Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du vendredi 23 novembre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Article 37

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

L'article 37 du projet de loi vise à étendre le champ d'application de l'amende forfaitaire à de nouveaux délits : l'usage illicite de stupéfiants, la vente et l'offre d'alcool à un mineur, le transport routier en violation des règles relatives au chronotachygraphe et la vente à la sauvette.

Rappelons que la procédure de l'amende forfaitaire a été introduite très récemment en matière délictuelle, dans une loi de 2016, pour les délits de conduite sans permis et de conduite sans assurance. Cette procédure n'était toujours pas entrée en vigueur au 3 octobre 2018, principalement en raison de certains obstacles techniques, notamment informatiques. Aucune évaluation du dispositif n'a donc pu être réalisée à ce jour. Aussi paraît-il pour le moins prématuré d'en étendre le champ.

Selon le Gouvernement, l'application de la procédure à ces nouveaux délits allégerait l'activité des juridictions tout en permettant une réponse plus systématique et plus dissuasive. Or aucune étude ne vient l'attester.

En outre, cette procédure n'est qu'une faculté et ne vise pas à se substituer aux poursuites devant le tribunal correctionnel. Dans quels cas les poursuites seront-elles engagées et selon quels critères ?

La problématique des effets inégalitaires d'une telle mesure n'est pas évoquée alors même que le ciblage des jeunes hommes de milieux populaires est une réalité. Dans un avis rendu en novembre 2016, la Commission nationale consultative des droits de l'homme souligne en effet que les contrôles policiers ciblent plus fréquemment les jeunes hommes issus des minorités visibles et s'exercent particulièrement à l'encontre des personnes en situation de grande précarité. L'effet de sélection sociale dans la réponse pénale apportée aux infractions à la législation sur les stupéfiants ne peut donc être ignoré.

Enfin, l'amende forfaitaire, qui se limite à la perception automatisée d'un tarif, est dénuée de toute dimension sanitaire et donc de tout effet sur la réalité des consommations et leurs conséquences dommageables. Plusieurs associations considèrent que cet article marquerait un net recul quant à la santé, aux politiques de réduction des risques et aux droits des usagers de drogues, qui demeurent les oubliés des politiques publiques qui les concernent.

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