente de prise en charge des personnes en situation irrégulière dans le but de régulariser leur situation éviterait un grand nombre d'affaires. Si vous travailliez à régler les causes, peut-être n'en serions-nous pas à dire qu'il faut davantage de magistrats honoraires !
Encore une fois, faites confiance à la jeunesse ! Magistrat est un beau métier, de nombreux jeunes souhaitent l'exercer. Le droit administratif les intéresse, comme il a pu m'intéresser dans une vie passée et peut-être future – qui sait ?
En termes de garanties statutaires, vous encadrez la déontologie. Il est bon que vous voyiez qu'il peut y avoir une difficulté en la matière. Ces magistrats sont désignés sur une liste arrêtée par le vice-président du Conseil d'État, mais il n'y a pas de processus transparent. Ils ne peuvent être désignés que pour une durée de trois ans renouvelable. En termes d'inamovibilité, ce n'est pas terrible. C'est même nul !
Ces magistrats peuvent être sanctionnés de la même manière que les autres magistrats sur la discipline assurant le bon exercice de leurs fonctions. En termes de garanties statutaires, je suis pour être au maximum. Je suis donc favorable à l'embauche de magistrats qui puissent faire leur office.
Enfin, les magistrats honoraires ont droit comme tout le monde à une retraite paisible qu'ils peuvent consacrer à l'intérêt général, en faisant par exemple, comme l'a suggéré Sébastien Jumel, de la conciliation ou de la médiation. Il y a tellement de belles choses à faire dans la vie !
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l'amendement no 5 .
Voici la solution, madame la rapporteure : pour le renouvellement, vous prenez de jeunes magistrats administratifs et pour l'expérience, vous créez une passerelle entre la profession d'avocat et celle de magistrat administratif.
L'amendement no 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 86 .
J'avais demandé la parole sur l'amendement précédent, monsieur le président, mais vous ne m'avez pas vu – je suis dans l'angle mort. Le passage d'une fonction à l'autre – de magistrat à avocat, du parquet au siège – peut faire débat. Je regrette que cette discussion n'ait pas lieu, car elle permettrait de redéfinir ce que nous entendons par justice, indépendance ou impartialité.
L'amendement no 86 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l'amendement no 6 .
L'amendement no 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 21 est adopté.
Madame la ministre, vous avez souligné qu'il y avait eu de nombreux recrutements dans les juridictions administratives. Malgré l'apparition des référés, celles-ci souffrent d'un mal endémique : la lenteur. L'oralité devant un juge administratif est toute relative, les magistrats n'en ayant guère l'habitude.
Vous faites appel à des magistrats honoraires, vous repoussez l'âge de la retraite et vous recrutez des juristes assistants. Vous créez une nouvelle fonction de juriste assistant ouverte aux titulaires d'un doctorat ou d'un bac +5. De deux choses l'une : soit les juristes sont assez nombreux dans les juridictions administratives, soit il en manque. Je ne comprends pas votre choix. Il existe un concours exceptionnel ouvert aux étudiants jusqu'à l'âge de vingt-sept ans pour l'accès aux fonctions de juge administratif. Pourquoi ne pas ouvrir davantage de postes à ce concours ?
Je suis saisi de deux amendements identiques de suppression, nos 179 et 1332.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 179 .
J'ai déposé un amendement de suppression de cet article, ce que je n'avais pas fait pour la réunion de la commission. Pourquoi ? Parce que j'ai réfléchi. La fonction de juriste assistant me fait penser à un autre dispositif en discussion, celui d'aide-soignant assistant. Apparemment, c'est la mode de créer des assistants pour tout alors que des métiers existent déjà dans les administrations pour assurer ces fonctions.
Les greffiers doivent pouvoir remplir le rôle que vous voulez confier aux juristes assistants. J'ai cru comprendre que dans nombre de cas, les juristes assistants disposeraient d'une voie plus royale que les greffiers pour devenir magistrat. Au lieu de créer une sous-catégorie de personnels venant en aide aux magistrats, il faut renforcer la fonction de greffier et en embaucher davantage. Celui qui est censé apporter de l'aide aux magistrats, c'est le greffier.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 1332 .
Dans le même esprit, il s'agit d'éviter une différenciation parmi ceux qui exercent la fonction de magistrat. Il ne peut y avoir de sous-magistrat, de semi-magistrat ou d'apprenti magistrat. Lorsqu'on est magistrat, on exerce une compétence pleine et entière.
À défaut de recruter des magistrats de tribunaux administratifs ou de cours administratives d'appel de plein exercice, il faudrait réfléchir à intégrer au sein des fonctionnaires de catégorie A ceux qui, aux greffes des tribunaux, assistent les magistrats.
Je pense qu'il est dangereux de déréguler de manière progressive le statut de magistrat dans les juridictions administratives.
Ce projet de loi ne crée pas le statut de juriste assistant. Il a été institué en 2016 par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle pour l'ordre judiciaire. Il s'agit donc d'étendre à l'ordre administratif ce dispositif qui fonctionne bien et donne satisfaction. Avis défavorable à ces deux amendements.
Monsieur Jumel, nous ne dérégulons pas le statut de magistrat, nous n'y touchons pas. Parce que les magistrats le demandent, nous plaçons simplement à côté d'eux des personnels. Les magistrats ont besoin de cette équipe autour d'eux.
Les juristes assistants sont diplômés – le plus souvent, ils sont docteurs en droit. Après cette expérience professionnelle de deux années, ils postulent très souvent au concours de la magistrature pour l'ordre judiciaire ou au concours pour devenir conseillers de tribunaux administratifs. Cette expérience les aide à intégrer ces fonctions.
Le dispositif est donc très intéressant à ce double titre.
En commission, nous avions déposé un amendement visant à interdire aux juristes assistants de rédiger les jugements à la place des magistrats. Les professionnels avec lesquels j'ai discuté reconnaissaient que de facto, les choses se passaient ainsi : les juristes assistants rédigent les jugements et le magistrat appose sa signature, notamment dans le contentieux des étrangers ; ils se font la main et passent ensuite le concours de magistrat. Ce faisant, ils privent de débouchés les greffiers qui sont censés être les assistants des magistrats.
Je ne dis pas que les magistrats ne réclament pas de l'aide. Ils la demandent, mais c'est précisément le rôle du greffier que de préparer les éléments permettant au magistrat de rédiger son jugement.
Les juristes assistants sont diplômés. Très bien, mais les greffiers le sont aussi. Il me semble que vous créez une sous-catégorie de personnels à exploiter, comme cela a été fait en matière judiciaire – vous avez raison de le rappeler, ce n'est pas une nouveauté. On joint l'utile à l'agréable : ils sont exploités et s'ils sont bons, ils auront le concours. Ce n'est pas sérieux ! Je défends l'existence de métiers, de qualifications et de parcours. Le parcours royal reste encore d'être greffier pour devenir magistrat.
Je n'ai rien contre les juristes assistants. Sans doute font-ils très bien leur métier, mais au regard de la philosophie du système judiciaire, il ne leur appartient pas de rédiger les jugements. C'est au magistrat de le faire, car il s'engage par sa signature.
Pardonnez-moi, madame la ministre, je vous écoutais de l'oreille droite tandis que mon oreille gauche écoutait Cécile Untermaier, parce que je voulais me nourrir de son expérience de magistrat administratif pour compléter mon argumentation.
Les magistrats bénéficient d'une indépendance garantie par la Constitution, ce qui n'est pas le cas des juristes assistants – ce n'est pas neutre.
Je souhaite prendre un exemple un peu décalé qui concerne les personnels qui nous accompagnent au quotidien. Si nous laissons faire la privatisation rampante des services de l'Assemblée – ceux qui épaulent quotidiennement les parlementaires – , tout ce qui constitue le statut – la neutralité, l'indépendance, l'obligation de discrétion, le devoir de réserve…
Si vous me laissez poursuivre, vous comprendrez. Ce qui permet l'exercice de la démocratie parlementaire, c'est le statut.
Le fait de privatiser ou de faire appel à des emplois précaires, comme cela est envisagé, pour exercer les missions de sécurité et d'accueil à l'Assemblée – les employés changeront tous les ans – ne constitue pas, me semble-t-il, une garantie satisfaisante pour assurer la sécurité non pas des députés – moi, je n'ai peur de rien – mais de la démocratie.
L'idée selon laquelle un statut n'est pas étroitement lié à une mission correspond à une vision libérale que je ne partage pas. C'est vrai pour les magistrats comme pour le personnel de l'Assemblée, et plus généralement pour la fonction publique, dont le statut engendre des droits, mais aussi des obligations.
Voilà le lien que j'établis, madame la rapporteure. Je ne crois pas être décalé en disant cela. Un magistrat est un magistrat, un fonctionnaire est un fonctionnaire. Chacun dispose de prérogatives et obéit à des sujétions de service qui sont inhérentes à ses fonctions. C'est la raison pour laquelle la privatisation ou la précarisation de certaines missions n'est jamais bonne pour l'exercice de celles-ci dans la durée.
L'article 22 vise à autoriser le recrutement de juristes assistants dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel. L'amendement de notre collègue Reda a pour objet d'élargir le recrutement aux titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat – CAPA – depuis au moins trois ans.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l'amendement no 7 .
Il est presque identique. Les titulaires du CAPA ne possèdent pas toujours un diplôme de master 2, puisque vous risquez de m'opposer cet argument.
Je demande le retrait de ces amendements. À défaut, mon avis sera défavorable non pas parce que les avocats ont un master 2 – vous avez raison, madame Meunier, ce n'est pas toujours le cas – mais parce que pour obtenir le CAPA, il faut avoir fait un master 1, qui sanctionne quatre années d'études, puis l'école de formation du barreau pendant dix-huit mois, ce qui représente au total cinq années et demie d'études, soit la durée requise pour solliciter le statut de juriste assistant. Rien n'empêche aujourd'hui un titulaire du CAPA d'être juriste assistant. Les amendements sont donc satisfaits.
Je demande également le retrait de ces amendements.
Le groupe Socialistes et apparentés a déposé un amendement de même nature, mais sur le projet de loi organique, dont j'ignore le jour et l'heure d'examen.
Sourires.
J'interviens maintenant, ce qui me permettra d'être beaucoup plus brève dimanche à vingt-trois heures trente.
Je souscris aux interrogations qui se sont exprimées. Vous avez raison, madame la rapporteure, de vouloir la diversité. La diversité dans une formation collégiale est la source de la qualité du jugement.
Je ne suis pas avocate, mais j'ai eu l'occasion de travailler avec des avocats au sein d'une chambre administrative. C'est passionnant. Mais la passerelle pour les avocats expérimentés n'existe pas. C'est impossible pour des raisons matérielles : il leur faut économiser pendant deux ans avant, le cas échéant, d'être acceptés en tant que magistrats. L'inverse n'est pas vrai. Lorsqu'on est magistrat, on devient avocat très facilement ; lorsqu'on est conseiller d'État, à la retraite, on devient avocat au Conseil d'État ou à la Cour de cassation.
Je crois qu'il y a là un enjeu : il faut absolument harmoniser les procédures d'intégration ; les professionnels du droit doivent être rassemblés. Dans l'intérêt de la magistrature, judiciaire comme administrative, il faut rendre réelle la passerelle pour les avocats, qui pourraient apporter une expertise tout à fait passionnante, notamment dans les chambres commerciales.
J'ai parlé à plusieurs reprises des greffiers. Ce n'est pas complètement innocent : les greffiers peinent à trouver des débouchés et à être reconnus dans leur métier. Il y a des juristes assistants qui arrivent, notamment des avocats qui sont nommés dans ces fonctions, et qui prennent leur place. Il convient de valoriser la filière des greffiers en interne. C'est en tout cas le message que nous ont fait passer les organisations syndicales de greffiers. Cette reconnaissance passe aussi par le renforcement de leur statut, plutôt que par la création de voies d'accès supplémentaires ou parallèles.
Si vous voulez de la diversité dans les administrations, c'est au moment du recrutement qu'il faut se fixer cet objectif. Dans l'administration, on sait tout de même recruter des profils divers au concours ; on ne porte pas de telles oeillères – en tout cas, je l'espère. Regardez : on m'a bien recruté !
À chaque audience solennelle de rentrée du tribunal de Dieppe – tribunal de plein exercice, qui le restera, je l'espère – …
Cela dépendra de ce que vous ferez, monsieur le député !
Sourires.
Sourires.
… le parquet et le président du tribunal ne manquent jamais l'occasion de souligner le rôle essentiel du chef et de l'ensemble du personnel du greffe pour la diligence, l'efficience, la réactivité, le sérieux et l'ordonnancement des jugements. ll est bon de rendre hommage aux greffiers lors de ces audiences solennelles, mais il serait mieux encore que nous reconnaissions et valorisions cette filière, que nous lui donnions la place qui convient, que nous ne laissions pas se développer le sentiment larvé que nous inventons ou bricolons des professions qui seraient de nature à affaiblir ou à détricoter leur statut. Tel était le sens de l'intervention de mon collègue Ugo Bernalicis, que je souhaite appuyer par ces propos.
L'amendement no 313 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 87 .
Il vise à rendre homogènes les durées pour lesquelles les juristes assistants sont nommés. Le plafond fixé lors de travaux précédents resterait le même, six ans, mais on pourrait y parvenir autrement : les juristes assistants seraient nommés pour une période maximale de deux ans, renouvelable deux fois.
Avis défavorable, précisément par souci d'homogénéité avec les juristes assistants de l'ordre judiciaire, qui sont nommés pour une durée maximale de trois ans, renouvelable une fois.
Je suis défavorable à cet amendement, mais j'en profite pour répondre à Mme Untermaier : je suis extrêmement favorable, bien entendu, à ce que les avocats puissent intégrer l'École nationale de la magistrature. C'est déjà possible. Le Conseil national des barreaux travaille actuellement sur la question de la formation et des passerelles. Pour ma part, je trouverais très utile que nous avancions sur ce sujet.
Compte tenu des explications fournies par Mme la rapporteure, je retire l'amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 87 est retiré.
L'article 22 est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 611 , tendant à supprimer l'article 22 bis.
L'amendement no 611 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 22 bis est adopté.
L'article 23 est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 24.
La parole est d'abord à M. Pierre Morel-À-L'Huissier.
L'article 24 ouvre la possibilité de recourir à la collégialité en matière de référé précontractuel et contractuel. Il me semble que le référé correspond à l'urgence ou à l'évidence. On ne voit pas trop l'intérêt de renvoyer à une formation collégiale des affaires de référé, examinées dans le cadre d'une procédure écrite, sur lesquelles un juge unique est à même de statuer.
L'article 24 vise à améliorer la qualité et l'efficacité de la justice administrative. Il est en effet proposé de permettre aux juges des référés précontractuels et contractuels de statuer en formation collégiale. La loi no 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires permet désormais de réunir des formations collégiales en matière de référé d'urgence lorsque la nature de l'affaire le justifie. La complexité du contentieux de la commande publique et les enjeux économiques qui s'y attachent exigent que de telles formations collégiales puissent être réunies également en matière de référé précontractuel et contractuel.
M. Didier Paris, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, applaudit.
Je poursuis ma réflexion. Je me demande depuis longtemps, et de plus en plus, comment il se fait que des hommes et des femmes qui disposent de telles capacités intellectuelles, qui font preuve d'un tel dévouement, qui consentent de tels sacrifices, qui ont un coeur tellement puissant qu'il expédie la lave rouge de leur sang jusqu'à la dernière de leurs cellules et un cerveau aussi froid qu'un iceberg qui n'a pas connu de réchauffement climatique depuis vingt-cinq milliards d'années
Sourires
n'arrivent pas à trouver une forme d'accomplissement dans leur mission. Il s'agit pourtant des missions les plus importantes de la République.
Commençons par nous, les politiques : nous faisons ce que nous pouvons, nous consacrons beaucoup de temps à notre tâche et acceptons de nombreux sacrifices, mais nous n'avons aucun pouvoir. Les très hauts fonctionnaires, eux, en ont peut-être un peu trop ; en tout cas, ils ne passent jamais devant les urnes. Quant aux journalistes, ils bavardent beaucoup, mais cela a peu d'effet. Qu'en est-il des magistrats ? Lorsqu'on observe un tribunal de l'intérieur, on a l'impression que cela fonctionne bien. Pour ma part, le jour de la rentrée de la cour – je reviens sur ce qu'a dit M. Jumel – , je me sens bien. En revanche, lorsque l'on parle de la justice à l'extérieur, on ne rencontre que des gens mécontents : c'est trop long ; on n'y arrive pas.
Je ne parviens pas à comprendre pourquoi il y a cette forme de désenchantement au niveau de toutes les élites, …
… qui font l'objet d'un même verdict de la part du peuple : elles ont toutes perdu totalement sa confiance.
Je ne vois effectivement qu'une solution : comme je le dis souvent ici, il manque, dans notre espace public, les finances nécessaires…
… pour recréer un grand élan. En outre, nous n'occupons plus l'espace politique.
Je me permets de le dire, madame la garde des sceaux, car, en toute franchise, vous n'y êtes pour rien : vous héritez de trente ans de laisser-aller incommensurable. Si cette loi permettait de retrouver un peu ce chemin-là – il n'est pas si éloigné, à mon avis – , on bouleverserait le cours suivi par notre pays et notre société.
Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire Jean Lassalle à propos des finances publiques : on ne met pas suffisamment de pognon, si ce n'est pour construire des places de prison. Je l'ai déjà dit cinquante fois et le dirai encore.
Pour le reste, je vais dire une chose que je dis rarement :
« Ah ! » sur plusieurs bancs
Sourires et applaudissements sur quelques bancs
car, pour une fois, vous dites qu'il faut de la collégialité. Je ne peux que le remarquer et le faire remarquer, sachant que, dans tant de domaines où elle était la norme, elle est devenue l'exception. À croire que nous n'avons pas tiré les enseignements du traitement d'un certain nombre de faits divers, ne serait-ce que du procès d'Outreau, qui a eu l'effet d'un électrochoc et a remis la collégialité au coeur des débats.
Oui, c'est bien qu'il y ait de la collégialité. Oui, c'est bien qu'elle redevienne la norme. Malheureusement, cette mesure n'est qu'une exception dans votre texte.
Nous en venons aux amendements à l'article 24.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l'amendement no 8 , tendant à supprimer l'article.
La collégialité, c'est bien, certes, mais, en matière de référé, c'est surprenant. Et s'il faut trouver trois juges pour statuer en référé dans une petite juridiction, cela se complique.
On ne nous a pas communiqué de bilan montrant comment cette collégialité pourrait fonctionner. C'est pourquoi je demande la suppression de l'article 24.
La mesure prévue à l'article 24 sera particulièrement utile en matière de contentieux complexes, notamment de contentieux de la commande publique. L'objectif est de conjuguer collégialité et célérité. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Avis défavorable également. Cette disposition ne jouera qu'à titre exceptionnel…
… lorsque la question sera soit techniquement complexe, soit politiquement sensible. En réalité, il est apparu important de prévoir cette possibilité devant le juge administratif après l'affaire Dieudonné, à l'occasion de laquelle des magistrats avaient été mis en cause.
Je comprends tout à fait l'objectif, qui est louable, mais c'est l'application de la mesure qui pose problème : il sera difficile de trouver trois juges pour statuer en référé.
Je m'oppose à cet amendement de suppression. Ma foi, pour une fois que l'on promeut la collégialité !
Cependant, la collégialité restera malheureusement l'exception, vous l'avez dit, madame la garde des sceaux. Au cours de nos débats sur l'open data, nous avons relevé qu'il pouvait y avoir un problème de profilage des magistrats en fonction de leurs décisions. Or, avec la collégialité, cela ne peut pas arriver. C'est pour cela qu'elle devrait être la norme en toute circonstance. Le juge unique devrait être l'exception.
Je ne suis pas du tout convaincu par les arguments de Mme la rapporteure. Ne me parlez pas de complexité à propos de la commande publique ou des marchés publics : tout magistrat administratif connaît la question par coeur. Je ne vois pas pourquoi on ferait appel en la matière à une formation de trois juges administratifs, alors qu'ils ont bien d'autres choses à faire. Le référé est une procédure d'urgence. Un juge unique est suffisamment compétent pour statuer sur un problème de commande publique.
J'irai dans le même sens que M. Morel-À-L'Huissier. Le référé est une procédure d'urgence qui ne vise pas à statuer sur le fond, ce que l'on fera par la suite. Mieux vaudrait une collégialité quand on se saisit du fond, particulièrement si les dossiers sont complexes.
Quand nous examinions les articles sur la procédure civile, nos collègues de l'opposition n'ont cessé de rappeler que supprimer la présence d'un juge était très grave, que nous déjudiciarisions la justice et que nous la privatisions. Mais quand, sur des contentieux complexes, nous prévoyons de mettre trois juges au lieu d'un, ils nous répondent que c'est chose impossible et que ce n'est pas ainsi qu'il faut s'y prendre. À un moment donné, il faut faire preuve d'un minimum de cohérence !
L'amendement no 8 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 1459 .
L'amendement no 1459 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 24, amendé, est adopté.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L'Huissier, pour soutenir l'amendement no 552 portant article additionnel après l'article 24.
L'amendement vise à permettre au juge administratif chargé de l'instruction d'une affaire d'informer le procureur de la République qu'il a connaissance de faits susceptibles de constituer un crime ou un délit et, le cas échéant, de lui transmettre les éléments du dossier qui y sont relatifs. On rendra ainsi le rôle du juge plus effectif. J'y reviendrai quand nous examinerons l'article 25.
L'amendement me semble satisfait par les dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale, qui prévoit l'obligation pour toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit d'en informer sans délai le procureur. Je vous suggère donc de retirer l'amendement.
En tant qu'avocat, je connais bien l'article 40 du code de procédure pénale. Le problème est qu'on ne s'expose à aucune sanction en ne l'utilisant pas. Je souhaite qu'un juge administratif ou un président de TA ayant connaissance d'un problème pouvant aboutir à une qualification juridique soit obligé de saisir le procureur de la République.
L'amendement no 552 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L'Huissier, pour soutenir l'amendement no 553 .
Cet amendement vise à ce qu'une copie des décisions des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel relatives à l'annulation d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir soit immédiatement transmise au président du tribunal judiciaire et au procureur de la République territorialement compétents.
Dans la mesure où les champs de compétence des juridictions administratives et judiciaires peuvent coexister dans ces domaines, donc où des procédures peuvent intervenir parallèlement sur une même affaire, il convient de prévoir une information du juge administratif à destination du juge judiciaire, sans préjudice du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.
Là encore, il s'agit de rendre le rôle du juge administratif plus efficient.
Avis défavorable. Je comprends le sens de l'amendement, mais ce dispositif risque de poser des difficultés pratiques liées notamment à l'identification des juridictions compétentes. En outre, l'efficacité de la mesure est incertaine : il paraît compliqué d'exploiter les transmissions automatiques de documents entre juridictions.
J'aboutis aux mêmes conclusions que Mme la rapporteure pour des raisons légèrement différentes. L'amendement me semble déjà satisfait par des dispositions de nature réglementaire, notamment par les articles R. 751-10 et 751-11 du code de justice administrative, qui impose cette obligation aux TA et aux cours administratives d'appel.
J'apprends que cette disposition existe. En quinze ans d'activité professionnelle, je n'ai jamais vu un seul tribunal administratif transmettre une de ses décisions à un procureur de la République ou une autorité judiciaire.
Les juridictions administratives sont lentes, même si le Conseil d'État prétend l'inverse. Si l'on dépose un recours en annulation contre un permis de construire, il faut trois ans pour obtenir la décision. Quand elle est saisie, la cour d'appel met deux ans à se prononcer. Or une action civile de démolition ne peut être introduite que dans les cinq ans suivant la construction. C'est ce qui explique qu'on puisse annuler un permis de construire relatif à une construction impossible à démolir. C'est un vrai problème. Ne pas l'admettre, c'est manquer d'honnêteté envers des citoyens.
L'amendement no 553 n'est pas adopté.
Une fois n'est pas coutume. Je tenais à remercier le Gouvernement pour cet article, grâce auquel les juridictions administratives gagneront en efficacité.
L'article 25 est adopté.
Nous voilà de nouveau confrontés à un article qui traduit, dans ce projet de loi sur la justice, une disposition de la loi relative à la protection du secret des affaires, à laquelle nous nous sommes opposés.
Lors de son examen, nous avions pointé le risque que ce texte augmente l'opacité des jugements. Nous savions du moins qu'il ne faciliterait ni la transparence ni l'accès, pour les journalistes ou les simples citoyens, au contenu des dossiers. Nous y voilà ! C'est pourquoi nous avons déposé un amendement no 181 tendant à supprimer l'article.
Par cet amendement, nous proposons de faire primer la justice et le droit des justiciables sur le secret des affaires des entreprises.
L'article 25 introduit en effet dans le code de justice administrative des dispositions présentes dans le code du commerce, qui restreignent non seulement les droits procéduraux des parties durant une instance, mais aussi le principe même du contradictoire.
L'article tend à ce qu'au nom du secret des affaires, « les exigences de la contradiction » soient « adaptées à celles de la protection du secret des affaires ». En l'espèce, dans le cadre d'une instance administrative, le principe du contradictoire prévoit que les pièces transmises par une partie le soient aussi à l'autre partie si elles ont un effet sur la résolution du litige.
Or l'article permet aux entreprises, au nom du secret des affaires, de bloquer le contradictoire. Un document soumis, selon elles, au secret des affaires ne sera pas automatiquement transmis, puisque, si le juge décide par ordonnance sa transmission, il faudra attendre l'expiration d'un délai de recours avant que l'autre partie puisse y avoir accès ou non.
Cela signifie, ce qui est encore plus problématique, que le juge peut se fonder sur des documents et informations dont l'autre partie ne pourra jamais être destinataire, et qu'elle ne pourra donc jamais contester.
Dans le cas du redressement fiscal d'une grande entreprise, qui sera examiné au tribunal administratif de Montreuil, l'administration fiscale ne pourra avoir accès aux justifications de la société qui a fait l'objet du recouvrement si celles-ci sont couvertes par ce fameux secret des affaires.
Ainsi, une loi adoptée par la majorité oblige à ne plus faire confiance à l'État et à privilégier les entreprises. Nous parlons bien d'une défiance, non envers un particulier ou une société concurrente qui aurait engagé la procédure, mais envers l'État lui-même, ce qui nous semble particulièrement grave. C'est pourquoi nous vous proposons de supprimer l'article.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Avis défavorable.
On va en venir à des situations ubuesques, dans lesquelles, au nom du secret des affaires, il n'y aura plus ni contradictoire avéré ni communication des pièces. En commission, M. Terlier nous a expliqué – je crois que c'était à propos de cet article – que, si certains documents susceptibles d'être couverts par le secret des affaires peuvent être communiqués immédiatement au tribunal, l'entreprise peut ensuite faire un recours en prétendant qu'ils n'auraient jamais dû lui être transmis.
Faut-il les transmettre, chers collègues ? Tout dépend du point de vue que l'on adopte. Du point de vue du secret des affaires, non, non, non. Du point de vue du justiciable, du citoyen attaché à la vérité et à la transparence, oui, oui, oui.
C'est pourquoi, après nous être opposés à la loi sur la protection du secret des affaires, nous vous conjurons de voter l'amendement. On ne peut pas permettre aux grandes entreprises de cacher aux citoyens, au nom du secret des affaires, des vérités qui peuvent avoir trait à l'intérêt général.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement no 181 n'est pas adopté.
L'article 25 bis A, amendé, est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 540 rectifié portant article additionnel après l'article 25 bis A.
L'amendement no 540 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 541 rectifié .
L'amendement no 541 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l'amendement no 10 rectifié .
En un mot, il s'agit d'ouvrir plus de postes au concours de conseiller de tribunal administratif dans les juridictions ultramarines.
L'amendement vise à supprimer la présence des magistrats judiciaires dans les juridictions administratives de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Ces dispositions exceptionnelles répondent à des situations géographiques très spécifiques, qui ne peuvent être régies par des dispositions de droit commun naturellement applicables en métropole. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'amendement.
L'amendement no 10 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 542 rectifié .
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'émets pour ma part un avis défavorable, en attendant le suivant.
Sourires
L'amendement no 542 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 180 , portant article additionnel après l'article 25 quater.
Par cet amendement, nous proposons d'abroger les dispositions les plus illégitimes et les plus disproportionnées de la loi sur le renseignement du 24 juillet 2015.
Nous souhaitons en effet revenir à l'état antérieur du droit, puisque les dispositions de la loi Renseignement les plus liberticides n'ont apporté la preuve ni de leur utilité ni de leur efficacité. Elles visent les moyens d'interception de sécurité, d'accès aux données de connexion, de balisage de véhicules ou d'objets, de sonorisation ou de captation d'images dans des lieux privés ou encore de captation de données informatiques.
Notre position est à l'opposé des dispositions du projet de loi, puisque vous souhaitez permettre au procureur d'utiliser ces techniques, dès lors que sont en jeu des peines d'au moins trois ans d'emprisonnement, ainsi que les techniques d'enquête anonyme pour tout crime ou délit qui relève d'une peine de prison.
Que chacun se rassure : notre idée n'est pas de désarmer l'État ni de renoncer à employer ces techniques. Il faut seulement qu'elles soient utilisées dans le mode judiciaire, aux mains d'un juge d'instruction indépendant et dans le cadre d'une information judiciaire. On garantira ainsi les libertés individuelles.
Nous pensons en effet qu'il faut sortir de l'ère du soupçon qui ne nous amènera nulle part, sinon à instaurer un univers digne d'un roman d'Orwell, ce que nul ne souhaite.
Mme Mathilde Panot applaudit
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Vous avez raison, monsieur le député : votre proposition va à l'opposé tant du projet de loi que de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, sur laquelle vous voulez revenir. Vous avez déposé d'autres amendements allant dans ce sens.
La loi de 2015 a parfaitement défini les conditions d'exercice des activités liées au renseignement en France. Elle a d'ailleurs été validée par le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises. Elle apporte des garanties qui n'étaient pas aussi bien définies auparavant. Je me demande comment on pourrait faire comprendre au peuple français qu'aujourd'hui, il n'y a plus de menaces et qu'il n'y a donc plus besoin de renseignement. L'avis est évidemment défavorable, monsieur Bernalicis.
Je pensais avoir pris quelques précautions dans la défense de mon amendement en disant que le problème ne tenait pas à l'usage des techniques en tant que telles ; la question est de savoir qui les emploie et dans quel cadre. C'est là toute la différence entre nous. Je ne prétends pas qu'il n'y a pas de menace – elle existe bel et bien – , mais je dis que pour y faire face, il faut utiliser les moyens les plus protecteurs qui soient des libertés individuelles. À cet égard, nous manquons de juges d'instruction et de moyens pour conduire des enquêtes. Aujourd'hui, seules 3 % – je dis bien 3 % – des enquêtes sont menées par un juge d'instruction. Le juge d'instruction est réduit à peau de chagrin, alors qu'il devrait avoir toute sa place, notamment en cette matière, particulièrement attentatoire aux libertés individuelles. Rappelez-vous que lors de la mise en oeuvre de l'état d'urgence, 4 300 perquisitions ont été effectuées, qui n'ont pas conduit à 4 300 arrestations de terroristes.
… n'ont d'ailleurs pas donné lieu, la plupart du temps, à des mesures de réparation de l'État en faveur de ces gens qui avaient l'air dangereux et qui – malheureusement pour eux, heureusement pour nous – ne l'étaient pas. En attendant, ce sont eux qui se sont fait fracasser leur porte, ont vu arriver les policiers, et j'en passe.
Pour notre part, nous rendons hommage aux forces de l'ordre, monsieur Bernalicis !
Rappels au règlement
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 alinéa 1. Nous venons de changer de rapporteur ; je voudrais saluer l'arrivée de Didier Paris et le départ provisoire de Laetitia Avia. Nous en venons à présent à la procédure pénale, sur laquelle nous allons examiner un certain nombre d'amendements dans les heures qui viennent.
Je souhaite en particulier revenir sur l'amendement no 1644 du Gouvernement portant article additionnel après l'article 52, qui concerne la réforme de l'ordonnance de 1945. C'est, me semble-t-il, le moment d'en parler – surtout si son examen intervient dans la nuit de dimanche à lundi. Je voudrais à nouveau dénoncer la manière de procéder du Gouvernement. Nous avons appris hier, lors des questions au Gouvernement, que le Parlement se dessaisirait et habiliterait le Gouvernement à modifier le texte de 1945 par ordonnance, sur la base de l'article 38 de la Constitution. Cette procédure va nous tomber dessus, alors que nous conduisons actuellement des auditions dans le cadre de la mission d'information sur la justice des mineurs. Nous n'avons eu connaissance du texte de l'amendement que cet après-midi. Je lis que cette réforme se fera « dans le respect des principes constitutionnels » – la belle affaire ! Heureusement que nous respectons, ici, l'État de droit ! C'est la moindre des choses ! Je voudrais appeler votre attention sur le fait qu'il ne s'agira pas d'une codification à droit constant, mais d'une profonde modification, de changements substantiels. Je voudrais que nous soyons les uns et les autres en alerte, à l'occasion de ce changement de rapporteur, sur cette perspective et cette façon de procéder. À l'occasion de l'arrivée du nouveau rapporteur, j'estimais nécessaire d'exprimer ce coup de gueule – il n'y a pas d'autre terme – contre le déroulement inacceptable de nos travaux. Les modifications à venir porteront sur le fond et iront donc bien au-delà d'une codification à droit constant. Elles n'étaient prévues ni dans les travaux du Sénat, ni dans ceux que nous avons menés, la semaine dernière, en commission des lois. Je souhaite que, de tout cela, il soit dressé procès-verbal, afin que cela ait une incidence sur la suite de nos travaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 alinéa 1, et a trait à l'organisation de nos travaux. Quant à la forme – ça devient une habitude – , le Parlement est bafoué, le Parlement est humilié, le Parlement est discrédité.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
En l'occurrence, le Sénat est méprisé en plein congrès des maires. Vous balayez les sénateurs. Continuez ainsi, c'est bien : après les corps intermédiaires et les classes populaires, il y aura les parlementaires. La boucle est bouclée et illustre la volonté du nouveau monde de s'asseoir sur tout ce qui fait la cohésion de la République. Du point de vue de la forme, alors qu'une mission d'information conduit ses travaux à l'Assemblée, on sort du chapeau une refonte de l'ordonnance de 1945 sans que le Gouvernement n'ait écrit la moindre ligne directrice sur le sujet. Quant au fond – ce n'est pas moi qui le dis, ni Philippe Gosselin, ni même, pour anticiper ses propos, Ugo Bernalicis – , mais l'ensemble des acteurs qui, au quotidien, sont mobilisés au service de l'intérêt des enfants. Je les cite : « Consternation » face à un « coup de force » disent les syndicats de magistrats et d'éducateurs, qui jugent « scandaleuse » la volonté du Gouvernement de réformer la justice des mineurs par voie d'ordonnance. « C'est la cerise sur le gâteau de ce processus parlementaire : à deux jours de la fin des débats, la ministre décide de légiférer sur un sujet sensible, sans que personne n'ait été entendu. Là aussi, la concertation n'est évidemment pas au rendez-vous. » juge Anaïs Vrain, juge pour enfants et secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature. Je citerai une autre personnalité, moins à gauche mais tout aussi légitime : Jacky Coulon, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats, se dit, lui, « consterné » : « on ne voit pas où va le Gouvernement…
… qui n'a jamais présenté de ligne directrice sur la justice des mineurs mais demande un blanc-seing » sur ce sujet.
Vous vous asseyez sur nous donc, de temps en temps, on a le droit de se mettre en colère !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Vous me permettrez, monsieur le président, de parler encore dix secondes. Vous demandez un blanc-seing alors que la copie est vierge, sur un sujet qui doit faire consensus, qui doit rassembler non seulement les acteurs concernés, mais aussi la communauté nationale, l'Assemblée nationale. De surcroît, cet amendement sera probablement discuté dans la nuit de samedi à dimanche, à quatre heures du matin, comme si c'était un petit sujet. Ce n'est pas la garde des sceaux toute seule qui a décidé de cela. Je pense que le Gouvernement veut faire de la diversion, de la triangulation ; il cherche un sujet pour détourner la colère. Mais les colères vont s'additionner, se coaguler, car la marque de fabrique de ce gouvernement, c'est de mépriser l'ensemble de ceux qui ont des choses à dire – en l'occurrence, ceux qui s'occupent des mineurs au quotidien.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
J'ai déjà poussé un coup de gueule tout à l'heure, car on me faisait remarquer que nous proposions des amendements qui n'avaient pas été discutés en commission, alors que nous avons au moins fait l'effort de respecter la procédure. On pourrait dire que c'est une petite modification de l'ordonnance de 1945, une sorte de toilettage, comme je l'ai entendu ici ou là. Pourtant, l'amendement qui a été déposé tout à l'heure par le Gouvernement – je dis bien tout à l'heure – a pour objet de « simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants ; accélérer leur jugement pour qu'il soit statué rapidement sur leur culpabilité ; renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine ; améliorer la prise en compte de leurs victimes [… ] » Ce n'est donc pas une petite modification : c'est extrêmement large, au-delà des bonnes intentions, toujours présentes, dans les formules. Même le Sénat n'en a pas discuté, ni en commission, ni dans l'hémicycle. On voit bien, parce que ce sera discuté après l'article 52, que l'objectif est que ça se fasse entre nous, sur la fin…
… quand on en aura marre, quand on voudra rentrer chez soi. Oui, encore une fois, l'ordre du jour a été défini de telle sorte que tout soit condensé sur les derniers jours, pour nous contraindre à fermer nos bouches, comme d'habitude. On sait que l'ordonnance de 1945 est un totem et peut susciter des fantasmes à partir du moment où on commence à le toucher, à le bricoler – c'est aisément compréhensible, puisqu'il s'agit d'enfants, de mineurs. On peut se dire que vous avez voulu faire ça en vitesse, contourner les voies habituelles. De surcroît, vous avez lancé une mission d'information sur le sujet, dans cette assemblée.
Elle n'a pas même achevé ses travaux que vous prévoyez déjà de rédiger une ordonnance ! Qu'est-ce que c'est que ces méthodes ? Qu'est-ce que c'est que ce travail ?
Non, ce n'est pas acceptable ! Nous demanderons donc le retrait de cet amendement gouvernemental.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
J'ai été également surprise par cette annonce. Nous avons vécu cela lors du précédent quinquennat, et nous l'avons combattu et regretté. Apprendre aujourd'hui qu'un amendement a été déposé, alors que la commission des lois s'est réunie la semaine dernière, me paraît particulièrement outrageant pour les parlementaires que nous sommes. Vous pouvez sourire…
… mais contrairement à ce qu'on a pu vous dire, le recours aux ordonnances entraînera notre dessaisissement…
… quelles que soient les précautions que l'on prendra. Je considère, pour ma part, que la justice des mineurs mérite le débat parlementaire.
Vous l'aurez !
Mais en cas de recours aux ordonnances, nous n'avons pas les mêmes garanties. Je vous fais confiance, je sais que vous êtes une femme de dialogue, mais le fonctionnement de l'institution parlementaire doit être garanti. Si nous ne sommes pas d'accord, nous n'aurons aucun moyen pour peser sur le contenu du dispositif. Quand on m'a appris l'existence de cet amendement, j'ai pensé, sachant que je prends part de manière extrêmement fructueuse aux travaux de la mission d'information dont Jean Terlier et moi-même sommes les corapporteurs, que c'était une codification, et considéré que c'était envisageable. Nous avons procédé de la sorte pour le droit des contrats. En l'occurrence, nous avions eu au préalable un débat nourri, et les parlementaires qui n'en voulaient pas au départ ont été convaincus que l'ordonnance était la meilleure façon d'assurer cette codification. Compte tenu de la technicité de la matière, nous aurions en effet perdu beaucoup de temps dans l'hémicycle.
En revanche, s'il ne s'agit pas d'une codification quasiment à droit constant de l'ordonnance de 1945, je pense qu'il serait extrêmement préjudiciable pour le Parlement que vous ne soyez pas tous associés à la réflexion.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et FI, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR, et parmi les députés non inscrits.
Je m'associe pleinement à ce que viennent de dire nos collègues. Alors que le Parlement s'est efforcé de travailler consciencieusement sur des problèmes compliqués, le comportement du Gouvernement est inacceptable.
Je tiens à rassurer notre collègue Sébastien Jumel : la majorité des députés présents dans cet hémicycle ne se sentent pas bafoués par cet amendement…
… qui, au surplus, n'est pas d'actualité : nous ne sommes pas censés en discuter à ce stade de nos travaux.
Nous en discuterons un peu plus tard – très certainement demain. C'est un amendement qui va habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance pour codifier, notamment, cette ordonnance de 1945, à laquelle nous sommes tous très attachés mais qui a subi, on le sait, de très nombreuses modifications ces dernières années. Il est nécessaire de toiletter cette ordonnance…
… de rationaliser les dispositions concernant notamment les mineurs délinquants, mais aussi les mineurs en danger – on sait que l'ordonnance de 1945 a cette double fonction. Ensuite, un débat sera proposé au Parlement dans le cadre de la ratification, au cours duquel, mes chers amis, vous aurez évidemment la possibilité d'amender très largement le texte…
« Non ! » sur les bancs des groupes GDR et LR
… qu'il n'appartient qu'au Gouvernement et que notre assemblée n'aura vocation qu'à entériner ce qui sera décidé. Enfin, Jean Terlier et Cécile Untermaier conduisent actuellement les travaux de la mission d'information sur la justice des mineurs. Pour les suivre depuis de nombreux mois, je crois savoir que, hormis les deux collègues que je viens de citer, les membres de cette mission ne font pas preuve d'une grande assiduité. En tout état de cause, une concordance s'établira évidemment, à un moment donné, entre le travail de fond qui est entamé depuis déjà plusieurs semaines et les travaux que mènera le Parlement dans quelques mois.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Que les membres de la majorité soient aux ordres, marchent au pas et se comportent comme des Playmobils, c'est leur affaire !
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ce n'est pas mon problème ! Moi, je suis attaché aux droits du Parlement.
Nous avons l'expérience des ordonnances : nous savons qu'elles n'offrent pas au Parlement les mêmes prérogatives qu'une loi pour discuter, pour s'opposer, pour amender, pour enrichir, parce qu'une loi d'habilitation est par définition générique et générale. Bien sûr que si ! Ce qui transpire dans la presse, c'est que vous ne préparez pas simplement un toilettage ou une organisation différente de l'ordonnance de 1945, mais bien une modification substantielle de ses équilibres.
Vous bafouez le Sénat, il faut le reconnaître : le Sénat, qui a examiné le texte, est gommé ! Vous dites aux sénateurs : « Allez-vous coucher, vous ne servez à rien ! » – en plein congrès des maires ! Ils apprécieront à son juste niveau cette claque parlementaire ! Mais nous ne sommes pas prêts à faire la même chose. Arrêtez de nous dire : « Faites-nous confiance, n'ayez pas peur, laissez-nous faire tout seuls, on s'occupe de tout ! ». C'est cela, votre conception de la démocratie ? C'est cela, votre conception du travail parlementaire ? C'est cela, votre conception de la capacité à penser à plusieurs têtes plutôt qu'à une seule ? Ce faisant, vous mettez en danger la démocratie. Je pense d'ailleurs que c'est une amorce de la mauvaise réforme constitutionnelle que vous envisagez de mettre en oeuvre. Vous voulez généraliser ce mode de gouvernance : procédures accélérées, ordonnances, votes bloqués, tout cela, vous voulez en faire votre pain quotidien. Tant que nous serons là, nous le dénoncerons !
Il y a huit ou dix jours à peine, en commission, alors que nous examinions ce texte, je me souviens très bien avoir soutenu un amendement tendant à fixer la majorité pénale à l'âge de 16 ans. Je me suis entendu expliquer en long, en large et en travers que l'ordonnance de 1945 était formidable, qu'il ne fallait surtout pas y toucher dans l'immédiat,...
... qu'il faudrait, le moment venu, la réviser, mais que cela nécessiterait un long travail de réflexion et de discussion. Mon amendement ne pouvait donc être retenu puisque tout cela interviendrait plus tard.
Ce soir, pour une raison que nous ignorons, sauf à vouloir priver le Parlement de ce débat, ce soir, il y a urgence. Peut-être, l'actualité aidant, faut-il noyer le poisson et chercher d'autres sujets pour disperser l'opinion publique, mais j'ai du mal à comprendre la cohérence de tout cela.
J'irai dans le même sens que les différents collègues qui sont intervenus, à l'exception de ceux de la majorité : ces rappels au règlement émanent de sensibilités politiques ayant sur ce sujet un certain nombre de désaccords. Sur le fond, nous sommes contre la direction prise avec le choix de centres éducatifs fermés, car la dimension de protection en est absente.
Mais, comme vient de le rappeler notre collègue, quand nous avons défendu ces amendements, nous avons nous aussi entendu de la garde des sceaux et de la majorité que ce n'était pas le lieu, que ce n'était pas le moment, que cela se ferait. Nous vous avons crus et vous avons écoutés. Nous nous sommes dit que nous allions travailler et avoir un débat de fond sur ce sujet. Celui-ci est essentiel, car l'enjeu est important. Les professionnels du secteur ont énormément de choses à dire et le fait que vous ne compreniez pas le problème, c'est justement là le problème, chers collègues !
Vous considérez que tout va bien parce que le Gouvernement le dit. Sur le principe même de l'ordonnance, on vous demande de signer un chèque en blanc, alors que la ratification ne permettra pas de débattre sur ce sujet – et selon vous, tout va bien ! Vous comprenez bien qu'ensuite, toutes vos déclarations d'intention, votre volonté de rassurer sur quelque sujet que ce soit, passent par-dessus la tête de tout le monde : on ne peut pas faire confiance à un gouvernement qui dit une chose un jour et qui, le lendemain, change complètement d'avis ! À quoi servons-nous ici ? En ce qui vous concerne, vous approuvez et applaudissez à tout ce que fait le Gouvernement, y compris sur des sujets qui font l'objet de débats contradictoires, polémiques. Or ces débats sont nécessaires si l'on croit en la démocratie, au pouvoir et au rôle du Parlement dans un débat aussi important. C'est inadmissible !
Pour la clarté, la lisibilité et la sincérité de nos débats, cet amendement devrait être retiré par le Gouvernement si vous voulez que l'on ait un peu confiance dans les prises de position de Mme la ministre. Nous aimerions bien vous croire, madame la ministre mais, en l'occurrence, vous venez de prouver que vous n'êtes pas digne de confiance !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Que la majorité se satisfasse qu'on la piétine, d'une certaine façon, c'est son affaire : nous sommes sous la Ve République et elle peut assumer le fait majoritaire. C'est l'habitude et nous avons peut-être connu cela, les uns et les autres, à d'autres périodes. Mais il est des sujets plus graves que les autres : cette ordonnance représente une forme de totem, cela a été dit par ailleurs. Elle est très emblématique de certaines passions françaises ainsi que du débat démocratique.
Or, en l'espèce, pour être très clair, on s'essuie trois fois les pieds sur l'opposition ou, plus largement, sur les droits du Parlement : une première fois avec un dessaisissement législatif par le biais de l'article 38 de la Constitution – la Constitution l'a prévu, très bien, acceptons-le, pourriez-vous nous rétorquer.
Vous vous êtes essuyé les pieds une deuxième fois sur les travaux en cours. Il est important de souligner que l'exposé des motifs affirme que les travaux sont déjà menés. Or certains sont en cours : je récuse le fait que l'on puisse tirer des conclusions de travaux en cours afin de débattre, dans quelques heures, d'un amendement très important.
Enfin, vous vous essuyez les pieds une troisième fois, parce que si nous ne lancions pas le débat maintenant, il aurait lieu à trois, quatre ou cinq heures du matin, dans la nuit de vendredi à samedi. Vous nous répondez – belle aumône – que nous aurons le droit d'amender cette ordonnance au moment de la ratifier. Mais comme nous venons de voir que la majorité ne s'estime absolument pas lésée, les dés sont pipés. Il nous appartient donc, ce soir, de le dénoncer avec force, parce que nous ne sommes pas obligés de rentrer dans le rang. L'opposition dans sa diversité, avec des points de vue sans doute très différents sur le fond, mérite au moins le respect. Le débat doit avoir lieu : c'est une affaire de démocratie et d'honneur.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-Agir. – M. Ugo Bernalicis applaudit également.
J'interviens dans ce rappel au règlement pour souligner à mon tour que ce débat majeur relatif à la justice des mineurs mérite mieux qu'une confiscation de la parole à l'Assemblée nationale. La gravité de la situation, l'augmentation de la délinquance des mineurs, le fait que des mineurs de plus en plus jeunes commettent des actes de plus en plus nombreux et de plus en plus graves, méritent d'être intégrés dans votre projet de loi préalablement à ces débats, madame la ministre.
En vous écoutant hier, je me suis dit, peut-être par naïveté, que vous aviez lu la proposition de loi que j'ai déposée il y a quelques jours, le 7 novembre, sur le bureau de l'Assemblée nationale : elle vise justement à créer un code de la justice pénale pour mineurs. Je ne suis pas certain que le contenu soit totalement identique à ce que vous proposerez, mais on peut rêver parce qu'à ce stade, nous n'en savons rien.
Nous débattons d'un texte majeur sur la justice, qui fixera des orientations et prévoira des financements, mais qui fait l'impasse sur la justice des mineurs, sur la sanction pénale à l'encontre des mineurs. Changerez-vous d'orientation ? Remettrez-vous en cause les grandes orientations qui privilégiaient l'éducatif sur la sanction, qui ont causé tellement de dégâts dans notre pays depuis 1945 ?
Reviendrez-vous sur ce point ? Intégrerez-vous les dispositions de cette proposition de loi, notamment celle visant à séparer le juge de l'enfance, qui est un juge social, du juge pénal, qui doit sanctionner ? Autant de questions, autant de réponses que l'on ignore à ce stade ! Madame la ministre, ce débat méritait mieux que la confiscation que vous nous proposez.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Rappel au règlement sur la base de l'article 58, alinéa 1. À entendre notre collègue député de La République en marche, il n'y a pas de problème, puisque les ordonnances devront être ratifiées et que le Parlement aura donc tout le loisir d'en débattre. Dans ce cas, il n'y a plus besoin d'aucun texte sous la forme traditionnelle : nous n'avons qu'à passer l'intégralité des textes sous la forme d'ordonnances. Cela ne pose aucun problème puisqu'il y aura des débats, à vous entendre ! Je pensais qu'au bout de deux ans de mandat, vous aviez fait la distinction entre le travail de notre assemblée lorsque nous étudions un texte de manière classique ou lorsque nous permettons au Gouvernement de légiférer par ordonnances : la différence est fondamentale.
Il est vrai que le mode de fonctionnement du Gouvernement et de la majorité est de rejeter quasiment systématiquement tous les amendements qui proviennent de l'opposition. D'après mes calculs, seuls deux ou trois amendements de l'opposition ont été adoptés depuis le début de ce texte, ce qui illustre effectivement votre manière de faire sans précédent. Je suis député depuis 2002, j'ai siégé dans la majorité, puis dans l'opposition : l'actuelle législature est véritablement celle dans laquelle l'opposition n'a aucun droit de cité.
Dans le fonctionnement normal de notre parlement, nous légiférons en essayant d'enrichir le texte, avec une grande majorité des amendements faits par la majorité, certes, mais aussi un certain nombre d'amendements de l'opposition. De cette façon, ce travail en commun nous permet de trouver la meilleure voie pour l'avenir de notre pays. Je vous appelle donc à revenir à cette modalité de fonctionnement traditionnel, nous permettant d'oeuvrer ensemble à des textes qui sont véritablement l'émanation de ce que veut le peuple français, c'est-à-dire l'intérêt général de notre pays. Il est donc nécessaire de modifier l'ordonnance de 1945 par un vrai texte traditionnel dans notre hémicycle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je veux à mon tour apporter quelques petits éclaircissements. Le Parlement considère qu'il serait muselé et qu'il ne pourrait pas participer à un débat sur cette ordonnance de 1945. Cela pose un véritable problème de logique : la mission sur la justice des mineurs, très large – elle est ouverte à dix-huit commissaires aux lois – , a mené des dizaines d'auditions et s'est transportée à plusieurs reprises dans des établissements pour mineurs, dans des centres éducatifs renforcés. Nous nous rendrons au tribunal de grande instance de Bordeaux le 6 décembre ; j'invite d'ailleurs tous les membres de cette mission à venir. Aujourd'hui, c'est à travers cette mission que le Parlement remplit son office.
Nous pourrons discuter des modalités, interroger les professionnels de la justice, les magistrats spécialisés, la protection judiciaire de la jeunesse, l'ensemble des éducateurs travaillant au quotidien au service de cette justice des mineurs, afin de faire avancer ce texte en sachant ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas ; nous le faisons depuis des mois.
Sur les dix-huit membres qui composent cette mission, monsieur Ciotti, aucun n'est membre du groupe Les Républicains – et vous voudriez nous dire que pour vous, légiférer, c'est déposer en catimini une proposition de loi de votre côté, alors que depuis des mois, il y a une mission sur la justice des mineurs, à laquelle vous ne participez pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Légiférer, c'est aussi cela : c'est participer en amont ! Alors c'est sûr, cela ne se fait pas sous les projecteurs, mais dans des petites salles, avec des gens qui viennent nous dire ce que c'est que la justice des mineurs : c'est cela aussi, faire la loi !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'est scandaleux ! Avez-vous participé aux travaux de la mission d'évaluation de la lutte contre la délinquance financière ? Où étiez-vous ?
Nous le faisons depuis des mois, nous le préparons depuis des mois. De ce côté-là également, vous brillez par votre absence, alors que vous pouviez participer.
Croyez-vous que nous étions en train de bronzer chez nous ? Pour qui vous prenez-vous ?
Aujourd'hui, il est quand même un peu particulier de dire qu'on aurait tout caché au Parlement alors que depuis des mois, il existe une mission à laquelle vous refusez de participer.
Aujourd'hui, la mission est en cours, mes chers collègues : nous pourrons organiser toutes les auditions que vous souhaitez pour que vous puissiez utilement participer à cette mission, y apporter votre contribution, pour que l'on puisse avoir un débat contradictoire également dans ce cadre de cette mission. Vous apprendrez beaucoup des professionnels : je vous invite vraiment à y participer, la mission étant encore en cours.
Encore une fois, mes chers collègues, sur les dix-huit commissaires aux lois qui participent à cette mission d'information, seuls Cécile Untermaier et moi-même travaillons sur ces questions-là.
Je vous invite aujourd'hui à prendre conscience de la nécessité de travailler sur cette ordonnance de 1945. Venez y travailler, pas sous les projecteurs mais en participant à nos auditions ! Quand le projet de loi de ratification nous sera soumis, nous aurons ce débat qui aura été enrichi par vos travaux. Nous attendons que vous veniez travailler avec nous dans le cadre de cette mission d'information.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Elle est morte, votre mission ! Elle n'a plus de raison d'être ! Nous sommes dessaisis !
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
C'est une information, monsieur Bernalicis. Je vais donner la parole à deux autres orateurs pour deux autres rappels au règlement, car – je le dis à la majorité – il n'est pas illégitime que les oppositions puissent s'exprimer dans un tel débat. Que celles ou ceux qui me pressent de faire ceci ou cela prennent ma place s'ils sont si malins : on verra comment cela se passe ! Il faut savoir comment cela fonctionne : si le débat n'a pas lieu, les groupes sont en droit de demander des suspensions de séance ; personne n'est donc gagnant. Quant à moi, je suis là pour faire avancer les choses.
Je le dis clairement, mon modèle est Philippe Séguin ; et Philippe Séguin protégeait l'opposition à une époque où elle n'était pas nombreuse.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI,GDR, SOC et LR.
Après les deux rappels au règlement, nous reprendrons le cours de la discussion. Nous devons désormais avancer : c'est l'intérêt de la représentation nationale.
La parole est à M. Sébastien Jumel.
Je me permets d'abord de dire que vous êtes un bon président de séance, qui prend soin de l'opposition et veille à ce que les différents avis s'expriment : par les temps qui courent, c'est une garantie pour l'exercice de la démocratie représentative.
Pour ma part, je ne donne pas de leçons. Si on commence à rechercher qui est investi dans quoi et qui mobilise son énergie dans quoi, on n'est pas couché ! Une mission, ce n'est ni la commission des lois ni le Parlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Elle n'a pas la même légitimité. Deuxièmement, en droit constitutionnel, une ordonnance est une mesure prise par le Gouvernement dans une matière qui relève de la loi. Quand nous disons que le Parlement se dessaisit, qu'il est abaissé, qu'il n'est pas respecté lorsqu'il systématise la délégation de pouvoir à l'exécutif dans un domaine qui relève normalement du législatif, nous ne sommes donc ni dans l'insulte, ni dans l'invective, mais dans un constat objectif : le recours systématique aux ordonnances est une négation du rôle du Parlement.
Je pense que ce n'est pas vous, madame la ministre, qui avez choisi de précipiter les choses, mais que c'est une décision politique prise au plus haut niveau. Il y a un mois, vous aviez pris soin, au contraire, de dire que l'ordonnance de 1945 était un sujet suffisamment important et complexe pour que nous prenions le temps – je le dis en regardant Éric Ciotti – de construire un consensus en évitant les postures. Et voilà que vous êtes en train d'ouvrir la boîte de Pandore au risque de dénaturer les fondamentaux de l'ordonnance de 1945 !
En précipitant ainsi le mouvement au plus haut niveau pour des raisons politiciennes, pour envoyer le signal, après un fait divers, que le Gouvernement joue les gros bras et muscle sa politique à l'égard des mineurs délinquants, on risque d'affaiblir le dispositif de l'ordonnance de 1945 en négligeant de prendre en compte l'avis des différents acteurs concernés.
Voilà pourquoi nous ne sommes pas contents ; voilà pourquoi nous exprimons de la colère et voilà pourquoi nous réaffirmons la nécessité de consulter pleinement le Parlement sur un sujet de cette importance.
Le groupe de La France insoumise n'a pas attendu M. Terlier pour se pencher sur la question de la protection judiciaire de la jeunesse. Nous avons, dès le mois de janvier, reçu les organisations syndicales de la PJJ dans le cadre d'auditions qui ont été filmées et mises en ligne sur la chaîne You Tube de la France insoumise. Il est impossible de participer à toutes les missions d'information auxquelles nous sommes censés participer dans cette maison de fous où il y a en permanence des conflits d'agendas. Donc vos leçons, vous vous les gardez, chers collègues ! Voilà pour le premier point.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Deuxième point, je me demande qui, dans la majorité, savait que le Gouvernement allait procéder par ordonnances. Combien d'entre vous l'ont découvert hier lors des questions au Gouvernement ? Les collègues du MODEM savaient-ils qu'on allait procéder de la sorte ?
Je n'en suis même pas sûr. Un tel fonctionnement est-il admissible ? C'est vous qui devriez vous révolter – si j'osais, je dirais que vous devriez enfiler un gilet jaune !
Au départ, on nous parlait d'un toilettage, mais en réalité c'est toute une logique qui se dégage. S'ajoutant au développement des centres éducatifs fermés et de l'enfermement des mineurs délinquants, au fait qu'on ait monté en épingle un fait divers qui a vu un jeune pointer une arme vers une professeure – ce qui est totalement inadmissible – , ou encore à la mobilisation des juges pour enfants du tribunal de Bobigny, tout cela laisse présumer une conception beaucoup plus sécuritaire de la protection de la jeunesse.
Vu le débat et le contexte, j'invite le Gouvernement ou la commission des lois à demander que cet amendement soit examiné en priorité. Qu'on en discute tout de suite !
Mme Mathilde Panot applaudit.
Afin que tout le monde soit représenté dans cet hémicycle, la parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Merci, monsieur le président, de donner la parole à un député non-inscrit. Je ne prétends pas être le porte-parole des non-inscrits, mais je pense exprimer l'opinion de beaucoup d'entre eux.
Je vous avoue que les bras m'en tombent. Nous sommes tous conscients ici que l'ordonnance de 1945 doit être modifiée. J'ai rencontré il y a une quinzaine de jours des représentants syndicaux de la police, qui m'ont fait part de leur souhait que cette ordonnance soit réformée, parce qu'elle n'est plus adaptée à l'évolution actuelle de la délinquance de la jeunesse. Je vous avoue aussi que j'ai été surprise de ne pas trouver de dispositions relatives à ce sujet dans ce projet de loi – aujourd'hui, je comprends pourquoi.
Cela ne peut pas se passer comme ça ! Je ne savais pas que dix-huit membres d'une mission suffisaient à faire la loi : puisque c'est comme ça, nous pouvons arrêter là nos travaux et rentrer chez nous ! Nous serons tous un peu moins fatigués, ce ne sera peut-être pas plus mal.
Je n'ai pas été élue pour donner un blanc-seing à la majorité, pour ratifier une ordonnance sans pouvoir exprimer ma conviction profonde sur ces dispositions. Je n'ai pas non plus été élue pour recevoir des leçons de morale à longueur de journée dans cet hémicycle. Votre petite morale est vraiment insupportable ! Quand vous l'aurez compris, vous vous mettrez peut-être à écouter un tout petit peu plus votre opposition au sein de cet hémicycle, et surtout la colère qui monte au dehors. Vous n'avez pas fini d'entendre la colère des gilets jaunes si vous continuez à agir ainsi.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Après l'article 25 quater
L'amendement no 180 n'est pas adopté.
L'article 26 prévoit la possibilité pour la victime de porter plainte en ligne. Quelle bonne nouvelle pour toutes les victimes !
L'objectif de cet article est clair : il s'agit de simplifier les démarches judiciaires pour les victimes en utilisant les ressources du numérique. Il est important de rappeler ici que cela n'obligera nullement les victimes à porter plainte en ligne. Cela constituera une première démarche facultative, l'objectif étant que le dépôt de plainte soit facilité et que les victimes ne restent pas silencieuses.
La plainte en ligne est un outil facilitateur qui permettra aux victimes soit de prendre contact plus rapidement, soit d'éviter de se déplacer dans un premier temps. Je pense notamment aux victimes de violences conjugales, pour qui l'idée de porter plainte tout de suite après l'agression peut être un frein. Cela permettrait notamment aux victimes de harcèlement et de violences sexuelles de s'exprimer plus largement. Cela me semble donc extrêmement important. Il s'agit d'une voie supplémentaire d'accès au juge.
Le ministre de l'intérieur a affirmé en septembre que le nombre des signalements de violences faites aux femmes avait bondi de plus de 23 % depuis le début de l'année. Il a également souligné que le nombre des signalements de harcèlement sexuel était lui aussi en forte hausse. On peut y voir la preuve que les victimes sont désormais plus disposées à porter plainte. Il me semble donc important de mettre à leur disposition tous les outils nécessaires pour le faire, et cela passe par le numérique. C'est pourquoi cette mesure me paraît primordiale. Je voterai en faveur de cet article.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Cet article 26 prévoit un certain nombre d'évolutions en accord avec les temps qui nous vivons, notamment en ce qui concerne les victimes d'atteintes corporelles.
Je voudrais cependant répéter que le comportement de la majorité au cours de l'examen de ce projet de loi est pour le moins critiquable. Que vous nous fassiez la morale, que vous cherchiez à nous humilier, à nous écarter du débat, je m'en moque, mais il y a les Français, et à eux on doit des comptes.
La semaine dernière, en commission, alors que nous débattions de l'ordonnance de 1945, M . Terlier me répondait : « vos propos me font réagir, cher collègue, car il faut, comme je l'ai dit à M. Ciotti, se garder de vouloir légiférer en réformant l'ordonnance de 45 sous le coup de l'émotion ou par sensationnalisme politicien. » Vous venez de nous dire l'inverse à l'instant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Apprenez l'humilité ! Apprenez le respect ! Respectez l'opposition : nous sommes élus comme vous et nous représentons les Français autant que vous ! Racontez n'importe quoi si vous le souhaitez, mais respectez les Français ! En disant l'inverse de ce que vous disiez il y a une semaine, vous vous moquez de la représentation nationale ; vous vous moquez des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je demande l'application de l'article 95 de notre règlement, aux termes duquel la réserve ou la priorité d'un article ou d'un amendement dont l'objet est de modifier l'ordre de la discussion peuvent toujours être demandées et sont de droit à la demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond – dans les autres cas, le président décide – , afin que nous puissions examiner tout de suite l'amendement relatif aux ordonnances.
Je voudrais revenir sur l'article 26 et sur la plainte en ligne, puisque c'est le sujet.
Je vois comme ma collègue une grande avancée dans cette possibilité pour les justiciables de déposer plainte sur un certain nombre de sujets. Je pense en particulier aux biens matériels.
Nous avons en revanche quelques interrogations sur la question de l'atteinte aux personnes et de toutes les plaintes concernant des faits relevant du livre II du code pénal. Je pense que tout cela est de l'ordre du décret et sera peut-être précisé par la ministre, mais je vois quelques problèmes.
Le premier est l'obligation qui sera faite, en cas de plainte en ligne, de prendre rapidement rendez-vous avec un officier de police judiciaire. J'espère que vous pourrez nous rassurer sur cette question.
La deuxième question, plus délicate, concerne les problèmes liés aux atteintes corporelles et à l'établissement des preuves. Par exemple, quelqu'un s'est fait casser la gueule dans une bagarre de rue et dépose une plainte en ligne. Quand les constats médico-légaux auront-ils lieu ? Autre sujet, plus important encore et sur lequel nous devrons être très vigilants : les violences et agressions sexuelles, et notamment les viols. La même question se posera : quid du prélèvement d'éventuelles preuves ?
Le système proposé est bon mais il faudra le cadrer, l'expérimenter, l'ajuster au fil du temps, car ce champ des atteintes aux personnes n'a pas fait l'objet d'une telle méthode.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement de suppression no 1341.
Cet article nous inquiète beaucoup. Je tiens tout d'abord à dire avec force que tout ce qui peut être fait pour améliorer le dépôt de plainte et l'accès des victimes aux services enquêteurs est une bonne chose, en particulier si cela facilite les démarches de celles qui, parmi elles, ne pourraient pas se déplacer.
Nos inquiétudes naissent d'un constat : il est parfois difficile de déposer une plainte, en raison notamment des regroupements de commissariats. Nous défendrons tout à l'heure un amendement de repli visant à laisser le choix aux justiciables entre le dépôt de plainte en ligne et l'accueil physique.
Peut-être pourrait-on être tous et toutes d'accord : il conviendrait d'investir dans la formation des policiers qui reçoivent les plaintes. Il faut aller beaucoup plus loin en la matière, car, comme c'est très souvent le cas – mais pas toujours, bien heureusement – les femmes qui se rendent dans des commissariats suite à des violences conjugales ou à d'autres types de violences dont elles sont victimes voient leur plainte banalisée, refusée ou extrêmement mal accueillie. Il en est d'ailleurs souvent de même s'agissant des agressions homophobes, par exemple. C'est ce chemin de formation qu'il faut, me semble-t-il, emprunter aujourd'hui, car nous savons combien, dans ces circonstances, il est nécessaire de faire preuve d'humanité.
Nous avons davantage à faire à un article de renoncement qu'à une mesure d'offensive pour bien recueillir la parole des victimes. Des systèmes en ligne peuvent orienter vers des commissariats qui, comme c'est déjà le cas, possèdent des brigades spécialisées, très qualifiées dans ce type d'accueil. Je suis donc plus favorable à une plateforme permettant d'orienter les victimes qu'à une plateforme de dépôt de plainte.
Il s'agit du premier article concernant le Titre IV, dont je suis plus particulièrement chargé et qui concerne la réforme de la procédure pénale, dont aucun d'entre nous ne méconnaît l'importance.
Il s'agit tout simplement d'améliorer le parcours des victimes. Nous avons certes encore des efforts à faire mais le choix du Gouvernement, que votre rapporteur soutient pleinement, consiste en la possibilité de dématérialiser un tel parcours.
Comme l'a très bien rappelé Bérangère Couillard, il existe en l'occurrence deux catégories de victimes : celles qui n'ont pas besoin de se rendre dans un commissariat parce qu'elles ont simplement besoin d'un récépissé de dépôt de plainte ; celles et ceux – celles, en particulier – qui ont parfois du mal à passer les portes d'un commissariat parce qu'il est difficile d'expliquer que l'on a été victime d'abus sexuels ou d'autres atteintes personnelles. C'est aussi à eux que cet article s'adresse en facilitant les rapports entre les services de police et la victime.
Nous avons évidemment conservé toutes les précautions dont le Sénat a doté ce texte en la matière. Vous l'avez dit vous-même, relisez le projet : en aucune façon la dématérialisation n'est exclusive de la rencontre avec un officier de police judiciaire – nous avons même simplifié la procédure en prévoyant que cela soit possible avec un APJ, un agent de police judiciaire.
Dans de nombreuses circonstances – que nous avons ouvertes – , les services de police devront caractériser la plainte, entendre la victime et procéder à une enquête de fond. Nous déclenchons le processus d'enquête pénale par ce biais qui n'est pas incompatible avec les procédures habituelles.
J'ai entendu les représentants de nombre d'associations de victimes : aucun ne s'est plaint sérieusement, au fond, de cette nouvelle disposition qui correspond pleinement à leurs attentes.
Avis défavorable à votre amendement.
Cet article, madame la députée, est effectivement important. Avec les dispositions qu'il contient, notre ambition est bien évidemment de faciliter l'expression des victimes, de leur permettre de porter plainte plus aisément.
Je le dis et le répète : les plaintes en ligne ne se substituent pas à l'accueil physique prévu par le code de procédure pénale et qui doit bien entendu continuer à être effectif dans les commissariats et les gendarmeries.
En revanche, cette dématérialisation constitue selon nous un atout supplémentaire. Je ne développe pas les propos de M. le rapporteur, mais je rappelle que, pour un certain nombre de personnes, cela permettra de poser par écrit un certain nombre de faits – s'ils en ont la capacité et la volonté. La plainte en ligne constituera un nouvel atout juridique.
J'ajoute que des systèmes de pré-plaintes en ligne existent déjà. Avec ce texte, nous transformons juridiquement ces dernières en plaintes : elles auront la valeur juridique d'une plainte.
Par ailleurs, M. Balanant voulait savoir si un rendez-vous rapide pourrait avoir lieu avec un officier de police judiciaire. Ce sera évidemment tout à fait possible puisque l'article 26, comme nous allons le voir, précise que la date de l'audition par les enquêteurs spécialisés pourra être donnée à l'issue et en réponse à la plainte en ligne. La réactivité sera donc importante, le contact étant pris immédiatement. Le cas échéant, les enquêteurs pourront rapidement orienter les victimes vers les unités médico-judiciaires – UMJ.
Avant-dernier point, pour répondre cette fois aux préoccupations exprimées par Mme Faucillon : oui, nous développons les formations pluri-professionnelles. Sur cette question des violences faites aux femmes, j'ai demandé à Isabelle Rome, haute fonctionnaire à l'égalité femme-hommes, de développer avec l'École nationale de la magistrature et d'autres personnels – notamment les policiers et les gendarmes – des formations interprofessionnelles à ce sujet. C'est tout à fait capital.
Enfin, vous demandez la suppression d'un article qui, s'il focalise principalement l'attention sur la question des plaintes en ligne, comporte bien d'autres dispositions favorables aux victimes ou protégeant les magistrats ou les enquêteurs dans l'exercice de leur fonction.
Vous proposez donc que la pré-plainte ait valeur de plainte. L'article 26 dispose que, « Si la nature ou la gravité des faits le justifie, le dépôt d'une plainte par la victime selon les modalités prévues par le présent article ne dispense pas les enquêteurs de procéder à son audition ». Or la pré-plainte a l'avantage de faciliter un rendez-vous rapide, sans attente au commissariat. Elle permet également de mettre ses propres mots sur ce qui a été vécu et, ainsi, d'avoir une base de discussion, donc de gagner du temps avec le gendarme ou le policier que l'on aura en face de soi le moment venu.
Si le dépôt en ligne a directement valeur de plainte, dans un certain nombre de cas, un traitement judiciaire aura lieu sans que la personne ait été reçue. J'ai bien compris que cela n'empêche pas sa venue physique, mais un traitement judiciaire est possible sans qu'elle se soit déplacée, ce qui me pose un problème.
Je suis plutôt favorable au format de la pré-plainte, car il permet d'orienter la victime. Si la plainte concerne une agression sexuelle ou un viol, il faut qu'elle ait en face d'elle un policier ou un gendarme spécifiquement formés pour recevoir ce genre de plaintes afin que la prise en charge soit la plus adéquate, la plus juste possible. J'ai pris l'exemple des agressions sexuelles et du viol, mais il serait possible de se référer à d'autres situations.
Je reviens sur une autre préoccupation. Madame la ministre, j'ai fait une demande au titre de l'article 95 du règlement : envisagez-vous que nous puissions discuter de l'ordonnance visant à réformer la justice des mineurs ? Si ce n'est pas possible immédiatement, la porte est ouverte : faisons-le demain à une heure convenable, dans la journée, afin que tout le monde puisse assister à nos débats, qu'un maximum de collègues soient présents, devant les Françaises et les Français ! Est-ce trop demander, plutôt que de discuter au coeur de la nuit ?
Petit message à destination de mon collègue Terlier : je me souviens d'une audition avec les organisations syndicales de la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre de la préparation du projet qui nous occupe aujourd'hui. Où était-il ? Il n'y assistait pas !
Cela ne l'intéressait donc pas ? Que faisait-il ? Avait-il mieux à faire ? Vous le voyez, c'est ridicule !
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
J'appréhende une fois encore ce débat avec la modestie du non-spécialiste, mais ma petite expérience des réalités humaines, sur mon territoire, me pousse à dire que le simple fait de comprendre que l'on est une victime, après une agression, un délit, une situation préjudiciable, constitue déjà une étape essentielle. Ensuite, une fois passée cette prise de conscience – plus ou moins longue selon la nature du délit – , le fait de décider de porter plainte constitue une autre étape décisive qui, me semble-t-il, nécessite un contact humain. La victime d'un délit peut en effet subir des pressions, des contraintes, jusqu'à renoncer au dépôt de plainte, comme souvent dans le cas des violences intrafamiliales ou des violences faites aux femmes : des pressions colossales s'exercent.
Troisième élément, qui rejoint notre analyse à propos de la gestion de la pénurie : suite à des mobilisations exceptionnelles comme celles que nous vivons aujourd'hui, certains commissariats ne disposent plus des effectifs nécessaires pour accomplir d'autres missions. Il est arrivé, dans le commissariat de ma ville – je demande d'ailleurs que des moyens supplémentaires lui soient affectés – , que des policiers ne puissent pas enregistrer des plaintes en fonction des heures ou des équipes présentes.
Vous dites que la plainte en ligne n'a pas vocation à se substituer aux plaintes devant des OPJ. J'entends bien, mais les missions de police étant ce qu'elles sont, certains fonctionnaires diront qu'ils n'ont pas que cela à faire, que leurs équipes sont sur le terrain et qu'il faut faire un dépôt en ligne. Cette déshumanisation nous fait craindre le pire.
Je voulais insister sur cette réalité-là : fragilisation de la plainte, y compris de son contenu, alors qu'il peut être déterminant dans les poursuites engagées et, au bout du compte, généralisation ou systématisation des plaintes en ligne lorsque l'on considère – selon des critères d'ailleurs plus ou moins objectifs – que la nature du délit justifie un tel dépôt ou la rencontre avec un officier de police judiciaire.
Je tiens à revenir sur l'article 26, qui est attendu et très important pour de nombreuses victimes et associations.
J'ai été la rapporteure d'un projet de loi dont l'examen a posé de manière récurrente la question de l'accueil des victimes et de la difficulté pour les victimes, notamment pour celles ayant subi une agression sexuelle ou un viol, de passer les portes d'un commissariat. Permettez-moi de vous rappeler que le taux de condamnation, pour ce genre d'affaires, est de 1 %. Il est un grand nombre de victimes qui ne passeront jamais la porte d'un commissariat : c'est une réalité.
Je ne prétends pas que la plainte en ligne va tout régler, mais je dis que nous donnons un nouvel outil à ces victimes. Il n'est pas toujours facile de parler à quelqu'un, lorsqu'on a été victime d'une agression. Il est parfois plus simple de passer par un ordinateur, de rester derrière son écran, chez soi ou au travail. C'est une bonne chose, en tout cas, que les victimes aient désormais le choix entre le dépôt de plainte en ligne et le commissariat. C'est une nouvelle opportunité qui leur est offerte.
Par ailleurs, comme nombre de mes collègues l'ont dit, un certain nombre de plaintes ne nécessitent pas d'enquêtes. Je vais vous donner un exemple très simple : il y a quelques années, j'ai perdu ma carte professionnelle. Pour la faire renouveler, il fallait d'abord que je porte plainte. Je savais bien qu'on n'allait pas mobiliser des services de police pour rechercher ce que j'avais perdu : j'avais seulement besoin d'un récépissé. J'ai attendu une demi-journée au commissariat pour l'obtenir. Mme la ministre et M. le rapporteur l'ont bien rappelé : c'est une possibilité, et non une obligation, c'est une nouvelle voie qui s'ouvre aux justiciables, aux citoyens. Cela va faciliter à la fois la vie des justiciables et le travail des policiers.
Enfin, lors des auditions sur la loi Schiappa, les policiers nous ont souvent expliqué qu'il fallait offrir un accueil dédié aux victimes. Après avoir déposé sa plainte sur internet, la victime sera contactée par une personne spécialement formée pour cela, à une heure précise, ce qui lui évitera une file d'attente, et dans un cadre spécifique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je serai bref, car ma collègue Alexandra Louis vient de dire l'essentiel, mieux que je n'aurais su le faire.
La plainte en ligne est une vraie avancée pour le citoyen et le justiciable. Notre collègue a pris l'exemple de la perte de sa carte professionnelle. Pour ma part, je prendrai l'exemple d'une voiture vandalisée dans un parking équipé de caméras de surveillance. Aujourd'hui, il est nécessaire de porter plainte pour déclencher une enquête et avoir accès aux enregistrements des caméras. Un salarié qui a déjà peu de temps pour lui va perdre deux ou trois heures pour déposer plainte s'il se rend au commissariat. Désormais, il pourra déposer plainte en ligne, en rentrant chez lui le soir, ou depuis son lieu de travail, en dix minutes seulement.
C'est une avancée pour les justiciables, mais aussi pour les policiers et les gendarmes. En effet, tout le temps que les policiers ou les gendarmes ne passeront plus à enregistrer ces petites plaintes, ce sera autant de temps supplémentaire pour travailler sur les plaintes plus sensibles sur le plan humain.
Non, justement ! Tout ce temps passé à enregistrer des petites plaintes sera du temps disponible pour l'enquête.
L'amendement no 1341 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à améliorer sur deux points la situation des victimes. Il répond à une demande qui a été formulée à maintes reprises par les praticiens.
Premièrement, il donne la possibilité à une victime de ressaisir une juridiction pénale, lorsque celle-ci a omis de se prononcer sur une ou plusieurs demandes de la partie civile. Il s'agit de s'inspirer de ce qui existe déjà en matière de procédure civile.
Deuxièmement, cet amendement concerne le cas de personnes faisant l'objet de poursuites et ayant été jugées responsables pénalement, mais dont l'état de santé ne permet plus qu'elles soient jugées, qu'elles aient une maladie mentale, physique, ou des troubles liés à l'âge. En l'état du droit, en vertu de l'adage selon lequel « le criminel tient le civil en l'état », la procédure est suspendue et la victime ne peut pas faire valoir ses droits. Cet amendement prévoit que la victime pourra désormais continuer à faire valoir ses droits sur les intérêts civils, nonobstant l'interruption de l'action publique en raison de l'état de santé mentale ou morale de la personne initialement poursuivie.
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 1093 .
Mon amendement est identique à celui de mon excellent collègue Stéphane Mazars et je ne reviens pas sur son excellente intervention. Cet amendement, qui comble deux lacunes de notre droit, va renforcer le droit des victimes, sans atteindre les droits de la défense.
Avis très favorable.
Si vous en êtes d'accord, monsieur le président, je défendrai en même temps mon amendement no 1588 .
Cet amendement s'inscrit dans le droit fil des débats que nous avons depuis quelques heures, puisqu'il vise à améliorer le parcours des victimes, à être proches d'elles et à être dans l'humain.
Avec cet amendement, nous souhaitons préciser les modalités d'audition et d'accompagnement après un dépôt de plainte en ligne. Vous le savez, l'un des principaux droits des victimes, au cours d'une procédure pénale, est bien d'être aidées, par un service spécialisé ou une association d'aide aux victimes, par exemple. Parmi les bonnes pratiques qui existent déjà, notamment au sein des associations d'aide aux victimes, on peut citer la continuité de la prise en charge, la confidentialité, mais aussi le professionnalisme des intervenants et la formation des salariés et des bénévoles.
Afin de mieux identifier et de clarifier le rôle des associations d'aide aux victimes, en les distinguant des associations de victimes, et conformément aux préconisations du rapport d'évaluation des politiques publiques qui a été remis en février 2017, cet amendement prévoit la mise en place d'un agrément des associations d'aide aux victimes. Cet agrément clarifiera le rôle et la place de ces associations et permettra de déployer la politique publique d'aide aux victimes en prenant en compte la dimension humaine, comme vous l'appelez tous de vos voeux. L'agrément participera aussi à la structuration du réseau des associations d'aide aux victimes, en s'appuyant sur un référentiel national en faveur de ces besoins.
Cet amendement répond à une attente formulée de longue date par les associations. Il est le fruit d'un travail qui a été mené en commun avec le réseau associatif France Victimes, qui fédère les 132 associations d'aide aux victimes. Nous pouvons donc le saluer unanimement.
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 1094 .
Je préciserai, comme notre collègue vient de le faire, et pour que les choses soient bien claires, que nous ne touchons absolument pas aux associations de victimes. Les associations de victimes ont évidemment la possibilité de se constituer selon les règles qu'elles souhaitent et nous ne parlons ici que des associations d'aide aux victimes – la distinction est essentielle.
Notre objectif n'est pas de faire le tri entre les associations, mais de les « professionnaliser ». Ce que nous voulons, c'est les faire entrer dans une sorte de contractualisation avec l'État, afin de clarifier leur mode de fonctionnement.
L'amendement no 1588 a été défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
Pour le Gouvernement, l'amélioration du dispositif d'aide aux victimes est un objectif essentiel. Ce dispositif repose pour une grande part sur le réseau associatif. Il est donc important que celui-ci soit structuré et qu'il présente des garanties de professionnalisme et de qualité.
Je veux souligner, madame la députée, que la mesure que vous proposez me semble aller parfaitement dans ce sens, en ce qu'elle clarifiera le rôle des associations d'aide aux victimes. Elle facilitera leur identification et apportera toutes les garanties de compétences qui sont nécessaires à l'accomplissement de leur mission. Je tiens à préciser ici que cet agrément, comme le référentiel, ont été travaillés avec le réseau associatif France Victimes qui, comme le dit l'exposé des motifs, est un partenaire du ministère de la justice qui fédère 132 associations d'aide aux victimes.
Cet agrément est très attendu par les associations et le ministère de la justice accompagnera évidemment sa mise en oeuvre. Par ailleurs, ainsi que vient de le dire M. le rapporteur, il ne remettra absolument pas en cause le rôle des associations locales, ni leur existence quand elles sont distinctes de France Victimes. Elles pourront par exemple être intégrées dans les réunions des comités locaux d'aide aux victimes. Tout cela forme donc un dispositif très ordonné et très attendu, et je tiens une fois encore, madame la députée, à vous remercier pour cette proposition. Avis favorable.
Je souscris parfaitement à l'esprit et à la lettre de ces amendements, qui me semblent aller dans le bon sens, mais je voulais profiter de cette occasion pour appeler une nouvelle fois votre attention sur un point. Après l'affaire d'Outreau, une commission d'enquête parlementaire avait préconisé la création, dans différents ressorts et sous l'impulsion, je crois, de Mme Élisabeth Guigou, d'unités médico-judiciaires pluridisciplinaires pour recueillir la voix de l'enfant. L'association « La voix de l'enfant » a d'ailleurs été un acteur important de cette initiative qui a connu des déclinaisons locales, avec l'association « En parler », à Dieppe, par exemple.
L'objectif était de recueillir la parole de l'enfant dans une unité de temps et de lieu, en présence de l'ensemble des professionnels concernés – enquêteurs, psychologues, médecins, avocats. Force est de constater que cette préconisation a été inégalement appliquée, parce que les parquets s'y sont montrés plus ou moins favorables, et parce qu'il est difficile de trouver des lieux et des moyens pour financer ces unités.
Mon esprit en escalier m'amène donc à vous demander, madame la ministre, votre avis sur cette initiative. Comment le Gouvernement envisage-t-il de favoriser le développement ou la création d'unités de ce type ? Celles qui existent se révèlent efficaces, utiles et bienveillantes à l'égard des enfants. En consolidant les plaintes déposées, elles permettent aux enquêteurs, puis aux magistrats, de prendre en compte l'intérêt de la victime. Surtout, les coupables ne peuvent plus échapper au droit. En effet, lorsque la parole de l'enfant n'est pas consolidée, de bons avocats peuvent faire en sorte que le coupable échappe à la sanction.
Puisque ces amendements portent sur l'agrément des associations de victimes, j'aimerais savoir si vous allez mobiliser des moyens pour soutenir cette initiative.
Nous nous associons bien volontiers aux deux amendements de nos collègues Coralie Dubost et Didier Paris, qui me paraissent aller dans le bon sens, puisqu'ils ont le mérite de prendre davantage en compte l'intérêt des victimes. C'est ce que nous cherchons à défendre, nous aussi.
Je voudrais seulement faire remarquer que la distinction entre « agrément » et « certification » est assez ténue. Nous sommes bien d'accord pour établir un référentiel national et un guide des bonnes pratiques. Je constate seulement qu'hier, lorsque nous avons demandé le même genre de dispositifs pour les plateformes de médiation en ligne, avec des mots légèrement différents mais dans le même état d'esprit, puisque nous demandions aussi un guide des bonnes pratiques et l'assurance d'une bonne prise en compte des justiciables, on nous a dit que c'était totalement impossible.
Je me réjouis donc qu'à défaut de certification, un agrément soit possible. Nous mêlerons bien volontiers nos voix aux vôtres.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 845 et 989 .
Sur les amendements identiques nos 845 et 989 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 845 .
Cet amendement concerne les dépôts de plainte en ligne auxquels nous ne sommes pas opposés à condition qu'il existe des alternatives à cette démarche et qu'elle ne soit pas obligatoire. Il n'est pas inutile de le rappeler. Le principe en a été accepté, mais les moyens ne sont pas précisés dans le texte.
Il nous semblerait préférable d'exclure de ce dispositif les plaintes pour crime ou délit, pour atteinte aux personnes. Nous ne refusons pas la modernité qui offre la possibilité de s'abriter derrière un écran, mais l'outil informatique ne nous semble pas la bonne formule et il vaut mieux que la victime rencontre une personne à qui elle pourra expliquer les faits et qui pourra l'aider à déposer sa plainte. Ce n'est pas en restant seul derrière son clavier que l'on peut surmonter son traumatisme. Loin de tout dogmatisme, nous voulons simplement rapprocher les hommes et les femmes de la justice en leur permettant de déposer plainte face à une personne physique et non devant un écran d'ordinateur anonyme.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour soutenir l'amendement no 989 .
Nous concevons que le sujet, ténu, prête à discussion, mais il faut protéger la victime d'elle-même, surtout lorsqu'elle a subi une atteinte à son intégrité ou une atteinte corporelle sans témoin. Ce n'est pas lui rendre service que de lui permettre de déposer plainte derrière son ordinateur, dans un état psychologique sans doute très troublé. Elle pourrait ne pas savoir exprimer la violence subie. Surtout, son état physique ou psychologique pourrait nécessiter des soins, voire une hospitalisation.
Enfin, les premières heures sont cruciales pour permettre à l'enquête de faire jaillir la vérité. Laisser passer le temps du traitement de la plainte en ligne, même s'il est rapide, peut être fatal à de nombreux indices.
C'est pourquoi nous vous proposons ces amendements, du moins dans un premier temps, car ces plateformes connaîtront une nouvelle vie suite à l'extension de leurs compétences. L'expérience éteindra peut-être nos craintes, mais, pour le moment, nous préférons nous montrer prudents. Dans une telle situation, la victime peut manquer de mots pour décrire les faits avec sang-froid.
C'est une question importante, nous ne pouvons le nier. Le Sénat a considéré que les plaintes en ligne n'étaient pas compatibles avec les atteintes à l'intégrité physique de la personne. La commission des lois en a jugé différemment. Rappelons cependant qu'il est expressément inscrit dans le texte que la plainte en ligne ne saurait être imposée à la victime.
Dans certaines hypothèses, une victime peut souhaiter porter plainte et déclencher l'action publique sans avoir à se déplacer dans un premier temps, par timidité, réserve, choc psychologique. Il est bien évident que le processus ne s'arrêtera pas là dès lors que la plainte semblera sérieuse. Aucun risque ne sera pris et un contact sera établi.
Précisons que la plateforme jouera un rôle majeur en l'occurrence puisqu'y seront rappelés les droits de la victime tirés de l'article 10-2 du code de procédure pénale. Par ailleurs, il sera sans doute nécessaire, par voie réglementaire, de rappeler à la victime un certain nombre de précautions élémentaires qu'elle doit prendre, car la plainte ne suffit pas en elle-même. Je pense en particulier à la nécessité de consulter un médecin dans les plus brefs délais pour caractériser l'incapacité temporaire de travail.
Il me semble que les dispositions du texte répondent à vos préoccupations, que je comprends. Nous souhaitons ouvrir une alternative complémentaire pour améliorer sensiblement le traitement des victimes. C'est une proposition parmi d'autres, mais elle est forte pour une loi forte.
Je comprends le fond de cette proposition, même si je n'y adhère pas. Si la plainte en ligne porte sur des faits dont la nature ou la gravité le justifient, les enquêteurs devront entendre la victime, mais le rétablissement de l'interdiction de la plainte en ligne pour les crimes et les délits rigidifierait trop cette mesure. Je pense en particulier aux crimes de nature sexuelle. Il peut sembler plus simple à la victime de déposer plainte en ligne, dans un premier temps. Elle obtiendra alors un rendez-vous, sera reçue par un spécialiste. Il serait dommage de se priver de cette possibilité. Je vous invite par conséquent à retirer votre amendement.
J'ai bien compris vos propos. Dans le cadre de la réflexion conduite autour de la plateforme, peut-être pourrait-il être envisagé de prévoir un dernier clic, à l'issue du dépôt de plainte en ligne, pour proposer à la victime d'être reçue d'urgence. Le fait de remplir un formulaire pour déposer sa plainte peut lui permettre de prendre conscience de la gravité de l'acte et de l'état psychologique dans lequel elle se retrouve plongée.
Je préfère ne pas retirer mon amendement, car la société doit protéger la victime. Je respecte votre avis, qui est légitime, mais on ne sait pas dans quel état se trouve la victime. Certaines personnes ne veulent pas déposer plainte, mais la société n'a-t-elle pas pour rôle, justement, non pas de la forcer car cela n'aurait pas de sens, mais du moins d'humaniser le dépôt de plainte en lui permettant de s'adresser à une personne ?
Je comprends, moi aussi, vos propos, madame la garde des sceaux. Vous voyez vous-même que nous pouvons échanger sereinement autour de sujets auxquels nous sommes sensibles, enrichir le débat de nos expériences personnelles.
Cette alternative est intéressante et je n'ai aucune raison de douter de votre parole, madame, lorsque vous assurez qu'il ne s'agit que d'une alternative, que la plateforme offrira la possibilité d'être rappelé rapidement, qu'elle expliquera la procédure à suivre, la visite chez le médecin en particulier. Il nous semble important que ces mentions figurent noir sur blanc sur le site, qu'elles soient bien visibles.
Je sais que nous sommes animés des mêmes convictions et, à ces conditions, je retire mon amendement.
Vous êtes témoins de nos hésitations. Personne n'a tort ou raison en la matière, mais nous poursuivons tous un même objectif : protéger les victimes d'elles-mêmes, pour elles-mêmes.
Je salue cette concorde sur un dispositif aussi important du texte. Nous devons le voir comme une porte d'entrée supplémentaire dans le long parcours, que l'on sait difficile, de la victime.
Ce parcours commence par la révélation des faits, avant même le dépôt de la plainte. C'est à ce moment-là que l'on libère la parole, au moyen d'un outil numérique, artificiel, mais nous devons le comprendre comme un outil supplémentaire proposé aux victimes.
Bien évidemment, nous ne pourrons pas nous dispenser de mettre la personne qui aura amorcé cette première démarche en présence d'un officier de police judiciaire. Dès lors qu'elle aura révélé des faits graves, il faudra l'interroger pour obtenir des précisions. Une enquête classique devra forcément être engagée.
Les échanges avec les parquetiers m'ont fait comprendre une autre vertu de ce dispositif. Dès lors qu'ils auront connaissance de ces informations, ils pourront organiser l'entretien et placer le bon OPJ en face de la victime.
Le retrait de ces amendements me satisfait, car la vérité est intermédiaire, difficile à cerner. Je comprends votre position, madame la garde des sceaux, en cas d'atteinte sexuelle. Dans le cas d'agressions violentes, de nuit, avec le saucissonnage des victimes, le dépôt de plainte s'impose avec une audition immédiate, comme l'a rappelé le rapporteur. Nous avons besoin de disposer d'emblée des premiers éléments, les enquêteurs doivent se déplacer sur place, il faut agir dans les meilleurs délais, entendre les témoins.
Dans ces cas-là, je suis convaincu qu'un dépôt de plainte physique est préférable, d'autant plus que cela permettrait à la victime traumatisée d'être prise en charge. L'enquêteur a suffisamment d'expérience pour déceler, dans les réponses à ses questions, les éléments qui serviront à son enquête.
Il ne s'agit pas de faire attendre la personne une demi-journée, car les faits n'ont rien à voir avec un vol de papiers. Les enquêteurs savent faire la distinction entre des affaires simples et des affaires beaucoup plus graves où il a été porté atteinte à l'intégrité physique d'une personne.
La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l'amendement no 1262 .
Nos débats se sont apaisés et nous permettent d'avancer, ce qui est plaisant. Cet amendement tend à mettre en place un système de proposition de rendez-vous avec un officier de police judiciaire à la fin du dépôt de sa plainte en ligne pour les crimes ou délits commis sur les personnes mentionnées au livre II du code pénal.
Si le système fonctionne – et je suis convaincu qu'il le fera – , il permettra d'améliorer le dépôt de plainte tout en libérant du temps pour les enquêteurs. Cet amendement tend donc à compléter la rédaction de l'article.
Je tiens tout d'abord à remercier MM. Gosselin et Savignat de la compréhension mutuelle qui nous anime. Aucun d'entre nous ne vise un autre objectif que l'amélioration de la situation des victimes. Le reste est sans importance.
Vous avez raison, monsieur Balanant, les débats permettent d'alimenter et d'améliorer les textes. Or le débat a précisément eu lieu et le texte a été amélioré en commission des lois, puisque le septième alinéa de l'article 26 prévoit exactement ce que vous demandez, à savoir la possibilité pour un OPJ de convoquer la victime dès le dépôt de plainte.
Ce texte vise à éviter que des plaintes ne soient pas déposées. Je demande le retrait de l'amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Un avis défavorable ne sera pas nécessaire, puisque je retire l'amendement. Je tenais simplement à ce que le dispositif soit clarifié. Il l'est.
L'amendement no 1262 est retiré.
La parole est à Mme Bérangère Couillard, pour soutenir l'amendement no 432 .
Cet amendement, issu d'une recommandation de la délégation aux droits des femmes, vise à prévoir qu'en cas de plainte en ligne pour des faits de violences sexistes ou sexuelles, la victime est reçue sur rendez-vous par un enquêteur spécialement formé aux problématiques de ce type de violences et à leurs conséquences pour les victimes.
Une telle procédure permettra sans aucun doute de faciliter le dépôt de plainte de victimes qui n'osent pas toujours franchir la porte d'un commissariat ou d'une gendarmerie pour dénoncer des faits qui touchent directement à leur intimité. Elle garantira en outre que ces victimes bénéficieront d'une prise en charge spécifique et adaptée.
Il est difficile de ne pas partager l'objet de cet amendement. Il me semble toutefois déjà satisfait et vous pouvez le retirer, puisque l'article D. 1-7 du code de procédure pénale prévoit : « Lorsqu'il s'agit de violences sexuelles, la victime est entendue par des enquêteurs spécialement formés à ces infractions. » Vous avez raison, des auditions portant sur de tels faits exigent des compétences particulières.
Il existe, de plus, un vaste plan d'amélioration de la prise en charge des victimes par le développement de dispositifs d'accueil spécifiques, y compris en milieu hospitalier. Le fait que les personnels médicaux aient des contacts avec ce type de victime dans des unités judiciaires et hospitalières répond parfaitement à cette demande. De plus, la présence de référents de police et de gendarmerie s'est largement développée : en la matière, l'état du droit a rejoint l'état des mentalités.
C'est pourquoi je vous demande de retirer l'amendement, faute de quoi, avec regret, j'émettrai sur celui-ci un avis défavorable.
Je prends la responsabilité de retirer à contrecoeur cet amendement de la délégation aux droits des femmes. J'espère que j'aurais été suivie par sa présidente et ses membres.
Nous reprenons cet amendement parce que, dans le cadre du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, nous avions présenté un amendement qui, partant du même constat, avait le même objet.
En dépit de ce que vous affirmez, monsieur le rapporteur, même si les dispositifs existent déjà, l'accueil des victimes de violences sexuelles et sexistes laisse encore beaucoup à désirer. Notre amendement visait à créer des brigades spécialisées dans l'accueil de ces victimes, sur le modèle de la brigade de la protection des mineurs. Ces structures existent dans d'autres pays.
Certes, une telle mesure relève certainement du domaine réglementaire. Toutefois, nous avons souhaité reprendre l'amendement no 432 comme amendement d'appel, pour inviter Mme la garde des sceaux à se pencher sérieusement sur le sujet, en collaboration avec le ministre de l'intérieur. Les témoignages sur les réseaux sociaux, notamment le hashtag PaieTaPlainte, montrent qu'en matière de formation des agents, le travail est loin d'être terminé. Il est très difficile, aujourd'hui, pour un policier, de suivre une formation, y compris une formation continue. C'est pourquoi il convient d'y consacrer beaucoup de moyens.
Cet amendement permet d'appuyer notre appel à une meilleure formation et à la création, sur tout le territoire national, de brigades spécialisées dans l'accueil. C'est fondamental pour accompagner les victimes de ces violences et leur garantir la justice.
L'amendement no 432 n'est pas adopté.
La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l'amendement no 1261 .
Cet amendement vise à compléter le dispositif en prévoyant un message d'alerte à destination des victimes d'une agression sexuelle déposant une plainte en ligne. Ce message les informerait qu'« en cas d'agression physique à caractère sexuel, il est nécessaire de faire procéder à des constatations et prélèvements auprès d'une unité de médecine légale ».
La plainte en ligne peut concerner une personne qui ne supporte plus de subir des agressions régulières au sein de son couple et qui n'ose pas se rendre au commissariat pour des raisons compréhensibles. Ce cas est différent d'une situation d'urgence.
Je pense au cas des victimes qui, pensant le dispositif en ligne efficace, déposeraient plainte immédiatement après leur viol, mais qui, ignorant la démarche à suivre, ne procéderaient pas à un constat médico-légal, lequel permet de réaliser des prélèvements qui peuvent servir de preuves.
C'est pourquoi il est nécessaire de prévoir un message d'alerte informant la victime de la nécessité de réaliser de tels prélèvements. Elle devrait alors pouvoir imprimer son récépissé pour aller réaliser son prélèvement au bon endroit.
L'amendement vise à créer un message d'alerte permettant d'informer la victime des constatations auxquelles elle doit se soumettre. Je crois que le débat a déjà eu lieu sur le sujet, qui est de nature réglementaire : cet amendement concerne en effet les conditions d'élaboration de la plateforme. C'est pourquoi je vous propose de le retirer, faute de quoi j'émettrai, pour des questions de forme plus que de fond, un avis défavorable.
Même avis : ces dispositions sont d'ordre réglementaire.
Je ne retirerai pas l'amendement, car je souhaite qu'il fasse foi au moment où vous élaborerez la plateforme.
Je crois vraiment au dispositif de la plainte en ligne. Toutefois, pour qu'il soit pleinement efficace, son élaboration doit être très précise.
Peut-être, monsieur Gosselin : j'ai toutefois le droit de m'exprimer, comme vous l'avez fait sur d'autres sujets, qui n'étaient pas liés aux articles que nous examinions alors. Je tiens à aller jusqu'au bout de mon intervention sur l'article 26.
La victime devra également être informée du lieu où elle devra se rendre pour subir ces prélèvements. Au moment où elle validera sa plainte et imprimera son récépissé, elle devra obtenir un bon lui permettant de se rendre immédiatement au bon endroit, car il s'agit de répondre à l'urgence de la situation.
Ce sujet est délicat : il faut savoir en effet qu'un grand nombre de femmes, à l'heure actuelle, ne déposent pas plainte ou n'y donnent pas suite, quand elles ne retirent pas leur plainte sous la pression. Le dépôt en ligne des plaintes est voté : peut-être me laisserai-je convaincre par l'évaluation du dispositif si elle prouve qu'il permet à un plus grand nombre de femmes de déposer plainte et à un plus grand nombre d'agresseurs d'être condamnés.
Toutefois, il nous faut et il faut surtout à ces femmes des assurances. Il n'est pas possible de mégoter sur le caractère immédiat de la réponse à donner aux plaintes en ligne. Sinon, cela signifierait que, bien que le dispositif permette à un plus grand nombre de femmes de déposer plainte, toutes les conditions ne seraient pas réunies pour que la plainte aille jusqu'au bout, faute de preuve.
De plus, dans certaines villes, dans certains départements, dans certaines régions, des dispositifs véhiculés ont été créés, qui conduisent les femmes directement du lieu de plainte au lieu de constatation des violences. Comment ces dispositifs seront-ils articulés au dispositif de la plainte en ligne ? D'autant que le fait de partir d'un commissariat, plutôt que de chez soi, permet de mieux assurer la protection de la victime : son adresse n'est pas identifiée. Il nous faut obtenir l'assurance qu'elles pourront être immédiatement envoyées vers un service d'appel.
Même si l'élaboration précise du dispositif est d'ordre réglementaire, nous devons avoir l'assurance que la réponse sera immédiate, s'agissant de la constatation des violences.
Cet amendement nous paraît intéressant, car nous voulons que la plainte déposée en ligne soit aussi opérante qu'une plainte déposée au commissariat, où la victime reçoit toutes ces informations. Nous devons recevoir l'assurance que la personne, qui sera seule face à son écran lorsqu'elle déposera sa plainte en ligne, recevra les mêmes informations que celles qu'elle recevrait au commissariat, dans le cadre d'un entretien avec une personne réelle.
J'ignore si cet amendement nous permet de l'obtenir, mais nous devons avoir l'assurance que la plateforme en ligne livrera bien toutes ces informations : c'est pourquoi il me semble préférable de l'inscrire dans la loi.
Je soutiens l'amendement de M. Balanant. Il est vrai qu'il convient de moderniser et de faciliter les démarches, car c'est la mauvaise compréhension de la procédure judiciaire qui rend difficile l'accès à la justice. Je suis, depuis de nombreuses années, élu dans une circonscription criminogène – vous connaissez la circonscription et le ressort du tribunal de Bobigny – , dans laquelle, en même temps, nombreuses sont les personnes qui ignorent comment accéder à la justice à laquelle elles ont droit – tantôt pour de petits délits, tantôt pour des délits très graves. Elles peuvent commettre des erreurs.
Je voterai l'amendement de M. Balanant. Toutefois, le problème se pose également en termes de formation, d'éducation et de sensibilisation des personnels de la justice et de la police. Quasiment tous, ici, nous sommes capables de porter plainte et de comprendre la procédure. En revanche, il existe des personnes qui, n'en étant pas capables, peuvent se tromper : elles ont besoin d'être accompagnées, d'autant que la justice est faite peut-être pour eux plus encore que pour nous. C'est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement.
Je sais que vous partagez cette sensibilité, madame la garde des sceaux. J'ai été maire pendant longtemps : je n'ai donc pas beaucoup de difficulté à voir si quelqu'un maîtrise la société et les procédures. Je compte sur vous pour faire en sorte, en donnant des directives, en accordant des moyens aux services et en mettant en place des formations, que la victime soit réellement prise en considération et accompagnée beaucoup plus qu'une autre personne.
M. Balanant n'a peut-être pas bien compris le sens de mon intervention tout à l'heure. Notre collègue est intervenu longuement, mais son sujet est évidemment important – qu'il ne se méprenne pas sur mon attitude ! Je soutiendrai son amendement, qui fait oeuvre de pédagogie et vise à ce que les procédures soient les plus intelligibles possible. Nous partageons l'ensemble de ses préoccupations. Cependant, nombre de ces points relèvent du domaine réglementaire et des modalités de mise en oeuvre de la plateforme. Nous pouvons déposer tous les amendements que nous voulons, mais la loi risque d'être très bavarde. Paradoxalement, en voulant être précis, nous nuisons à la précision de la loi.
L'amendement no 1261 n'est pas adopté.
Nous en venons à l'amendement no 433 , sur lequel je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Bérangère Couillard, pour soutenir l'amendement.
L'amendement no 433 émane de la délégation aux droits des femmes. Il vise à informer la victime, lorsqu'elle dépose une plainte en ligne, sur les possibilités de prise en charge psychologique et médicale.
Le dispositif de dépôt de plainte en ligne permettra en effet de mettre à disposition des victimes de violences sexistes et sexuelles un nouvel espace d'expression. Il faut que la parole se libère, et ce dispositif le permet.
Il faut tout de même rappeler que les cas de violences sexistes et sexuelles sont complexes : nous devons donc accompagner au mieux ces victimes. C'est l'objet de cet amendement, qui vise à leur adresser un message adapté à leur situation. Elles seront informées de l'existence de numéros d'écoute, d'information et d'orientation, de lieux d'accueil réservés aux femmes victimes de violences, et d'acteurs locaux susceptibles de les aider dans leur démarche difficile. Lorsqu'une agression sexuelle aura eu lieu, les victimes seront également informées de la nécessité de procéder à des constatations et à des prélèvements.
La parole doit se libérer. Il me paraît donc indispensable de mettre en place des outils permettant aux victimes d'être accompagnées lorsqu'elles désireront parler.
Nous avons évidemment débattu de ce sujet en commission, où nous avons d'ailleurs repoussé un amendement de ce type. Ce n'est pas que nous soyons en désaccord sur le fond ou sur l'objectif poursuivi, mais nous avons considéré que l'alinéa 7 de l'article 26 permettait d'intégrer l'ensemble des éléments que vous avez évoqués. Je ne répéterai pas les indications que j'ai données s'agissant de la prise en charge des victimes par des services spécialisés, par des unités médico-judiciaires, qui fonctionnent déjà depuis un certain temps. Comme vous, nous sommes très sensibles à l'accompagnement des plaintes que vous évoquiez. Dans ces conditions, je vous demande assez naturellement de retirer votre amendement, comme l'a souhaité la commission.
Même avis. Nous partageons évidemment votre préoccupation, madame Couillard, mais votre amendement ne relève pas du domaine de la loi. Soyez certaine que, lorsque nous construirons ces plateformes, nous prévoirons la manière dont nous allons communiquer ce type d'informations. C'est tout à fait essentiel ! Cependant, je le répète, cette disposition ne relève vraiment pas du domaine de la loi.
Si cette disposition ne relève pas du domaine de la loi, de quel domaine relève-t-elle ? Comment pourrons-nous prévoir l'affichage des numéros d'écoute et des adresses des lieux d'accueil lorsqu'une personne portera plainte ? Si l'on m'assure de la bonne communication de ces informations, aucun problème ! Mais la délégation aux droits des femmes tient beaucoup à cet amendement de bon sens. Il ne relève peut-être pas du domaine législatif, mais nous voulons simplement nous assurer que les dispositions réglementaires seront prises.
Elles le seront !
Dois-je comprendre, madame Couillard, que vous maintenez votre amendement ?
En effet, la délégation aux droits des femmes souhaite le maintien de cet amendement.
Je partage totalement la préoccupation de nos collègues. Encore une fois, nos échanges montrent notre volonté de travailler dans la même direction et d'être au plus près des victimes. Cela ne fait aucun doute, et c'est peut-être l'enseignement le plus intéressant de nos échanges de la soirée.
Cependant, nous sommes législateurs et, sans vouloir être pédant, je rappelle qu'une petite révolution juridique a eu lieu en 1958 : les articles 34 et 37 de la Constitution délimitent les domaines de la loi et du règlement. Or, en donnant autant de détails, l'amendement no 433 écrit un cahier des charges de la plateforme. Ce n'est pas être dédaigneux ou pédant que de considérer que cela ne relève pas du travail précis du législateur, qui doit fixer les grandes lignes. Nous sommes parfaitement d'accord sur l'état d'esprit et les grandes lignes, mais, en ajoutant du texte au texte, nous le rendons finalement un peu moins clair et moins utile que nous ne le voudrions.
Je terminerai par une référence à la « loi bavarde » brocardée par Pierre Mazeaud. Quand la loi bavarde, elle ne fait pas le droit et ne fixe pas une règle suffisamment précise. Il ne faut pas que nous bavardions trop
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM
Mon interprétation est un peu différente de celle de M. Gosselin. Un grand nombre d'amendements ont été déclarés irrecevables : nous ne pouvons donc pas les défendre dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, au motif qu'ils n'auraient qu'un lien indirect avec le texte. En théorie, nous ne pouvons pas non plus défendre les amendements relevant du domaine réglementaire. Si l'amendement no 433 est soumis à notre discussion ce soir, c'est donc bien qu'il y a toute sa place. D'ailleurs, si nous levons tous la main, il finira par être adopté et intégré dans le projet de loi.
Quand bien même cette disposition serait censurée par le Conseil constitutionnel qui considérerait qu'elle relève du domaine réglementaire, son adoption montrerait la volonté du législateur de faire en sorte qu'elle soit effectivement mise en oeuvre. Combien de fois avons-nous discuté dans cet hémicycle de mesures censées être appliquées mais qui ne le sont pas, s'agissant notamment des obligations d'information ?
Nous examinerons tout à l'heure un amendement relatif à la justice restaurative ; or certains témoignages semblent montrer que l'obligation de mentionner l'existence de cette justice restaurative n'est pas appliquée. En pratique, on se borne à inviter la victime à prendre connaissance des dispositions de l'article 10-2 du code de procédure pénale. En prend-elle réellement connaissance ? Pas du tout ! Pourtant, les services remplissent leur obligation.
Le niveau de précision prévu par l'amendement no 433 me semble donc plutôt de bon aloi. Nous nous honorerions à entrer dans ce niveau de détail. Par ailleurs, l'amendement prévoit que des précisions seront apportées par un décret : cela montre bien que le niveau de détail reste quand même assez faible.
Je ne veux pas rallonger le débat sur ce sujet, que nous avons déjà évoqué en commission. Mme la garde des sceaux avait pris un certain nombre d'engagements sur les modalités d'application de ce texte.
Aujourd'hui, quand on porte plainte, on obtient un récépissé sur lequel figurent toutes les informations prévues à l'article 10-2 du code de procédure pénale. Parmi ces informations, que je ne citerai pas toutes ici, on trouve la possibilité, pour une victime, d'être assistée et prise en charge sur le plan psychologique et social. Cela n'est pas remis en cause. Bien évidemment, la personne qui déposera une plainte en ligne ne recevra pas moins d'informations que celle qui portera plainte au commissariat. L'article 10-2 du code de procédure pénale continuera de s'appliquer : les informations prévues continueront donc d'être communiquées aux plaignants.
En matière pénale, la loi doit être rédigée clairement, car elle est interprétée de façon stricte. Les modalités d'application sont renvoyées à un décret, comme Mme la garde des sceaux l'a indiqué en commission et répété tout à l'heure pour rassurer les membres de la délégation aux droits des femmes. Cette dernière est dans son rôle : il faut bien s'assurer que la victime, notamment la victime d'agression sexuelle ou de viol, soit parfaitement informée de toute l'assistance et de toutes les aides dont elle peut bénéficier. Mais, encore une fois, il me semble aujourd'hui superfétatoire d'inscrire dans la loi des dispositions déjà codifiées qui seront appliquées sans aucun problème.
La loi n'est pas seulement l'expression d'une volonté juridique : elle est aussi l'expression d'une volonté politique. En inscrivant ces objectifs et cette obligation d'information dans la loi, on se fixe aussi l'objectif politique d'assurer leur mise en oeuvre sur l'ensemble du territoire national. C'est le principe d'universalité de la loi. En effet, si nous considérons que ces dispositions relèvent du règlement, l'aide psychologique, médicale ou même matérielle dont doit bénéficier une femme ayant porté plainte pour des violences sexuelles – par exemple, le fait d'être aidée pour trouver un appartement et se mettre rapidement à l'abri – risque de ne pas être une réalité sur certains territoires, car elle dépend largement de l'engagement des collectivités locales et de la mobilisation des procureurs, qui peuvent avoir une sensibilité différente sur ce sujet malgré les directives nationales. Inscrire dans la loi l'obligation d'informer revient donc, d'une certaine manière, à inscrire dans la loi l'obligation de mettre en oeuvre des dispositifs d'information. C'est tout l'intérêt de cet amendement, que nous voterons.
Je comprends l'argumentation de M. Jumel mais j'y vois aussi un risque : en matière pénale, un manque constitue un vice de procédure dont le prévenu est susceptible de se servir. Nous devons prendre cet aspect en compte. Certes, les victimes ont besoin d'informations, mais, dans notre hémicycle, bien que nous partagions tous le même objectif et la même volonté, nous pouvons parfois ouvrir des brèches allant contre les intérêts des personnes que nous souhaitons défendre.
Par ailleurs, pardonnez-moi de me faire le porte-parole de ceux qui ne sont pas capables d'accéder au numérique.
Je suis en effet persuadé que nous sommes d'accord sur ce point – nous pouvons l'être parfois, nous avons suffisamment de points de désaccord par ailleurs...
Sourires.
Je vais en quelques mots vous raconter une expérience, monsieur Jumel. On nous a expliqué que le compte Ameli, qui permet d'accéder en ligne à nos informations personnelles en matière de sécurité sociale, était un truc formidable. En Seine-Saint-Denis, département où de nombreuses personnes n'ont pas pu accéder à certains savoirs, on a donc supprimé la moitié des lieux d'accueil de la caisse primaire d'assurance maladie pendant le quinquennat de François Hollande. Résultat : deux ans plus tard, le directeur de cette caisse a demandé aux maires d'ouvrir des guichets pour que nos concitoyens puissent venir consulter leur compte et de prévoir un agent qui puisse le faire à leur place.
J'entends bien que la population formée, éduquée et bénéficiant d'un accès au numérique va pouvoir déposer une plainte en ligne et recevoir une information, que nous votions ou non l'amendement no 433 . Cependant, madame la garde des sceaux, permettez-moi d'insister, car il faut que vous soyez hyper-sensibilisée à cette question : le reste de la population restera au bord de la route. Certains habitants de ma ville ne savent même pas où se trouve le tribunal, alors qu'il est situé à moins de deux kilomètres de chez eux, ni s'ils ont le droit d'y entrer. Je reconnais que mon exemple s'éloigne de la question d'internet, mais nous avons besoin de développer tous ces systèmes de médiation pour toutes les victimes qui n'ont pas accès aux ressources numériques.
Ce qui me choque le plus dans la République, c'est d'avoir rencontré – j'ai grandi là, j'y ai été élu et je le suis encore dans d'autres fonctions – tous ces gens qui ne savent même pas leurs droits. Ils ne peuvent pas y avoir accès, puisqu'ils ne les connaissent pas. Madame la garde des sceaux, cela ne relève pas de la codification, mais de la politique que vous mettrez en oeuvre et de la gestion de votre administration.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 49
Nombre de suffrages exprimés 43
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 18
Contre 25
L'amendement no 433 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Bérangère Couillard, pour soutenir l'amendement no 101 .
Cet amendement, qui va dans le même sens que le précédent, vise à informer et accompagner la victime lors de son dépôt de plainte en ligne. Il est toutefois un peu plus précis quant aux informations qui devraient apparaître.
Aujourd'hui, en effet, lors du dépôt de plainte en ligne, les seuls numéros dont l'existence est indiquée sur le site pour informer l'usager en cas d'urgence sont le 112 et le 17. Afin de mieux accompagner la victime, je propos qu'elle soit également informée de l'existence de numéros nationaux d'écoute, d'information et d'orientation pouvant l'aider dans sa démarche. Il s'agit, dans ce cas précis, du numéro 3919, rappelé à de nombreuses reprises par la ministre Marlène Schiappa. Ce numéro pourrait être mentionné afin que les femmes victimes de violences puissent être écoutées et informées lors de leurs démarches. Ainsi, ces victimes seront pleinement accompagnées, si elles le souhaitent, dans ce moment qui peut être douloureux et où elles se trouvent parfois seules.
Je tiens donc à saluer ici l'amendement déposé sur ce même article par Guillaume Gouffier-Cha au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, que j'ai défendu tout à l'heure et qui reprend cette proposition. Je me félicite que la délégation aux droits des femmes, dont je suis membre, se saisisse de cette question importante et relève la nécessité, pour les femmes victimes de violences, d'être accompagnées et écoutées lorsqu'elles décident de porter plainte.
La commission avait déjà repoussé cet amendement, bien que ce ne soit évidemment pas sur le fond : comme l'a dit M. Gosselin, il est à l'évidence de nature réglementaire. De plus, la loi n'a pas à constituer le cahier des charges de la plateforme qui sera construite.
En outre, chère collègue, vous dites souhaiter que soit mentionné un numéro particulier, ce qui est déjà complexe, mais votre amendement dit tout autre chose, indiquant en termes généraux qu'il faudra que des numéros figurent sur le site, mais sans dire lesquels choisir. Cela ne relève pas de la loi.
Je regrette de devoir prendre cette position, car je comprends bien l'objectif de votre amendement et j'y adhère pleinement. Cette proposition devra impérativement trouver une solution, mais pas dans ce cadre.
L'amendement no 101 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 1342 .
Je crains qu'on ne me dise qu'il est satisfait et que le débat a déjà eu lieu. Vous aurez compris l'esprit de cet amendement : puisque la porte est ouverte au dépôt de plainte par voie électronique, il tend à réaffirmer que le droit à l'alternative est un droit fondamental et irréfragable, inscrit dans la loi.
Sourires.
L'amendement no 1342 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 456 .
Je pense que cet amendement n'est pas satisfait, mais qu'il ne sera pas non plus suivi d'un avis favorable. Je l'exposerai cependant, car la plainte en ligne est un outil facilitateur et il faut que ce dispositif fonctionne bien.
Tout d'abord, la simplicité de la procédure de la plainte en ligne ne peut occulter la gravité de ses effets, déclencheurs d'une procédure pénale, et j'espère que des informations en ce sens seront communiquées dans le cadre de la plateforme.
En outre, la simplicité même de ce dépôt de plainte, à laquelle s'ajoute l'absence de contact avec les forces de l'ordre, peut être ressentie par la personne qui dépose sa plainte comme une procédure moins opérante que celle qui consiste à se rendre au commissariat.
J'ai bien conscience d'être un peu à contre-courant de ce qui a pu être défendu jusqu'à présent, mais je ne souhaiterais pas qu'on puisse considérer la plainte en ligne comme un dispositif moins opérant que le dépôt au commissariat. C'est la raison pour laquelle je propose de préciser qu'il n'y a pas de traitement prioritaire de l'une ou de l'autre plainte, quelle que soit la méthode suivie.
Je conviens cependant que, tel qu'il est rédigé, l'amendement ne répond pas exactement à l'objectif que nous nous étions fixé.
Je partage la préoccupation exprimée par Mme Untermaier. Cependant, la commission des lois a pris toutes les précautions en la matière. Le pire du pire, madame Untermaier, serait que les services de police en arrivent à traiter une plainte en fonction de la manière dont elle a été déposée et du vecteur utilisé par le plaignant. C'est très précisément ce que nous ne souhaitons pas, et rien dans le texte ne permet d'arriver à cette situation, bien au contraire. L'alternative est complète et je ne reviens pas sur l'ensemble des dispositions rappelées tout à l'heure. L'avis est donc, dans ces conditions, défavorable, à moins que vous ne souhaitiez retirer votre amendement.
Je le retire, monsieur le président, mais il importait de dire, dans le cadre des débats parlementaires, que, quelle que soit la procédure choisie, la plainte déposée recevra la même attention.
L'amendement no 456 est retiré.
Sur l'amendement no 216 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement porte sur un sujet qui nous tient particulièrement à coeur : le développement de la justice restaurative. Bien qu'elle permette un règlement des conflits qui ne passe pas par le prononcé d'une décision par une personne tierce, bien qu'elle ait pour principe même de placer la réparation des préjudices au coeur de la réponse à la criminalité, elle est encore très peu développée, en raison notamment du manque d'information évoqué par Ugo Bernalicis.
En France, cette justice restaurative a été conçue en complément de la justice pénale. Elle ouvre un espace de dialogue consenti entre les victimes et les accusés ou les coupables, avec des bénéfices très forts, comme en témoignent les personnes – victimes, accusées ou coupables – qui y ont participé. En effet, l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation témoignait par exemple que la très grande majorité des personnes victimes qu'il accompagnait ne souhaitaient pas que l'auteur passe vingt-cinq, trente-cinq ou quarante-cinq ans en prison et ne se situaient pas dans une attitude de vengeance, mais voulaient que la peine soit juste et, surtout, qu'elle aide à lutter contre la récidive.
Or rares sont les personnes qui, dans les faits, sont réellement et pleinement informées de leurs droits. Nous proposons don de remédier à ce problème par deux moyens : d'une part, en permettant d'automatiser l'information sur les mesures restauratives et, d'autre part, en élargissant le cercle des personnes partageant cette obligation d'information – comme les avocats, les juges ou les psychologues – , pour permettre à l'information de mieux circuler, et donc aux victimes d'avoir un meilleur accès à leurs droits.
Vous avez raison, madame Panot : nous sommes tous favorables à la justice restaurative, que le code de procédure pénale prévoit déjà. En effet, les officiers de police judiciaire ont l'obligation d'indiquer que la justice restaurative est une voie possible, même si elle n'est sans doute pas assez utilisée – j'y viendrai. Par ailleurs, l'article 10-1 du code de procédure pénale prévoit expressément cette capacité de justice restaurative.
Les textes sont une chose et la pratique en est une autre – je vois Mme Untermaier opiner du chef – , et sans doute y a-t-il encore du chemin à faire dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle le ministère de la justice a récemment publié – en mars 2017 – une circulaire prônant le développement de cette justice restaurative. À ma connaissance – mais peut-être Mme la ministre voudra-t-elle apporter des précisions à cet égard – , un guide méthodologique est en cours de finalisation sur ce point précis.
Là encore, la loi, la pratique et les impulsions que le ministère de la justice peut donner en la matière sont pour nous des éléments qui vont dans le bon sens, et amplement suffisants. Avis défavorable sur votre amendement, mais sous ces réserves expresses.
Madame la députée, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire en commission, ce processus de justice restaurative prend, de notre point de vue, de plus en plus d'importance et nous nous efforçons de le développer. Comme l'a dit le rapporteur, nous avons diffusé, le 15 mars 2017, une circulaire élaborant une doctrine d'emploi en la matière. Depuis lors, le Comité national de la justice restaurative s'emploie à finaliser un guide méthodologique. Nous menons donc une action très volontariste dans ce domaine.
Il nous faut cependant être certains que nous pourrons progressivement mettre en place ces processus, et ce que vous défendez me semble aller un peu trop loin par rapport à ce que nous serions effectivement en mesure de faire. Je vous demande donc, si vous l'acceptez, de retirer votre amendement.
Je comprends qu'on soit très volontariste sur cette question. C'est tant mieux, et nous partageons ce volontarisme. Toujours est-il qu'un représentant de l'Institut français pour la justice restaurative que nous avons rencontré nous a précisé que l'article 10-2, relatif à l'information qui doit être fournie à une victime qui vient déposer plainte, prévoit, parmi de nombreuses autres mentions, celle concernant la justice restaurative.
J'ai déjà dit tout à l'heure à quel point, sur le terrain, l'adaptation de l'information prévue au titre de cet article 10-2 pouvait être disparate – pour le dire poliment et gentiment. Il est ici proposé d'étendre cette obligation d'information à tout professionnel ayant une fonction de conseil ou de jugement, y compris les avocats intervenant dans la procédure, qui doivent eux aussi être chargés de faire la promotion de cette justice restaurative.
D'autre part, s'il s'exprime au niveau de la méthodologie, des circulaires et des discours, ce volontarisme ne le fait pas en espèces sonnantes et trébuchantes. Madame la ministre, vous connaissez les chiffres, car ils émanent de votre ministère : en 2015, 300 000 euros étaient investis dans la justice restaurative pour des expérimentations dans cinq cours d'appel. En 2019, 600 000 étaient prévus à ce titre pour trente cours d'appel et cinquante-six projets. Soit l'efficience et la rentabilité des projets de justice restaurative se sont grandement améliorées, soit il va falloir faire plus d'efforts.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 48
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 7
Contre 35
L'amendement no 216 n'est pas adopté.
Ces amendements ont un caractère rédactionnel : ils tendent en quelque sorte à rappeler la présomption d'innocence en précisant qu'il s'agit d'infractions présumées, et non pas d'infractions prouvées, en vertu du vieil adage selon lequel « les crimes ne se présument pas, ils se prouvent », dont on trouve ici la transposition pour les infractions.
Il s'agit là d'un principe constitutionnel auquel nul d'entre nous ne souhaite déroger. Il est rappelé, dans le titre préliminaire du code de procédure pénale, que toute personne est présumée innocente tant que sa culpabilité n'est pas démontrée. Je ne crois pas nécessaire d'aller plus loin dans l'explication. Pour ces raisons, avis défavorable.
Je ne doute pas que nous soyons tous également attachés à ce principe à valeur constitutionnelle, mais je souhaite vous faire part d'une inquiétude, en prenant toutes les précautions oratoires nécessaires, parce que notre débat sur le renforcement de la place de la victime a été de bonne tenue.
D'une certaine manière, cet amendement vise à nous prémunir contre le dépôt de plainte abusif, facilité, même de manière marginale, par la numérisation de la procédure. Aller dans un commissariat pour rencontrer un officier de police judiciaire constitue un acte symbolique fort, qui permet une prise en charge humaine plus complète, efficiente et réactive de la victime. La force symbolique du dépôt de plainte est amenuisée lorsqu'on effectue cet acte derrière son écran.
Comment parer les dépôts de plainte n'ayant pour seul but que de nuire à quelqu'un, un voisin par exemple ? Ce n'est pas la même chose de déposer plainte derrière son ordinateur et de le faire dans un commissariat. Comment éviter l'atteinte à la notoriété d'un citoyen, car, même si l'enquête blanchit rapidement la personne calomniée, l'accusation peut prospérer quelques jours ? Comment avez-vous appréhendé ce risque ?
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 636 .
Il est surprenant de constater que le texte prévoit de statuer sur l'action publique sans que l'on soit sûr que la victime a été avisée de la date de l'audience. Que dire du respect du contradictoire et de la faculté de chacune des parties à s'exprimer à l'audience ?
Certes, l'article prévoit qu'une date doit être fixée pour l'action civile, mais il n'y a pas que les dommages et intérêts pour la victime, il y a aussi la réparation morale, liée à sa présence au débat. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 10 et 11.
Je le dis avec beaucoup de précaution, mais je crains que vous ayez commis un contresens. En réalité, le texte protège les victimes, contrairement à ce que vous pouvez penser. Le cas où la victime a été avisée, mais ne se présente pas à l'audience, sans que l'on sache si elle a reçu l'avis, s'avère fréquent. Deux solutions sont possibles : soit le tribunal considère, pour des raisons de fond, qu'il ne peut pas statuer sans la présence de la victime, et l'audience est renvoyée à une autre date, soit il considère que la présence de la victime n'est pas nécessaire, et il statue donc sur le volet pénal, renvoyant la décision sur le volet civil à une date ultérieure.
Le pire serait d'aller dans votre sens, car, si le tribunal décide de renvoyer l'audience civile, la victime ne sera pas exclue du dossier, mais, ayant appris, par des voies détournées, qu'une décision a été prise en son absence, elle devra attraire la partie adverse devant le tribunal civil par ses propres moyens. Nous échappons à cette disposition d'une manière extrêmement claire : c'est le tribunal lui-même qui renvoie sur intérêts civils, si bien que la victime reste pleinement partie au procès, alors que votre solution l'exclurait. Avis défavorable.
L'amendement no 636 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'État, garant de l'égalité entre tous et toutes, se doit d'être lui-même irréprochable. Or, en matière de lutte contre les discriminations raciales, comme en d'autres, l'irréprochabilité ne se proclame pas, elle se contrôle et se prouve.
Afin de garantir le traitement non discriminatoire de l'ensemble des services publics qui constituent l'État, cet amendement vise à mettre en place un système de test de discrimination – ou testing – qu'effectueraient les comités opérationnels de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Ces CORA ont pour mission de déployer l'action du Gouvernement en matière de lutte contre le racisme et l'antisémitisme ; il s'agit donc d'organismes institutionnels idoines pour la mise en oeuvre de cette politique d'exemplarité en matière de lutte contre les discriminations, chère, entre autres, au Premier ministre.
L'idée de pratiquer des tests de discrimination de grande ampleur a déjà été avalisée par le Gouvernement. Cependant ces tests portaient uniquement sur de grandes entreprises privées. Si les catégories utilisées alors pour analyser les résultats sont plus que discutables, l'opération a néanmoins montré que la mise en place de telles mesures n'avait rien d'impossible. Celles-ci nécessitent, en revanche, une réelle volonté politique de lutte contre les discriminations.
Pour assurer l'impartialité totale de ces tests de discrimination, le Défenseur des droits, autorité administrative indépendante, pourrait être associé à la procédure. Cette mesure renforcerait, selon nous, la bonne administration de l'État, du fait d'une meilleure protection des personnes victimes de discriminations.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Sur l'amendement précédent, j'ai dit qu'il y avait peut-être un contresens, mais là, c'est moi qui suis à contresens, en raison de mon incompréhension du sujet.
Si je comprends bien, vous souhaitez rigidifier les conditions dans lesquelles se déroule le testing. Celui-ci est une disposition reconnue par la loi ; central et nécessaire, il permet de signaler des situations comme celles que vous avez décrites à très juste raison. N'importe quelle association peut faire du testing, et son action sera reconnue.
Le dispositif que vous proposez serait contre-productif, car il viendrait durcir et rigidifier les conditions dans lesquelles s'effectuent les testings. En outre, il retirerait à beaucoup d'associations leur capacité d'agir en la matière.
J'émets un avis défavorable à l'adoption de cet amendement, mais je l'ai peut-être très mal compris, malgré mes efforts.
Le testing en matière de discrimination est autorisé depuis la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, en application de l'article 225-3-1 du code pénal. Cet article dispose que les délits de discrimination « sont constitués même s'ils sont commis à l'encontre d'une ou plusieurs personnes ayant sollicité l'un des biens, actes, services ou contrats » pouvant faire l'objet d'un refus discriminatoire, « dans le but de démontrer l'existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est établie ».
Votre amendement propose d'expérimenter, pendant trois ans, ces opérations de testing, qui seraient effectuées tous les deux ans dans les administrations, sous le contrôle du Défenseur des droits, par les comités opérationnels de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, afin de constater d'éventuelles discriminations contre les étrangers.
Il nous est très difficile d'être favorable à cet amendement pour quatre raisons.
D'abord, cet amendement constitue un cavalier par rapport au présent projet de loi.
Ensuite, il me semble qu'il n'y a nullement besoin d'une loi pour permettre des opérations de testing à titre expérimental, puisqu'elles sont déjà possibles.
En troisième lieu, le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante, qui apprécie librement la manière dont il décide de lutter contre les discriminations.
Enfin, il paraît relativement curieux de proposer une expérimentation d'une durée de trois ans consistant à procéder à des testings tous les deux ans. Il me semblerait plus logique que l'expérience dure deux ou quatre ans.
Pour ces différentes raisons, j'émets un avis défavorable.
Premièrement, nous discutons de procédures permettant à des victimes d'être accompagnées, et il nous semble qu'un tel dispositif attesterait des discriminations subies par les personnes concernées. Cet amendement est tellement pertinent qu'il a été accepté, alors que la sélection fut draconienne pour ce projet de loi. Oui, madame la garde des sceaux, cet amendement, qui cherche à améliorer les outils existants, s'inscrit pleinement dans la facilitation de l'accès à la justice.
Nous proposons un dispositif pour lutter contre les discriminations, réalité systémique que de nombreux rapports attestent. Il s'agit de soutenir les démarches des personnes victimes de discriminations. Je ne vois pas, monsieur le rapporteur, en quoi cela rigidifierait le système. Nous souhaitons nous appuyer sur des organismes qui existent déjà. Je ne vois pas ce que vous avez pu mal comprendre : notre proposition est claire.
Si vous pensez que notre dispositif est insuffisant, libre à vous, madame la ministre, d'amender le texte : nous serons favorables à ce que l'expérimentation dure plus longtemps et que le texte de loi soit mis en ordre.
Ne pensez-vous pas que, pour lutter aujourd'hui contre les discriminations, il faille s'appuyer sur des éléments ? Or ce type de dispositif faciliterait les parcours judiciaires, dans lesquels les victimes rencontrent, selon tous les rapports sur la question, de nombreux obstacles. Il ne faut pas laisser les associations seules dans ce combat, car leurs moyens sont limités, et il ne faut pas cantonner les tests de discrimination aux entreprises privées. En effet, les services publics doivent être également testés, car les pratiques de discrimination y sont développées.
En adoptant cet amendement, nous faciliterions l'accès à la justice et aiderions les victimes à obtenir justice.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 43
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 5
Contre 38
L'amendement no 404 n'est pas adopté.
L'article 26, amendé, est adopté.
Rappels au règlement
Rassurez-vous, aucune intention dilatoire dans ce rappel au règlement, mais, sans vouloir lui forcer la main, il me semble que le président va lever la séance dans quelques instants. Or il nous reste quelque 800 amendements à examiner. Monsieur le président, pouvez-vous nous éclairer sur l'organisation de la suite de nos débats ?
Nous siégeons normalement jusqu'à demain soir, aucune séance n'étant prévue ce week-end – je rappelle que Paris devrait être quelque peu encombrée samedi, et ce n'est pas le moment de jeter de l'huile sur le feu. Il me paraît un peu compliqué de siéger samedi, même si certains dans cet hémicycle, à l'image de Mme Aurore Bergé, ont déjà mis une tenue jaune.
Rires sur de nombreux bancs.
Vous avez remplacé Lucien Degauchy, ma chère collègue ! Peut-être vous a-t-il prêté une veste !
Pour redevenir sérieux, comment comptez-vous organiser les débats dans les prochaines heures, afin que chacun puisse s'organiser en conséquence ?
Mes chers collègues, il est toujours cavalier de parler de veste dans cet hémicycle, car elle est l'élément mythique de l'élu.
Sourires.
Mon cher collègue, au moment où je vais en effet lever la séance, il reste 843 amendements à examiner. Je suis tenu – nous le sommes tous – par les décisions de la conférence des présidents. Par conséquent, je confirme qu'aucune séance n'est ouverte ce week-end.
Normalement, comme la séance consacrée à l'examen de la mission budgétaire « Recherche et enseignement supérieur », que j'ai eu le bonheur de présider et qui s'est achevée le mercredi 14 novembre à six heures dix, l'examen de ces 843 amendements devrait se terminer samedi matin, au terme des trois séances prévues ce vendredi, à neuf heures trente, quinze heures et vingt et une heures trente : ces précisions vous permettront de commander les croissants.
Sourires.
Au reste, mon cher collègue, vous êtes un parlementaire expérimenté. Vous savez que le Gouvernement, et lui seul, est maître de l'ordre du jour de nos travaux et de l'organisation interne de nos débats, notamment de l'examen en priorité de tel ou tel article. Nous saurons demain – la nuit porte conseil – si le Gouvernement a entendu les appels à ce sujet.
La parole est à Mme Danièle Obono.
Monsieur le président, j'abonderai dans votre sens. La séance s'achèvera très tardivement demain. Je réitère la demande adressée au Gouvernement consistant à prévoir l'examen prioritaire de l'article 52, qui fait l'objet de l'amendement annoncé par surprise par le Gouvernement, afin que nous examinions celui-ci dans des circonstances convenables. J'espère que la nuit portera conseil et que Mme la garde des sceaux aura des choses à dire à ce sujet demain matin, afin que nos débats se déroulent sereinement.
Madame Obono, vous avez été attentive, comme toujours. Il ne vous a pas échappé que j'ai transmis cette demande.
Monsieur Balanant, rassurez-vous. Au demeurant, je ne sache pas que notre groupe fasse un usage excessif des rappels au règlement.
Chacun comprend que, si nous achevons, demain à cinq ou six heures du matin, l'examen de ce très important texte relatif à la justice, nous serons amenés à débattre d'un sujet essentiel à des heures indécentes pour l'information et la participation des députés. Tout cela n'est pas raisonnable.
En comptant Mme la présidente de la commission des lois, vous-même, monsieur le vice-président de l'Assemblée, et moi-même, nous sommes ici trois participants de la conférence des présidents. Ce type d'alerte s'y multiplie. Elles ne sont pas politiques, mais réelles, concrètes et pragmatiques.
Je souhaite, monsieur le président, que vous transmettiez le message au président Ferrand, ainsi que vous, madame la garde des sceaux, à M. le Premier ministre. Des dispositions aussi importantes, que vous défendez en outre avec sincérité, parfois avec vérité – même si quelques amodiations nous semblent nécessaires – , ne peuvent être débattues dans de telles conditions. L'Assemblée nationale ne peut travailler ainsi.
C'est non seulement au Gouvernement de décider si nous allons débattre de l'ordonnance relative à la justice des mineurs à quinze heures ou à cinq heures du matin, mais c'est aussi à lui de choisir les textes qui sont examinés selon un calendrier législatif raisonnable. Or il n'est pas raisonnable de travailler ainsi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI.
Monsieur le président Lagarde, je vous informe que M. le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, a été tenu informé de l'état de fait que vous déplorez.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et du projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.
La séance est levée.
La séance est levée, le vendredi 23 novembre 2018, à une heure cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra