La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 36.
Rappel au règlement
Monsieur le président, soyez le bienvenu pour cette troisième séance de la journée !
Il nous reste 650 amendements à examiner sur le texte du projet de loi ordinaire plus une trentaine sur celui de la loi organique. Je souhaite donc savoir comment s'organiseront nos débats de ce soir.
Il n'y a pas de difficulté majeure à ce que nous siégions assez tard mais, compte tenu de l'importance de certaines questions, notamment de celles dont font l'objet les articles 53 et suivants, qui tendent à fusionner les tribunaux d'instance de grande instance, et dont certains peuvent éventuellement être considérés comme une réforme à venir de la carte judiciaire, je souhaiterais savoir comment nous nous organiserons, sachant par ailleurs qu'à partir de quatre heures du matin, le périmètre de l'Assemblée sera fermé, que certains métros seront bloqués demain matin et qu'il ne sera sans doute pas si facile de circuler.
Je viens donc aux nouvelles, après avoir posé cette question avant la levée de la séance de cet après-midi, et je vous remercie des informations que vous pourrez nous communiquer.
Monsieur Gosselin, j'ai pris bonne note de votre rappel au règlement. Je vous propose que nous avancions assez rapidement dans la discussion.
Il ne m'a évidemment pas échappé que l'examen de 650 amendements allait nous prendre du temps. Pour répondre à votre question, nous allons nous organiser en respectant le règlement, auquel vous vous référez, lequel prévoit de ne donner la parole qu'à deux orateurs par amendement.
Nous ferons éventuellement un point, en fonction du rythme d'avancement de nos travaux, pour examiner la suite de l'organisation des débats. Sachez que le président Ferrand suit tout cela attentivement mais qu'il n'est pas question d'ouvrir des séances ce week-end.
Discussion des articles
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 230 , tendant à supprimer l'article 36.
Avec cet amendement de suppression, nous souhaitons tirer les conclusions du rapport de la commission sur l'affaire d'Outreau de 2006 et prévenir le risque que cet article ne restreigne la durée et le caractère contradictoire de l'instruction, ainsi que son bon contrôle par la chambre de l'instruction, et qu'il ne promeuve le mécanisme problématique de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Cette logique, voulue par le Gouvernement, est en effet contraire aux conclusions du rapport de la commission Outreau, qui voulait éviter au maximum que le juge d'instruction soit isolé dans l'instruction et promouvoir le contradictoire et le contrôle de la chambre de l'instruction. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article 36.
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'amendement no 230 n'est pas adopté.
L'article 36 réécrit l'article 175 du CPP, le code de procédure pénale. Le I de ce nouvel article prévoit que le juge d'instruction avise de sa volonté de mettre un terme à l'information judiciaire les avocats des parties, et non les parties elles-mêmes, à moins qu'elles ne soient pas représentées. Le II précise que la copie des réquisitions du procureur est adressée aux avocats des parties, ou aux parties elles-mêmes lorsqu'elles ne sont pas représentées par un avocat. Le III dispose que, dans un délai de quinze jours à compter de l'envoi par le juge d'instruction de cet avis aux avocats des parties, celles-ci peuvent lui faire connaître leur intention de lui adresser des observations écrites, de formuler des demandes ou de présenter des requêtes. Cette mesure oblige en réalité la partie intéressée à saisir le juge d'instruction par lettre recommandée avec accusé de réception pour lui demander que soit respecté le principe du contradictoire à la fin de l'information.
Cet amendement tend à inverser la logique du dispositif du nouvel article 175 du code de procédure pénale, afin que la possibilité d'exercer les droits de la défense ne soit pas considérée comme optionnelle. Il vise, d'une part, à allonger le délai octroyé aux parties pour exercer leurs droits, le portant de quinze jours à un mois, et, d'autre part, à poser une présomption d'exercice de leurs droits par les parties, en indiquant que celles-ci ont un mois pour notifier qu'elles renoncent à exercer les droits visés aux IV et VI du nouvel article 175.
J'emploierai pratiquement les mêmes arguments. La nouvelle rédaction modifiée par le Sénat prévoit en effet que, dans un délai de quinze jours à compter de l'envoi de l'avis – et non de sa réception, il importe de le préciser – , les parties peuvent faire connaître au juge d'instruction leur intention de lui adresser des observations écrites, comme c'est actuellement l'usage, ou de formuler des demandes ou de présenter des requêtes. La commission a maintenu l'allongement du délai de dix à quinze jours. Toutefois, on respecterait mieux le débat contradictoire en le portant à vingt jours. Tel est le sens de cet amendement.
Dix, quinze ou vingt jours ? Le projet de loi prévoyait initialement de ramener le délai à dix jours, le Sénat l'a porté à quinze jours et la commission des lois a fait droit à cette proposition, avec l'accord du Gouvernement. Cette solution nous paraît satisfaisante et, nous le verrons tout à l'heure en examinant certains amendements déposés par le groupe MODEM, nous avons prévu un système dans lequel le droit de questionnement des parties sera ouvert après les auditions, tout au long de l'information. Le dispositif retenu nous semble tout à fait satisfaisant. L'avis est défavorable.
Il est également défavorable. Le projet vise simplement à ce que le mécanisme du règlement contradictoire ne soit mis en oeuvre que dans les procédures pour lesquelles les parties elles-mêmes considèrent qu'il présente un intérêt. Nous avons donc estimé qu'appliquer systématiquement le mécanisme du contradictoire, comme le propose l'amendement no 1393 , revenait à maintenir le droit existant. Quant aux délais, M. le rapporteur en a précisé l'enjeu.
Toujours dans un esprit critique à l'égard de ce texte de loi – après tout, nous sommes dans l'opposition – , j'observe que, lorsqu'il s'agit d'informer la victime, on prolonge le délai et que, lorsqu'il s'agit de droits de la défense, on le raccourcit. Est-ce là l'esprit de la justice que nous voulons ?
La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l'amendement no 1259 rectifié .
L'amendement no 1259 rectifié , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour soutenir l'amendement no 1157 .
Je souhaiterais, si Mme Moutchou l'accepte, que cet amendement soit retiré à ce stade, pour pouvoir faire l'objet d'une réflexion complémentaire.
L'amendement no 1157 est retiré.
L'amendement no 1480 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour soutenir l'amendement no 1159 .
L'amendement no 1159 est retiré.
L'article 36, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l'amendement no 1274 , portant article additionnel après l'article 36.
Depuis le début de cette discussion, nous cherchons des moyens de rendre la justice plus rapide et plus efficace. C'est encore une proposition allant en ce sens que nous défendons avec cet amendement, puisqu'il tend à supprimer la possibilité de faire appel de l'ordonnance de mise en accusation.
Cet appel se justifiait auparavant car les décisions de la cour d'assises n'étaient pas susceptibles d'appel. Il existe désormais deux niveaux de juridiction, dont on ne connaît du reste pas encore l'appellation, car on ne sait pas encore si cette modification sera votée – nous suggérions, pour notre part, « tribunal d'assises », mais ce n'est pas le choix qui a été retenu. Quoi qu'il en soit, dès lors qu'il existe deux niveaux de juridiction, il n'y a pas de raison de ne pas appliquer les mêmes règles qu'en matière correctionnelle, où l'appel de l'ordonnance de renvoi n'existe pas.
L'expérience démontre que c'est au niveau de cet appel de l'ordonnance de mise en accusation que l'on perd un temps considérable, qui explique les longues années s'écoulant avant de parvenir à une décision aux assises. Aux assises plus encore peut-être qu'au correctionnel, les victimes doivent avoir le droit de voir le jugement, qu'il s'agisse d'une condamnation ou d'un acquittement. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'acter cette identité entre le correctionnel et les assises, par conséquent la suppression de la possibilité de faire appel de l'ordonnance de mise en accusation.
Je comprends l'idée qui motive l'amendement de notre collègue, mais la suppression de cette capacité d'appel ne supprimerait pas le contentieux lui-même, lequel se trouverait alors reporté devant la juridiction de jugement, ce qui n'est sans doute pas la bonne solution en termes d'organisation de la justice. L'avis est défavorable.
L'amendement no 1274 n'est pas adopté.
L'article 37 A est adopté.
La mission d'information relative à l'application d'une procédure d'amende forfaitaire au délit d'usage illicite de stupéfiants a remis son rapport en janvier 2018, préconisant notamment en l'espèce une amende forfaitaire délictuelle. On peut se féliciter de la traduction législative de cette préconisation ainsi que de l'élargissement du champ de la forfaitisation à d'autres délits. Je tenais à souligner la pertinence de cet article et le total soutien de notre groupe.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Rappel au règlement
Il se trouve que j'avais déposé un amendement sur l'article 37 qui a été déclaré irrecevable alors qu'il avait été débattu en commission des lois. Il prévoyait de reprendre la proposition de loi déposée par le groupe Écologiste sous la précédente législature visant à une légalisation encadrée de stupéfiants, de la production jusqu'à la vente, par l'État. Je me trouve donc démuni dans la discussion sur cet article, ne sachant d'ailleurs pas exactement pourquoi mon amendement a été jugé ainsi – j'aimerais bien avoir des informations à ce propos, en espérant que ce n'est pas dû à un usage abusif de stupéfiants.
Sourires.
J'avertis la représentation nationale : à terme, on ne pourra pas faire l'économie d'un débat sur la question du cannabis puisque plus de 52 % des Français l'ont déjà testé au moins une fois dans leur vie et que nous sommes le principal pays consommateur en Europe. Je rappelle que le Canada a déjà franchi le pas, ainsi évidemment que plusieurs pays européens, soit vers la dépénalisation, soit vers la légalisation. Que ce soit pour des raisons financières, de santé publique ou d'ordre public, il faudra à mon avis s'y mettre aussi.
Je constate, monsieur Bernalicis, que vous avez profité d'un rappel au règlement pour défendre un amendement déclaré irrecevable par les services de l'Assemblée nationale…
Sourires.
Article 37
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 1352 , tendant à supprimer l'article 37.
L'article 37 du projet de loi vise à étendre le champ d'application de l'amende forfaitaire à de nouveaux délits : l'usage illicite de stupéfiants, la vente et l'offre d'alcool à un mineur, le transport routier en violation des règles relatives au chronotachygraphe et la vente à la sauvette.
Rappelons que la procédure de l'amende forfaitaire a été introduite très récemment en matière délictuelle, dans une loi de 2016, pour les délits de conduite sans permis et de conduite sans assurance. Cette procédure n'était toujours pas entrée en vigueur au 3 octobre 2018, principalement en raison de certains obstacles techniques, notamment informatiques. Aucune évaluation du dispositif n'a donc pu être réalisée à ce jour. Aussi paraît-il pour le moins prématuré d'en étendre le champ.
Selon le Gouvernement, l'application de la procédure à ces nouveaux délits allégerait l'activité des juridictions tout en permettant une réponse plus systématique et plus dissuasive. Or aucune étude ne vient l'attester.
En outre, cette procédure n'est qu'une faculté et ne vise pas à se substituer aux poursuites devant le tribunal correctionnel. Dans quels cas les poursuites seront-elles engagées et selon quels critères ?
La problématique des effets inégalitaires d'une telle mesure n'est pas évoquée alors même que le ciblage des jeunes hommes de milieux populaires est une réalité. Dans un avis rendu en novembre 2016, la Commission nationale consultative des droits de l'homme souligne en effet que les contrôles policiers ciblent plus fréquemment les jeunes hommes issus des minorités visibles et s'exercent particulièrement à l'encontre des personnes en situation de grande précarité. L'effet de sélection sociale dans la réponse pénale apportée aux infractions à la législation sur les stupéfiants ne peut donc être ignoré.
Enfin, l'amende forfaitaire, qui se limite à la perception automatisée d'un tarif, est dénuée de toute dimension sanitaire et donc de tout effet sur la réalité des consommations et leurs conséquences dommageables. Plusieurs associations considèrent que cet article marquerait un net recul quant à la santé, aux politiques de réduction des risques et aux droits des usagers de drogues, qui demeurent les oubliés des politiques publiques qui les concernent.
La commission des lois ne partage pas votre avis, cher collègue, vous le savez bien. L'amende forfaitaire délictuelle est certes une création récente, mais qui correspond parfaitement à une forme de modernité de la réponse pénale car elle permet au procureur de la République de disposer d'une palette extrêmement large en la matière : outre l'amende forfaitaire, celle-ci comprend différents types de réponse dont l'alternative aux poursuites, les poursuites contraventionnelles et le classement sans suite. Il n'y a pas de raison de priver les parquets de cette possibilité de réponse adaptée aux circonstances. L'amende forfaitaire est plutôt prévue pour les délits de voie publique qui ne causent pas de victimes en dehors de la société ou de l'auteur lui-même, dans le cas de la consommation de produits stupéfiants. Vouloir supprimer cette possibilité de répondre au seul motif qu'elle est récente serait vraiment injurier l'avenir. C'est pourquoi la commission a rendu un avis défavorable.
Même avis, évidemment.
Je rappelle que cet article résulte d'un travail important qui a été mené par M. Poulliat et un de ses collègues. Nous avons également examiné les études comparatives effectuées à l'étranger ainsi qu'en France, qui montrent l'intérêt d'une telle procédure. Elle marche bien pour d'autres types de contravention. Nous avons souhaité maintenir une amende délictuelle, qui pourra être forfaitisée, considérant que le caractère délictuel permettra d'utiliser cette procédure pour éventuellement prononcer en parallèle des gardes à vue afin de remonter des filières.
Contrairement à ce qu'a dit M. Dharréville, cela n'interdit en aucune manière une réponse de nature sanitaire. Tout dépendra des politiques pénales mises en place. Il est très important de faire bien comprendre que l'amende forfaitaire n'entraînera pas de rupture dans la réponse sanitaire.
Il convient tout de même de revenir aux fondamentaux. Du point de vue du parquet ou de la police, c'est peut-être une avancée, mais qu'en est-il du point de vue de la société ? La question se pose parce que la consommation de stupéfiants, notamment de cannabis, est un phénomène de société. Pensez-vous sincèrement que vous allez faire reculer la consommation de stupéfiants dans le pays avec cette amende forfaitaire ? Non, je ne le crois pas ! Vous ne faites qu'accélérer la procédure afin de libérer un peu de temps pour les policiers, les gendarmes et les magistrats – et juste un peu puisque vous voulez tout de même continuer à pénaliser et donc à permettre des poursuites judiciaires, ce qui rend votre argumentaire quelque peu contradictoire. Je pense que, du point de vue des trafiquants, la dépénalisation du cannabis n'est pas souhaitable parce que c'est la source de leur trafic.
Si vous voulez lutter contre le trafic et les trafiquants, légalisez. On pourra alors concentrer l'activité policière sur les vrais trafiquants. Cela a été fait dans un tas de pays.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
De plus, les rentrées fiscales provenant de la légalisation permettront de financer une prise en charge sanitaire efficace. Cela vaut même pour la dépénalisation des drogues dures, l'expérience du Portugal est extrêmement intéressante : …
… ce pays comptait 100 000 héroïnomanes ; en dépénalisant l'usage des stupéfiants, y compris de l'héroïne et en menant une politique sanitaire ambitieuse, ils en sont arrivés à seulement 10 000 consommateurs. Voilà un exemple de politique progressiste, pour la santé publique et l'ordre public comme du point de vue financier.
Cet amendement de notre collègue Jumel nous met mal à l'aise, madame la ministre, parce qu'il soulève une question délicate : personne n'a la certitude de détenir la vérité en la matière. À la question de M. Bernalicis – va-t-on faire reculer la consommation de stupéfiants dans le pays avec cette amende forfaitaire ? – , on est tous tenté de répondre non, bien sûr : ce n'est pas une disposition de ce type qui améliorera l'état sanitaire des intéressés, notamment celui des plus jeunes.
Et je voudrais vous interroger, madame la ministre, sur le caractère socialement inégalitaire du dispositif envisagé, en espérant que vous me répondrez. Chacun sait que la capacité à payer une amende n'est pas la même selon les quartiers, les origines sociales et la situation professionnelle de celles et ceux qui seront soumis demain à cette nouvelle amende forfaitaire.
Le problème est donc non seulement sanitaire mais aussi social. Voilà pourquoi je suis pris d'un doute. Ayant été maire pendant dix-neuf ans, j'ai été confronté de nombreuses fois à des situations d'usage de stupéfiants auxquelles personne ne trouvait de réponse. Je vous interroge là-dessus, madame la ministre, en reconnaissant sincèrement que les doutes que je m'accorde, je vous les concède aussi bien volontiers.
L'amendement no 1352 n'est pas adopté.
Il vise à étendre le champ de l'amende forfaitaire délictuelle, qui traduit législativement le travail mené par les députés, aux débits de boissons ouverts à l'occasion de foires, de ventes ou de fêtes publiques autorisées par l'autorité municipale. Comme il s'agit d'événements plutôt exceptionnels, le délit se traduit très rarement par des poursuites. L'amende forfaitaire répondrait au problème de manière rapide, quasi instantanée. C'est bien le but de cette amende que d'apporter une réponse non seulement immédiate mais aussi, pour répondre à M. Dharréville, égalitaire, quel que soit le territoire.
L'amendement no 1090 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l'amendement no 1263 .
Il vise à supprimer la possibilité de recourir à l'amende forfaitaire délictuelle lorsque l'infraction est commise en situation de récidive légale, sans quoi le juge ne pourrait plus condamner la personne à une peine complémentaire, par exemple à un stage de sensibilisation.
Il est également défavorable car il faut tout de même un minimum de souplesse dans la mise en oeuvre du dispositif.
Cet amendement prouve bien, en creux, que l'amende ne s'accompagnera pas d'une réponse sanitaire. Sinon, il faudrait faire passer l'individu devant le magistrat, qui le considérera plus globalement que ne le fait le policier ou le gendarme, ou bien alors légaliser, avec des prises en charge différentes. Chacun voit bien qu'y compris en cas de récidive, ce dispositif sera une machine à distribuer des amendes pour faire rentrer de l'argent sans régler le problème.
L'amendement no 1263 n'est pas adopté.
Il est proposé de supprimer les alinéas 4 et 5 car, s'ils étaient adoptés en l'état, la simple amende prévue n'aurait aucun caractère dissuasif. Or la consommation de substances ou de plantes classées comme stupéfiants a de réelles conséquences sur la santé publique.
La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l'amendement no 1033 .
Mêmes causes, mêmes effets, monsieur Bernalicis. Vous devriez vous rendre compte qu'en réalité, ce texte vise à autoriser la consommation de stupéfiants. En effet, une amende d'un montant deux fois supérieur seulement à celui qu'acquittent les jeunes quand ils ont oublié de composter leur ticket dans le RER ou un train de banlieue, cela revient dans les faits à la légalisation, avec toutes les conséquences qui s'ensuivent, déjà constatées dans d'autres pays.
Contrairement à ce que vous prétendez, d'ailleurs, cela a été une véritable catastrophe, au point qu'un certain nombre de pays sont revenus sur la légalisation quand ils se sont rendu compte qu'elle n'avait pas éteint le trafic.
Bien sûr que non ! En réalité, elle l'a déplacé et a aggravé et les conditions sanitaires, notamment de la jeunesse, ainsi, évidemment, que la criminalité.
Encore une fois, instaurer une amende aussi faible revient en réalité à autoriser la consommation, soit parce que l'on ne parviendra jamais à venir en chercher le recouvrement de l'amende, soit parce que les gens auront les moyens de la payer.
Je n'aime pas l'hypocrisie. Vous pourriez donc me dire que vous allez légaliser, auquel cas nous pouvons en parler et être en désaccord, mais l'hypocrisie consistant en réalité à légaliser la consommation au travers d'une amende aussi faible me paraît malhonnête.
Également défavorable.
Le point sur lequel Mme Le Pen peut éventuellement avoir raison, c'est la disproportion des amendes infligées en cas de fraude dans les transports en commun. Nous sommes d'accord : c'est du grand n'importe quoi.
Quant à dire que 150 euros est pour une amende – c'est ce qui vient d'être voté – est un montant ridicule, j'ai l'impression d'entendre Gérald Darmanin nous expliquant qu'un repas au restaurant coûte entre 120 et 200 euros !
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Certes, mais peu importe : une telle amende ne revient pas à légaliser ni à autoriser la consommation.
C'est faux !
Quant aux pays qui seraient revenus sur la légalisation, donnez-moi des exemples ! Ce que je vois, c'est qu'aux Pays-Bas, le fait de n'avoir légalisé que la vente a posé problème, car les trafiquants se sont reportés sur la production. Tout le monde avait des oeillères, là-bas : on y a autorisé la vente mais sans savoir d'où venait le produit. Ah non, on ne savait pas ! Alors que font-ils maintenant ? Ils travaillent à une loi encadrant la production, voilà la réalité. Du reste, là-bas, il y a beaucoup moins de fumeurs en proportion de la population, y compris chez les jeunes, et beaucoup moins de délinquance qu'en France. Ils ferment même des prisons parce qu'elles se vident !
L'écoute de mes deux prédécesseurs prouve que nous avons une position équilibrée puisque nous avons prévu à la fois que le montant de l'amende puisse être recouvré – afin, notamment, de pouvoir mener des campagnes de prévention – et un cadre délictuel permettant en particulier de continuer à maintenir un parcours sanitaire.
Je suis saisi de cinq amendements, nos 601 , 504 , 474 , 1046 et 1092 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1046 et 1092 sont identiques.
Sur l'amendement no 474 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l'amendement no 601 .
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 504 .
L'article 37 applique au délit d'usage illicite de stupéfiants le mécanisme de l'amende forfaitaire. En commission des lois, le montant de celle-ci a été réduit par rapport à la rédaction initiale : il a été fixé à 200 euros, avec un montant minoré de 150 euros et un montant majoré de 400 euros. Afin de renforcer le caractère tout à fait dissuasif de cette disposition, le présent amendement tend à fixer le montant de l'amende à 400 euros, avec un montant minoré de 350 euros et un montant majoré de 800 euros.
Je ne vais pas revenir sur le débat.
Nous proposons, nous, au contraire, de diminuer le montant de l'amende forfaitaire, car on sait en effet que dans le système actuel, le taux de recouvrement des amendes prononcées par la justice dépasse à peine 40 %. Par conséquent, cet amendement propose la mise en place d'une amende forfaitaire d'un montant de 135 euros, de 90 euros en cas de minoration et de 375 euros en cas de majoration.
S'agissant du sujet qui nous préoccupe, madame la ministre, nos collègues ont peut-être raison de dire qu'il faudra bien un jour débattre de ce sujet, compte tenu du nombre de consommateurs et des conséquences des trafics dans les quartiers, où l'économie souterraine a un impact considérable. Il me semble qu'on ne peut pas faire l'économie d'un tel débat, même si, pour ma part, je pense que la création d'une contravention pour les usagers – avec, bien sûr, des limites – va plutôt dans le bon sens, justement parce que cela va peut-être, plus tard, déboucher sur un débat. D'autres pays l'ont fait avant nous. Il serait bon qu'un travail de fond soit mené afin de parvenir à des conclusions en s'inspirant non de ce qu'ils ont fait, mais des conséquences sur la consommation après une dépénalisation ou une légalisation.
Il s'agit évidemment d'un sujet de santé publique important. Ayant été également maire d'une commune, j'ai vu les dégâts dans les quartiers. J'ai également dirigé de gros établissements pénitentiaires comme ceux de Fleury-Mérogis ou de Fresnes.
J'y ai également vu les dégâts causés par les trafics de stupéfiants, que nous avions beaucoup de difficultés à stopper. Le sujet me paraît donc important.
Il faut que ce débat soit apaisé : il ne s'agit pas d'être pour ou contre ni d'en débattre à l'occasion du présent projet de loi, mais de pouvoir en discuter en profondeur à l'avenir.
La parole est à M. Stéphane Mazars, pour soutenir l'amendement no 1046 .
Je serais tenté de dire qu'il s'agit d'un amendement de correction, puisque l'amendement visant à réduire le montant de l'amende a été adopté en commission. Je suis convaincu qu'un amendement le fixant à 135 euros reviendrait à contraventionnaliser les délits en question, ce qui ne correspond pas à l'esprit du projet de loi, puisque nous conservons le caractère délictuel de l'amende forfaitaire. Un montant de 400 euros est en outre bien trop élevé, car il aurait pour conséquence de ne pas pouvoir recouvrer les amendes ; cela reviendrait au statu quo et à une dépénalisation de fait, ce que nous voulons absolument éviter. L'idée de cet amendement est simplement de porter le montant de l'amende majorée à 450 euros, afin de le placer à bonne distance des autres montants.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements en discussion commune ?
Même avis : favorable à un montant de contravention soutenable.
Mon point de vue est sans doute un peu différent maintenant que le Gouvernement a donné un avis favorable sur les deux derniers amendements. Je crois qu'il faut effectivement aller dans ce sens : l'amende doit être suffisamment dissuasive, avec un delta significatif. Dont acte, si la ministre est favorable à ces amendements.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 35
Nombre de suffrages exprimés 32
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 9
Contre 23
L'amendement no 474 n'est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements, nos 41 , 475 , 1291 , 1368 et 1137 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 41 , 475 , 1291 et 1368 sont identiques.
Sur ces derniers, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Patrice Anato, pour soutenir l'amendement no 41 .
Cette disposition maintient dans le code de procédure pénale la possibilité de responsabiliser et de sensibiliser les consommateurs de produits stupéfiants aux risques sanitaires et sociaux, en leur proposant une réponse éducative en lieu et place du paiement d'une amende minorée.
La seule création de l'amende forfaitaire aboutit à un véritable permis de consommer, sans amener à une réflexion d'ordre sanitaire, alors que le stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants permet d'engager une réflexion sur les dangers de la consommation et crée des passerelles avec la démarche de soins.
Je reprends les arguments de notre collègue. Il s'agit de responsabiliser et de sensibiliser les consommateurs de produits stupéfiants aux risques sanitaires et sociaux en proposant une réponse éducative en lieu et place du paiement d'une amende, si le contrevenant est d'accord et volontaire, bien sûr.
En effet, la seule création de l'amende forfaitaire n'amène aucunement à une réflexion d'ordre sanitaire. En outre, si certains pourront payer plusieurs amendes de suite sans que cela ne leur pose de problème, d'autres auront des difficultés à en payer une seule.
J'estime que nous avons intérêt à saisir l'occasion de proposer des stages ou une prise en charge éducative, voire sanitaire, à ceux qui le souhaitent, car cela permettrait de responsabiliser les consommateurs. Il s'agit d'un amendement d'appel identique à celui que vient de défendre notre collègue.
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l'amendement no 1291 .
Je ne le défendrai pas, puisque mes deux collègues viennent de le faire, et très bien. Je dresserai simplement un parallèle visant à expliquer cette démarche de sensibilisation et de prévention.
Elle est similaire à celle qui existe actuellement en matière de sécurité routière : lorsqu'on perd des points sur son permis de conduire, on a la possibilité, pour en regagner, de suivre un stage visant à prévenir, à éduquer et à éviter la récidive. Dans le domaine de la prévention sanitaire, il me paraît pertinent, intéressant, quand on s'adresse à des consommateurs de stupéfiants, de pouvoir également leur proposer des avis de nature médicale afin de les sensibiliser et de leur expliquer pourquoi il faut arrêter de consommer de tels produits.
Une telle démarche me paraît plus éducative et plus préventive. Voilà pourquoi j'ai également déposé cet amendement.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 1368 .
Nous proposons également, en lieu et place du paiement de l'amende, que puisse être effectué un stage de sensibilisation. Il s'agit vraiment de l'un des fondements de notre opposition à l'amende forfaitaire pour les délits de ce type, car elle passe à côté de ce problème de santé publique. Or on sait qu'à long terme, selon l'âge, celui de la première consommation, la quantité et la fréquence de sa consommation, le cannabis peut avoir de nombreux effets négatifs, notamment, chez certains jeunes, des psychoses qui sont considérablement aggravées par l'interaction entre les caractéristiques de leur consommation et leurs prédispositions génétiques. Il nous apparaît donc fondamental d'orienter nos propositions vers une politique publique efficace et préventive.
La parole est à Mme Émilie Guerel, pour soutenir l'amendement no 1137 .
Ils poursuivent les mêmes objectifs : proposer un stage de sensibilisation avant le règlement de l'amende forfaitaire ou concomitamment. En clair, cela correspond déjà à l'état du droit. Nous renvoyons le procureur de la République à ses responsabilités : il peut en effet choisir entre une alternative aux poursuites ou l'amende forfaitaire. Si je comprends parfaitement les objectifs poursuivis par tous ces amendements, ils sont donc déjà, me semble-t-il, pleinement satisfaits. Dans ces conditions, la commission y est défavorable.
Je voudrais juste rappeler ici que la procédure de l'amende forfaitaire est une procédure parmi d'autres. Comment cela fonctionnera-t-il ? Le ministre de la justice donnera une instruction de politique pénale à ses procureurs, qui vont la décliner localement. Dans cette instruction, il sera évidemment possible de recommander de privilégier les stages de sensibilisation ou d'autres types de réponse.
Il ne faut donc pas voir cette même amende comme quelque chose d'exclusif, mais comme une réponse extrêmement importante et intéressante, mais une réponse parmi d'autres.
Je voudrais également apporter une précision, qui ne nie absolument pas l'intérêt de tels stages de sensibilisation pour la santé publique : je vous rappelle qu'ils sont aux frais du condamné. Ainsi, entre l'amende forfaitaire et le stage aux frais du condamné, il n'y a donc pas de grande différence sur le plan financier.
Mais, une fois encore, j'insiste sur la palette des réponses possibles.
Nous sommes ici au coeur d'une grande hypocrisie française. Deux choix sont possibles, en vérité.
Le premier consiste à interdire le produit stupéfiant concerné, auquel cas il faut opter pour la répression, au nom d'une vision prétendument fondée sur la santé publique : puisque ce produit est nocif, puisqu'il peut détruire la vie de qui le consomme – nul ne le contestera ici – , il faut l'interdire et protéger les Français contre eux-mêmes. Lorsqu'on compare le résultat de cette politique à celle qui est menée dans d'autres pays, on constate que la France compte beaucoup plus de consommateurs. L'argument de la santé publique est donc une hypocrisie.
Le second choix consiste à donner la priorité à la sécurité publique. Bien que les chiffres varient, on estime que la délinquance ordinaire, celle qui touche le plus nos concitoyens, tient, pour 60 %, à la nécessité de se trouver de l'argent pour se fournir en produits stupéfiants.
Il me semble que les amendements en discussion ne tranchent pas. En fait, chacun veut se donner bonne conscience avec l'interdiction. En clamant que c'est mal, on croit empêcher la consommation, mais, concrètement, on voit que ça ne l'empêche pas ; au contraire, on ne cesse de nourrir les trafics, un peu comme à l'époque d'Al Capone et d'Eliot Ness, si je puis me permettre. Parce qu'on interdit un produit facile à trafiquer, on enrichit les trafiquants et l'on plonge les personnes victimes d'addiction dans l'isolement.
Telle est la contradiction dans laquelle nous sommes. L'entre-deux proposé à travers ces amendements – et c'est un centriste qui vous le dit – , n'est pas pertinent. Le débat, madame la ministre, doit donc avoir lieu un jour. On choisit soit la santé publique, soit la sécurité publique ; mais la vérité, c'est que lorsqu'on choisit la première, on finit par assurer la seconde.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Je ne reviendrai pas sur la prohibition, ayant déjà souligné la nécessité d'un débat à ce sujet. D'autres grandes démocraties ont d'ailleurs choisi une voie différente ; nous ne serions donc pas la première à le faire.
Pour en revenir à l'amendement, madame la ministre, vous avez parlé de stages payants, mais, vous le savez mieux que quiconque, des associations, dans nombre de départements, prennent déjà en charge les toxicomanes. On peut donc imaginer des stages gratuits pour ceux qui acceptent d'être pris en charge, selon des modalités qu'il faudrait préciser.
Le procureur, avez-vous dit, peut éventuellement donner des directives. J'entends bien, mais il serait quand même préférable d'inscrire dans la loi la mesure ici proposée.
Le procureur, dans le cadre de la composition pénale, peut en effet imposer, comme alternative aux poursuites, un stage de sensibilisation. Reste que ce stage, Mme la garde des sceaux l'a rappelé, est à la charge de l'intéressé. De surcroît, même si je n'ai pas les chiffres sous les yeux, nous avons eu, dans le cadre de la mission d'information sur l'amende forfaitaire, des retours dubitatifs, pour ne pas dire négatifs, quant à l'impact de ces stages sur la consommation des contrevenants. On peut toujours envoyer les gens en stage mais, si celui-ci ne sert à rien, le bénéfice, à tout le moins, sera faible.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 36
Nombre de suffrages exprimés 32
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 6
Contre 26
L'amendement no 1137 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 338 .
L'amendement no 338 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l'amendement no 1264 .
Il s'agit de revenir sur l'amende forfaitaire pouvant sanctionner les infractions au chronotachygraphe, qui me semble constituer une erreur. La sécurité routière est un sujet important. Or nous craignons que le conducteur de poids lourd ne soit amené à violer la loi sous la pression de son entreprise, qui prendrait en charge le paiement de l'amende, laquelle, dès lors, n'aurait plus aucun effet dissuasif. Cette disposition pose donc à mes yeux un vrai problème.
Nous avons longuement évoqué cette question en commission. Elle a émis un avis défavorable, que je confirme.
L'amendement no 1264 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Élise Fajgeles, pour soutenir l'amendement no 1430 .
Il concerne la vente à la sauvette de cigarettes de contrebande à l'unité, phénomène que l'on peut observer à Paris, dans ma circonscription, autour des stations de métro La Chapelle et Barbès-Rochechouart, mais aussi à Marseille, ce qui a conduit ma collègue Alexandra Louis à cosigner l'amendement.
Cette situation d'insécurité quotidienne pose un problème d'ordre public, mais aussi de santé publique. Les policiers font bien leur travail et saisissent régulièrement de la marchandise, mais nous avons affaire à de véritables réseaux, face auxquels les forces de l'ordre, sur le terrain, manquent de moyens vraiment efficaces.
La commission des lois, s'appuyant sur un travail de Stéphane Mazars que je salue, a adopté un amendement tendant à la création d'une amende forfaitaire pour verbaliser les ventes à la sauvette. Je me félicite de cette première mesure mais, face aux réseaux, face à des vendeurs souvent insolvables, il importe de responsabiliser ceux qui achètent des cigarettes de contrebande à l'unité en dehors des bureaux de tabac, donc fraudent, alimentent les réseaux et contribuent à l'insécurité du quotidien en toute connaissance de cause. En outre, le problème de santé publique est ici patent.
En commission, j'ai déposé un amendement tendant à créer un délit d'achat de tabac en dehors des lieux de monopole et à sanctionner ce délit par une amende forfaitaire. Vous m'aviez répondu, madame la ministre, que l'incrimination délictuelle semblait disproportionnée en l'espèce. Sensible à votre argument, je vous propose ce soir la création d'une contravention sanctionnée par une amende de deuxième classe.
Comme vous l'avez rappelé, madame Fajgeles, nous avons très largement débattu de cette question en commission, à travers un amendement relatif à la vente de cigarettes à la sauvette. Le problème, vous l'avez dit vous-même, est plus délicat pour l'achat, même si nous ne saurions le nier, notamment à Paris et dans les grandes villes.
La contravention que vous proposez me paraît tout à fait adaptée, à ceci près qu'elle tombe sous le coup de l'article 37 de la Constitution puisqu'elle ne relève pas du domaine législatif. Mais peut-être Mme la ministre pourra-t-elle apporter une réponse dans un autre cadre.
Nous avons en effet abordé cette question en commission. Je vous remercie, madame Fajgeles, d'avoir revu votre amendement. Toutefois, comme vient de le dire M. le rapporteur, la contravention n'est pas du domaine législatif ; elle relève du réglementaire. Par conséquent, je ne puis que vous demander de retirer votre amendement, étant entendu que je m'engage, en contrepartie, à créer, par voie réglementaire, une contravention spécifique pour les acheteurs de tabac à la sauvette.
Je vous remercie, madame la ministre, de l'attention que vous portez à ce problème réel, et retire mon amendement.
L'amendement no 1430 est retiré.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 505 .
Nous partageons totalement le constat de notre collègue Fajgeles sur le développement des ventes à la sauvette et sur l'impact qu'elles peuvent avoir en matière de santé publique. C'est pourquoi nous nous intéressons, nous, aux vendeurs, qui en tirent des bénéfices conséquents. Nous proposons donc de porter le montant de l'amende forfaitaire à 500 euros, ce qui la rendrait plus dissuasive.
La proposition de M. Mazars nous paraissant adaptée, nous nous y tenons. L'avis est défavorable.
L'amendement no 505 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 1483 .
L'amendement no 1483 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 740 .
Afin que les usagers sanctionnés par l'amende forfaitaire relative à l'usage illicite de stupéfiants puissent mieux connaître l'accompagnement sanitaire auquel ils ont droit, il est nécessaire de faire figurer, sur l'avis de cette amende envoyée au domicile de l'usager, des informations relatives aux structures sanitaires.
La loi, qui fixe les grands principes de la procédure pénale, ne descend pas à ce niveau de détails, lesquels relèvent du domaine réglementaire. L'avis est défavorable pour cette seule raison.
Je fais partie de ceux qui sont vigilants quant à la répartition entre la législation, qui nous incombe, et le règlement. En l'occurrence, je ne suis pas totalement convaincu par les objections que je viens d'entendre, d'autant que l'amendement me paraît tenir un juste équilibre entre la répression, la sanction, et la prévention. Je me permets donc de l'appuyer et d'inviter notre assemblée à l'adopter largement. Nous devons garder à l'esprit cette nécessité, non seulement de la sanction, mais aussi de la prévention.
L'amendement no 740 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Émilie Guerel, pour soutenir l'amendement no 1141 .
L'amendement no 1141 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement de groupe. De nombreux habitants d'immeubles dont le hall est squatté pour différentes raisons vivent un enfer au quotidien. Cela crée de multiples nuisances. Ils sont régulièrement filtrés, à l'entrée, pour des raisons que je ne détaillerai pas.
Certes, depuis 1995, de nombreux dispositifs ont été adoptés, mais le problème est qu'ils requièrent de déposer plainte. Comment imaginer que l'un de ces habitants puisse le faire, sachant que les auteurs de ces faits, au demeurant présumés innocents, stationnent devant sa porte ? Il faut donc donner aux forces de l'ordre les moyens d'assurer la tranquillité de ces habitants.
À cette fin, l'idée de l'amendement est de permettre la notification de l'infraction par les forces de l'ordre sur la base du simple constat d'occupation des lieux. L'amende forfaitaire sanctionnant cette infraction se monterait à 200 euros.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'occupation illicite de hall d'immeuble avait été l'un des délits identifiés par la mission d'information sur l'amende forfaitaire. C'est ce qui m'a conduit à déposer cet amendement. Surtout, il m'est apparu nécessaire de rendre le montant de l'amende cohérent avec celui de celle applicable pour les produits stupéfiants.
Il s'agit d'infractions que l'on pourrait croire de faible intensité, mais dont les effets sont délétères dans la situation que nous connaissons en matière d'habitat, en particulier dans les grandes villes et les périphéries. La commission, par ma voix, apporte donc tout son soutien à ces amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur les bancs du groupe LR.
Je vais être moins applaudie, mais j'assume ! J'aurai peut-être quand même de tout petits applaudissements…
Rires.
Mêmes mouvements.
Je veux redire ici la détermination du Gouvernement à lutter contre des phénomènes qui, nous le savons parfaitement, nuisent à la qualité de vie de nos concitoyens. Cependant, la forfaitisation du délit ne nous apparaît pas en l'espèce comme la solution la plus appropriée. En effet, la procédure de forfaitisation n'est adaptée qu'à des infractions formelles dont la constatation relève de l'évidence. C'est la raison pour laquelle nous ne l'envisageons que pour des infractions relativement aisées à caractériser, comme le délit d'usage de stupéfiants lorsque la personne est en train de consommer de la drogue.
Or, pour caractériser le délit sanctionné par le code de la construction et de l'habitation et correspondant au fait d'occuper en réunion les parties collectives des immeubles en empêchant délibérément l'accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté, il ne suffit pas de constater la présence de plusieurs personnes dans le hall d'un immeuble : il faut encore établir l'empêchement délibéré d'accéder aux lieux, d'y circuler librement ou de faire fonctionner les dispositifs de sécurité.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Ce n'est peut-être pas si évident : je ne sais pas si ça l'est dans tous les cas.
Monsieur Lagarde, s'il vous plaît ! Vous pourrez vous exprimer dans un instant.
Je vous expose la manière dont je vois les choses ; je respecte pleinement le fait que vous ne les voyiez pas de la même façon, mais je tenais à le faire.
Il nous semble donc que l'on s'expose ici au risque d'oppositions systématiques du fait de la difficulté à prouver les éléments constitutifs de l'infraction.
Cela dit, j'ai parfaitement conscience de la légitimité de cette préoccupation et je ne sous-estime pas l'intérêt de la proposition qui nous est faite. Je signale simplement le risque d'une difficulté juridique. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis de sagesse.
Je réitère, cette fois-ci publiquement, mes excuses : c'est la passion qui parlait. Mais les auteurs des amendements et Mme la garde des sceaux elle-même viennent de me rajeunir, et je tiens à les en remercier : en 2003, dans cet hémicycle, nous avions le même débat alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l'intérieur.
Il avait inventé le délit d'entrave. Or celui-ci ne fonctionne pas : il n'y a aucune poursuite, car il n'est pas possible de caractériser le délit, faute de preuves. Tous les jours, dans quantité d'immeubles en France, des dizaines de milliers de Français doivent supporter que le hall soit occupé pour du trafic, de la distraction, de la consommation – peu importe : ils sont chez eux, ils ont du mal à rentrer chez eux, ils sont intimidés quand ils rentrent et perturbés quand ils sont à la maison, parce qu'il y a des gens qui mettent le bordel en bas !
Approbation sur les bancs du groupe LR.
Je me suis heurté à cet obstacle dix fois : dans les parties privatives d'un lieu commun, on considère, me disait-on, que l'on ne parvient pas à caractériser le délit – on m'expliquait à l'époque que c'était dans la Constitution : tu parles ! Je vous sais d'ailleurs gré de ne pas avoir utilisé cet argument, madame la garde des sceaux. La vérité, c'est que ce qui a été inscrit dans la loi en 2003 n'est pas caractérisé, car non caractérisable, et n'est donc pas poursuivable !
Si vous voulez rendre leur tranquillité aux personnes concernées, permettez au moins que les délinquants soient verbalisés. Savez-vous ce qui se passe depuis la loi Sarkozy de 2003 ? À l'époque, je l'avais défendue et votée ; je me suis trompé, je l'admets. Les policiers doivent embarquer les intéressés, voire provoquer un incident, pour pouvoir libérer le hall de l'immeuble, sinon les occupants reviennent au bout de cinq minutes ! La voilà, la réalité vécue par les Français !
Je vous remercie de votre avis de sagesse, madame la garde des sceaux, et je demande à tous mes collègues, qu'ils fassent partie de l'opposition ou de la majorité, de nous permettre de résoudre ce problème.
Cela suppose une seconde condition : pouvoir recouvrer l'amende. Pour cela, il faut que les débiteurs n'aient pas organisé leur insolvabilité. Tel est le sens d'amendements que je défendrai ultérieurement.
Mais faisons déjà un premier pas. Je saluerai la majorité bien bas si elle se montre capable de concrétiser ce qui a été refusé sous Sarkozy et sous Hollande : elle aura permis une avancée qui concerne vraiment la vie quotidienne des Français !
Manifestement, certains blocages dérangent plus le ministre de l'intérieur que d'autres… Les blocages dont nous parlons, qui sont quotidiens, semblent ne pas gêner qui que ce soit alors qu'ils dérangent des centaines de milliers de personnes qu'ils font vivre dans la terreur.
Il existe ce que l'on pourrait appeler la justice au balcon : « ah, il faudrait faire ceci, cela », etc. Je rejoins M. Lagarde : nous devrions nous intéresser au pourcentage d'amendes qui sont véritablement recouvrées. Combien y a-t-il d'amendes, dans les quartiers difficiles, dont le non-paiement suscite la venue d'un huissier ? Si les amendes ne sont pas payées, cela ne sert strictement à rien de voter des textes, ni de demander aux policiers d'aller mettre des amendes, au péril de leur intégrité physique puisqu'ils sont alors confrontés à des violences. Allons au bout de la logique qui est ici à l'oeuvre, cessons de reculer et faisons vraiment procéder au recouvrement des amendes.
Je parle de contraventions ou de délits simples tels que ceux dont il est question ici, mais aussi de tous les autres. La Commission d'indemnisation des victimes d'infractions, c'est l'argent du contribuable ! Elle paie pour les victimes, et c'est tant mieux, mais on n'a pas l'impression qu'elle ait ensuite la volonté, le temps ou tout simplement la possibilité d'aller recouvrer les sommes versées aux victimes et qui devraient être payées par les délinquants et par les criminels.
Je rappelle la règle que j'ai annoncée au début de la séance et qui limite à deux le nombre de prises de parole par amendement – conformément à notre règlement, lequel n'accorde pas non plus de droit de réplique aux auteurs de l'amendement. Nous avons dit deux : ce sera deux pour toute la soirée.
Exclamations sur divers bancs.
Rappels au règlement
Je veux bien que l'on aille vite, mais un sujet essentiel vient d'être soulevé, à propos duquel on aurait pu envisager qu'une petite réponse soit apportée aux avis de la commission et du Gouvernement et aux échanges qui se sont ensuivis. Le débat n'était pas tout à fait clos. Monsieur le président, vouloir passer au vote, c'est très bien ; vouloir faire du chiffre avec les amendements, c'est parfait ; mais nos débats ont aussi besoin d'un peu de sérénité. S'agissant d'un sujet qui empoisonne autant la vie de nos concitoyens – le blocage des cages d'escalier est un véritable problème – , nous aurions pu nous donner quelques instants de plus pour entendre une ou deux interventions au lieu d'en venir à pareilles extrémités. Je tiens à dénoncer cette façon de faire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Il est pris bonne note de votre rappel au règlement, monsieur le député. Je ferai ce à quoi je me suis engagé : appliquer notre règlement
Protestations sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LaREM
pour permettre une discussion fluide et complète.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour un rappel au règlement.
Je suis de plus en plus agacé. Vous me direz que ce n'est pas grave et que tout le monde se fiche de mes états d'âme. Mais nous avions débuté la discussion du projet de loi en bonne intelligence : chacun pouvait prendre la parole quand il le souhaitait, ce qui semblait légitime – après tout, il s'agit de la justice de demain dans ce texte voulu par Mme la garde des sceaux. La parole a été accordée avec une grande libéralité ; il faut le reconnaître, et en rendre hommage à tous ceux qui ont présidé la séance depuis lundi. Et voilà que, d'un seul coup, nous n'aurions plus le droit de prendre la parole sous prétexte qu'il est tard et qu'il faut finir l'examen du texte ?
Les amendements ont été préparés par des députés de différents bords ; ils ont été travaillés ; ils sont le fruit de consultations, de concertations. Nous ne pouvons pas faire cette insulte aux Français ! Nous sommes l'Assemblée nationale ; nous sommes en train de faire la loi ; cette loi est le fruit du travail de tous. Par respect pour tous les Français, nous ne pouvons pas, d'un seul coup, décider d'appliquer strictement le règlement,
M. Philippe Gosselin applaudit
à moins que vous ne vouliez laisser penser que c'est là votre vision de la démocratie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Marine Le Pen applaudit également.
Cet après-midi, nous avons passé au moins deux heures sur un amendement d'habilitation à réviser l'ordonnance de 1945. Ce n'est pas nous qui avons pris cette initiative, ce n'est pas nous qui avons prolongé les débats : c'est le Gouvernement !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Marine Le Pen applaudit également.
Que les choses soient claires : nous nous sommes engagés hier auprès de Mme la ministre et du président de séance à tout faire pour que les débats se déroulent convenablement, sereinement,...
... et nous nous y sommes tenus – même moi, alors que je trouvais cet engagement quelque peu excessif.
Sourires.
Monsieur le président, nous souhaitons simplement que vous n'utilisiez pas le règlement pour brider notre parole sur des sujets essentiels – je ne parle pas de celui qui vient d'être évoqué.
Par ailleurs, on voit bien que votre souci est de faire voter ce week-end diverses dispositions ayant trait à l'organisation territoriale du service public de la justice : eh bien – disons les choses comme elles sont – , nous n'y arriverons pas ! Mieux vaut laisser nos débats se poursuivre sereinement, sans quoi nous allons multiplier les rappels au règlement et les demandes de suspension de séance.
Cela vous rappellera peut-être certain débat que nous avons entamé cet été et qui pourrait reprendre en janvier…
Monsieur le président, au nom de notre besoin de sérénité, nous vous demandons de faire une application intelligente du règlement, dont nous avons tous connaissance.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour un rappel au règlement, après quoi je suspendrai la séance pour quelques minutes.
Monsieur le président, je ne suis vraiment pas d'accord avec votre conception du fonctionnement de nos débats. Nous avons débattu très sereinement la nuit dernière, ce matin et cet après-midi. Il n'y a aucune raison que nous ne puissions pas continuer ainsi. Je demande une suspension de séance.
Vous en avez tout à fait le droit. J'avais d'ailleurs déjà annoncé une suspension.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.
Article 37
La parole est à Mme Typhanie Degois, pour soutenir l'amendement no 1286 .
Le code rural et de la pêche maritime prévoit plusieurs infractions sanctionnant les mauvais traitements envers les animaux. Or très peu de condamnations sont prononcées sur le fondement des articles dudit code : on en dénombre 486 en 2015 et 461 en 2016. La raison ? Il s'agit d'infractions dites mineures et donc souvent classées sans suite alors que l'infraction est bien caractérisée. Nous laissons ainsi persister des situations d'illégalité dans lesquelles les forces de l'ordre, comme les associations, se retrouvent dépourvues de moyens d'action et nous laissons s'installer un sentiment d'impunité auprès de nos concitoyens.
Parce que chaque infraction mérite une sanction, nous vous proposons d'étendre la procédure de l'amende forfaitaire à ces contraventions afin de permettre l'instauration d'une procédure efficace et simplifiée. L'amende forfaitaire, comme plusieurs d'entre nous ont déjà eu l'occasion de le rappeler, est un outil de répression pénale efficace permettant de sanctionner le justiciable dès la constatation de l'infraction. Appliquer l'amende forfaitaire à l'article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime resterait facultatif et, en cas de contestation, un juge serait toujours appelé pour trancher l'affaire. Nous n'enlèverions aucun droit aux associations de se porter partie civile car, sur ces infractions, elles n'ont aujourd'hui pas ce droit. Or les infractions dont il est ici question sont des faits facilement caractérisables : la jurisprudence nous donne une abondance de cas.
J'appelle votre attention sur le fait que le présent amendement apporte une solution concrète, soutenue par une dizaine d'associations et par plus de 81 000 personnes qui ont signé une pétition. Les associations et les forces de l'ordre sont confrontées à un vrai problème au quotidien et comme tout problème, celui-ci mérite des solutions simples et efficaces qui ne doivent pas être reportées à plus tard.
N'oublions pas que les dispositions que nous votons influencent directement la vie de nos concitoyens.
Je remercie notre collègue Typhanie Degois qui pointe du doigt une vraie difficulté, celle de la cause animale, en particulier celle de la maltraitance animale – problème endémique et qui tend malheureusement à se développer. Il n'y a donc aucun doute sur le fait que l'objectif poursuivi par les cosignataires de l'amendement est louable – et du reste nous le partageons. Seulement, nous sommes ici, avec l'article 37 du texte, dans le cadre de l'amende forfaitaire délictuelle puisque le Parlement, en vertu des articles 34 et 37 de la Constitution, ne peut intervenir qu'en matière délictuelle. Or les sanctions que vous évoquez sont de nature contraventionnelles.
Aussi la réponse que je suis amené à vous faire en tant que rapporteur est-elle celle-ci : certes la difficulté existe, certes les associations s'en préoccupent et font un remarquable travail au quotidien, mais nous ne sommes pas en mesure de la résoudre dans cette enceinte. Éventuellement, la ministre de la justice, si elle le veut bien, peut s'en charger…
… puisque ce que vous proposez relève du domaine réglementaire ; et, dans ces conditions, je lui cède volontiers la parole, après avoir malheureusement, si je puis dire, émis un avis défavorable.
Madame la députée, je vous remercie de mettre ce sujet en avant, mais M. le rapporteur a clairement indiqué pourquoi il n'était juridiquement pas possible de l'aborder dans la loi selon les modalités que vous proposez. En effet, le dispositif de votre amendement est de nature contraventionnelle alors que la loi ne peut fixer une contravention. Cela étant, je veux bien m'engager à ouvrir une réflexion sur le sujet, et à voir comment elle pourrait nous amener à appliquer aux contraventions que vous souhaitez la procédure de l'amende forfaitaire. Mon avis est donc défavorable, avec l'engagement de conduire une réflexion.
L'amendement aborde un sujet important, et nous aurions pu y être favorables sans le problème juridique que vous avez soulevé. Trop souvent les associations se trouvent dans l'impossibilité d'intervenir, et les forces de police n'ont pas toujours les moyens de le faire. La maltraitance animale, en particulier celle qui se produit au domicile des particuliers, est malheureusement de plus en plus fréquente. Madame la ministre, je vous remercie d'avancer sur ce dossier.
Je partage l'avis de mes collègues. La souffrance que les humains peuvent infliger aux animaux en dit long sur la société dans laquelle nous vivons, et sur celle dans laquelle nous voulons vivre. Nous nous grandirons collectivement en faisant reculer la maltraitance animale.
La ministre est prête à avancer sur le sujet : c'est très bien ! Ce serait encore mieux de pouvoir faire bouger les choses par la loi – certains aspects de ce sujet relèvent certainement du domaine législatif, même si ce n'était pas le cas de l'amendement en débat. Il est d'ailleurs possible qu'une application un peu trop stricte de l'article 45 de la Constitution ait fait disparaître des amendements sur le sujet – certains des miens sur délinquance financière ont subi le même sort.
Non, monsieur le président, je ne retire pas celui-là, mais je retirerai les deux amendements suivants, nos 1283 et 1285.
Madame la garde des sceaux, j'appelle votre attention sur le fait qu'aujourd'hui le code rural et de la pêche maritime est totalement hétérogène puisqu'il comporte déjà des infractions soumises aux amendes forfaitaires, et d'autres qui ne le sont pas. Actuellement, même les forces de l'ordre ne peuvent pas appliquer la loi. Mon amendement vise à permettre aux associations de faire leur travail.
J'ai bien pris note de votre volonté que nous avancions ensemble. Cet été, dans l'hémicycle, vous aviez passé outre au caractère contraventionnel des textes relatifs aux violences sexistes ; vous pourriez faire de même aujourd'hui. Si vous ne le souhaitez pas, nous devons avancer ensemble avec les associations et tous les collègues des différents groupes mobilisés sur ce sujet extrêmement important. Pour les associations, et au nom de cette cause, je ne retirerai pas l'amendement.
L'amendement no 1286 est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM, et sur les bancs des groupes LR et FI.
Rappels au règlement
Je préconise que Mme la ministre dépose un amendement afin que le Gouvernement, selon la pratique actuellement en vogue, soit autorisé à légiférer par ordonnances sur la question que nous venons d'aborder. Ce n'est qu'un petit conseil amical.
Sourires.
Je partage l'état d'esprit qui règne manifestement parmi nous concernant la protection des animaux. Nous disposons d'un arsenal pénal fourni en la matière. Il faut sans doute l'adapter et appliquer les règles autrement. Mme Degois a raison d'interroger tout cela.
Je veux toutefois appeler votre attention sur le déroulement un peu singulier et particulier de nos travaux. Après que l'on a privé le Parlement de son droit d'agir et de s'exprimer par le recours aux ordonnances, nous venons de légiférer dans le domaine réglementaire ! C'est un peu la fête à Neu-Neu dans l'hémicycle…
… et cela commence à m'inquiéter. Qu'en est-il du bon déroulement de nos travaux ? Nous sommes dans une partie du texte, son volet pénal, dont l'examen nous mènera jusque tard dans la nuit. Je constate que certains sont absents, et que les majorités se forment par défaut. On se regarde, on s'observe. Ce ne sont pas des conditions très dignes pour délibérer. Je veux prendre acte d'une telle situation et la noter ici, car, franchement cela me pose bien des questions sur la façon dont nous faisons la loi dans notre pays.
Article 37
La parole est à Mme Émilie Guerel, pour soutenir l'amendement no 1282 .
Dans la lignée de l'amendement défendu par Mme Degois, celui-là vise à étendre la procédure de l'amende forfaitaire aux infractions occasionnées par le non-respect de la réglementation relative à l'équarrissage. L'équarrissage est une activité d'intérêt général et sanitaire consistant à collecter et traiter les cadavres ou parties de cadavres d'animaux.
Alors qu'il existe un cadre législatif encadrant cette pratique, les infractions sont fréquentes et portent atteinte à la santé publique. Le défaut d'équarrissage est souvent lié à des animaux laissés sans soin, morts et ensuite évacués en secret. Les infractions en ce domaine sont peu suivies d'effet.
Cette impunité est due à deux raisons principales. D'une part, les agents ne disposent pas toujours les outils législatifs nécessaires, et les associations ne peuvent se porter partie civile sur ces dispositions du code rural et de la pêche maritime. D'autre part, les tribunaux de police sont physiquement incapables de juger toutes les contraventions légalement constatées.
Afin d'assurer l'effectivité des lois en vigueur, nous proposons de mettre en place une amende forfaitaire de 500 euros sanctionnant une infraction punie de 3 750 euros, caractérisée par la violation de la législation actuelle relative aux modalités d'équarrissage de cadavres ou de parties de cadavres d'animaux. La procédure de l'amende forfaitaire est en effet beaucoup plus rapide et moins contraignante que la saisine du tribunal correctionnel.
Nous n'avons plus affaire, cette fois, à des animaux vivants, mais à des animaux morts. A priori, c'est un peu plus simple. La commission des affaires économiques s'était beaucoup penchée sur cette question lors de l'examen du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, devenue, en octobre dernier, la loi dite « ÉGALIM ». Nous avions considéré que les dispositions en vigueur étaient stabilisées et qu'elles ne nécessitaient pas de modifications.
Cet amendement ne pose pas les problèmes de distinction entre les champs réglementaire et législatif soulevés par le précédent, adopté à mon plus grand regret. Il se heurte en revanche a des difficultés de mise en application. L'amende forfaitaire délictuelle correspond à des délits de voie publique aisément constatables et dont l'auteur est rapidement appréhendé. Les choses seront beaucoup moins faciles s'agissant de l'équarrissage. J'émets donc une réserve très forte sur ce point.
S'agissant de délits, il existe d'autres modes de poursuite. Peut-être la Chancellerie souhaiterait-elle diffuser des circulaires en la matière ou faire avancer le processus…
À quel sujet ?
Sourires.
Une attention toute particulière pourrait être portée par voie de circulaire à l'équarrissage, pratique que l'on rencontre en particulier en zone rurale.
Les parquets pourraient donner des directives, ou une ordonnance pénale pourrait être prise qui serait autrement plus efficaces que le dispositif proposé. J'émets un avis défavorable.
La parole est à Mme la garde des sceaux pour donner l'avis du Gouvernement.
Monsieur Gosselin, vous auriez tort de me plaindre : je sais parfaitement les limites et les compétences de la fonction que j'exerce. En revanche, je m'étonne, monsieur le député, de vous avoir vu, tout à l'heure, voter en faveur de l'amendement no 1286 …
J'avais cru que vous l'aviez voté…
Dont acte ! Je n'ai pas à commenter un vote de l'Assemblée nationale, mais je trouve tout de même étonnant qu'une contravention soit mise en place au moyen d'une loi.
J'en reviens à l'extension de l'amende forfaitaire pour le non-respect de la réglementation relative à l'équarrissage. Des modalités de réponse existent déjà que nous entendons rendre à la fois plus sévères et plus simples. Aujourd'hui, sont prises en compte des infractions qui relèvent de la compétence du juge correctionnel siégeant à juge unique. L'article 40 du texte que nous examinons étend la procédure de l'ordonnance pénale, qui permet au juge de prononcer sans procès une amende et les peines complémentaires encourues, à l'ensemble des délits pouvant être jugés par un juge unique. Cette solution nous permettra de répondre de manière plus rapide et plus sévère qu'avec le dispositif de l'amendement sur lequel j'émets un avis défavorable.
J'entends toutes les expressions volontaires en faveur des animaux qu'ils soient morts ou vivants, monsieur le rapporteur. J'appelle seulement l'attention de nos collègues sur le fait que les sanctions pénales s'inscrivent dans une échelle des peines – je constate que le Gouvernement semble vigilant en la matière. Lorsque l'on décide, par exemple, qu'une peine prononcée par un tribunal correctionnel devient une amende forfaitaire, on modifie, de fait, l'échelle de peines.
Madame la ministre, il me semble que, dans de nombreux domaines concernés par les amendes, il faudrait réfléchir au très discutable quantum des peines dans notre pays. Il a été modulé, amendé, aménagé au gré des envies du moment.
Je ne suis pas sûr qu'il y ait encore de la cohérence en la matière. D'ici à la fin de votre mandat, il serait bien utile que vous puissiez lancer une réflexion à ce sujet. Beaucoup de vos prédécesseurs s'y sont refusés, car ils ont estimé que l'obstacle était un peu compliqué à franchir. Si nous n'engageons pas cette réflexion – par exemple, par l'intermédiaire de la commission des lois, madame Braun-Pivet – , l'administration finit par régler le quantum des peines, et l'Assemblée par le déséquilibrer. Une réflexion globale est nécessaire ; l'échelle des peines ne doit pas être fixée au coup par coup dans notre pays !
M. Philippe Gosselin et M. Ugo Bernalicis applaudissent.
Je partage la stupéfaction de Mme la garde des sceaux, mais je rappelle que nous dénonçons depuis un petit moment le manque de sérénité de nos débats ce soir, et que les amendements en cause, dont celui qui a été adopté, ont été déposés par des membres de la majorité. On peut donc s'inquiéter…
On peut donc s'inquiéter pour la sérénité de nos débats, et je pense que la méthode Coué finira par fonctionner.
Nous ne votons pas une loi pour la soirée mais pour le XXIe siècle, comme l'a dit Mme la garde des sceaux.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ils le sont sans doute pour vous, mais ils sont utiles pour les Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 1282 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 638 .
Il vise à étendre le champ d'application de la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle à tous les délits punis d'une peine d'amende. Sauf disposition contraire, le montant de l'amende forfaitaire serait de 300 euros, 250 euros en cas de paiement immédiat, et 600 euros en cas de majoration.
Les délits auxquels l'amende forfaitaire peut s'appliquer doivent répondre à certaines caractéristiques : il doit s'agir de délits de voie publique sans victime identifiée. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement no 638 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 37, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1180 et 1181 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour les soutenir.
L'amendement no 1180 est rédactionnel ; l'amendement suivant, no 1181, est de précision.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1530 .
Avec votre autorisation, monsieur le président, pour gagner du temps, je présenterai en même temps l'amendement no 558 , en comptant sur votre largesse d'esprit en ce qui concerne l'application du règlement, notamment du temps de parole.
L'amende forfaitaire est certes une procédure intéressante, mais encore faut-il que l'amende soit recouvrée. Je vous signale qu'il existe, en la matière, une niche de non-droit : la quotité insaisissable, dont la plupart de nos collègues ignorent sans doute l'existence. Il s'agit d'un niveau de revenus en dessous duquel la justice ne s'applique plus. Je ne connais pas le montant exact, que Mme la ministre pourra préciser : je pense qu'il s'agit d'environ 450 ou 460 euros. Ceux à qui il ne reste plus que ce montant de revenus ne peuvent plus être pénalisés : on ne peut plus leur infliger d'amende.
Dans certains endroits que je connais bien, pour y vivre, pour avoir eu la chance de les administrer et de les représenter à l'Assemblée, habitent des personnes dont les revenus – en tout cas, les revenus visibles – sont toujours inférieurs à cette fraction insaisissable, parce qu'ils proviennent d'un travail à temps partiel ou de l'assistance – c'est-à-dire de la générosité nationale. Lorsqu'ils commettent une infraction, qu'il s'agisse d'une entorse au code de la route ou de l'une de ces nuisances qui perturbent la vie de leurs concitoyens, ils ne sont pas pénalisés, car on ne peut jamais recouvrer les amendes qui leur sont infligées. Et cela rend nos concitoyens fous, à juste titre !
Je vous demande d'entendre ce qu'ils disent, madame la ministre : eux se lèvent le matin pour bosser, et lorsque quelqu'un qui vit de l'assistance publique – c'est-à-dire de leurs contributions – , quelqu'un qui profite de la solidarité, leur pourrit la vie, ils ne peuvent que subir, en sachant très bien que cette personne ne paiera jamais la moindre amende – qu'il s'agisse d'une amende infligée par simple PV ou d'une amende prononcée par un tribunal.
J'ai déjà racont à mes collègues, hors micro, ce que j'ai vu dans le tribunal de mon ressort : une personne, ayant commis un délit routier, et exerçant un travail, est sanctionnée ; une autre personne, ayant commis un délit routier infiniment plus grave, n'est condamnée qu'à des peines virtuelles – prison avec sursis, amendes qui ne seront jamais recouvrées – en raison de la faiblesse de ses revenus.
Nous devrions faire en sorte que les auteurs d'infractions payent ce qu'ils doivent à la société, même si le montant de leurs revenus ne dépasse pas la quotité insaisissable. Cette dernière ne doit pas être le prétexte de leur impunité !
Avis défavorable également. Les amendes doivent être payées, c'est la moindre des choses, et le Trésor public peut procéder à leur recouvrement forcé. Toutefois – mais peut-être, monsieur le député, n'ai-je pas tout à fait compris votre raisonnement – , ce recouvrement forcé ne peut aboutir à la saisie de l'intégralité des revenus d'un salarié.
Je ne le crois pas. Laisser ces personnes sans aucun revenu, ce serait les empêcher de payer leur loyer, de faire vivre leur famille, ce qui serait excessif, disproportionné : je ne suis donc pas certaine que de telles dispositions n'encourraient pas la censure du Conseil constitutionnel.
J'ai, en commission des lois, soulevé la question de l'insolvabilité organisée. C'est un problème proche de celui qu'a évoqué M. Lagarde ; je l'avais abordé sous un angle un peu différent. Les gens qui organisent leur insolvabilité sont beaucoup plus nombreux qu'on ne pense ; ils le font selon des modalités diverses et variées : ici, il s'agit de la quotité saisissable.
C'est un vrai problème, qui agace – c'est le moins qu'on puisse dire – nos concitoyens : certaines personnes, qui devraient être sanctionnées, n'en ont rien à faire car elles savent pertinemment que rien ne peut leur arriver. Je trouve que cette attitude n'est pas citoyenne, qu'elle est méconnaît le principe d'égalité devant la loi, et qu'elle témoigne d'un état d'esprit contraire à la concorde publique.
Au-delà des mots, au-delà des approches, un vrai problème se pose : il nous faut, ce soir, le résoudre. C'est pourquoi notre groupe apportera tout son soutien à l'amendement.
Je soutiens totalement cet amendement. Je ne vous cacherai pas que je suis un peu estomaquée, madame la ministre, par votre réaction. Je vous rappelle qu'il s'agit là d'une peine. Si l'on vous écoutait, alors aucune peine ne serait applicable ! On ne mettrait pas les délinquants en prison parce que cela reviendrait à les priver de liberté – les pauvres ! C'est la même chose avec les peines d'amende : il faut les payer, dans tous les cas.
C'est une injustice totale que certaines personnes puissent cumuler les amendes sans jamais avoir à les payer. Je le répète : une amende, c'est une peine ! Il ne devrait donc pas y avoir de revenus insaisissables : personne ne doit échapper à l'application d'une peine. Croyez bien que si ces amendements étaient adoptés, il y aurait probablement beaucoup moins de contraventions et de délits : on y réfléchirait à deux fois avant de les commettre !
Nous ne pouvons pas, dans notre pays, accepter que certains doivent payer leurs amendes, tandis que les autres ne s'en acquitteront jamais. Cela contribue à nourrir le sentiment d'injustice, l'idée qu'il y a « deux poids, deux mesures » : cela fournit le carburant du mouvement de contestation qui a eu lieu à l'extérieur de cette assemblée.
Si vous avez envie de prendre la parole, demandez-la, plutôt que de faire ce genre de commentaires !
C'est inacceptable ! Ce monsieur ne cesse de prendre les gens à partie ! Faites donc respecter le règlement ! Ou alors, qu'il parle dans le micro !
Il est vrai que quand on lui donne la parole, il n'arrive pas à aligner deux phrases…
C'est lui qui me manque de respect ! Demandez-lui, à lui, d'être respectueux !
Calmez-vous, madame Le Pen. Songez à l'image que vous donnez de notre institution !
Exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
M. Lagarde m'a demandé la parole il y a déjà trente secondes pour un rappel au règlement. Nous devons respecter certaiens règles dans l'hémicycle.
Il faut qu'elles le soient par tout le monde !
Nous sommes réunis pour définir des normes : la moindre des choses est donc que les députés respectent, dans cette enceinte, celles qu'ils se sont eux-mêmes imposées.
Rappel au règlement
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.
L'article 58, alinéa 1 de notre règlement vise à la fois à assurer que le débat se déroule correctement, et que l'Assemblée se prononce de façon éclairée. Je tiens donc à préciser mon propos.
Vous avez dit, madame la garde des sceaux, que ma proposition était inéquitable. Mais ce qui est inéquitable, c'est la situation actuelle ! Qu'une partie des revenus soit insaisissable pour le recouvrement de prélèvements sociaux ou d'impôts, cela se comprend : il faut laisser de quoi vivre au débiteur. Mais si un tel principe s'applique en matière pénale, alors il devient impossible de sanctionner pénalement certains citoyens.
Je suis désolé de vous le dire, mais je le sais d'expérience : certains profitent de cette disposition, ils en abusent au point de pourrir la vie des gens. Il faut absolument s'attaquer au problème ; faites-le d'une manière ou d'une autre, même si ce n'est pas ce soir, même si ce n'est pas par l'adoption des amendements que j'ai signés : je m'en moque ! Faites en sorte que ces gens-là ne puissent plus rire au nez de ceux à qui ils pourrissent la vie…
... et aux frais de qui ils vivent. Je tenais à éclairer l'Assemblée sur ce point : je vous remercie de m'avoir donné la parole, monsieur le président.
Article 37
L'amendement no 1530 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 558 .
Cet amendement est semblable au précédent ; le principe en a été rejeté : je le regrette.
Je ne peux que le constater une fois de plus : à force d'user de toutes les ficelles, dont celle consistant à vouloir examiner un certain nombre d'amendements dans un délai déterminé, on finit par exciter tout le monde. Cela ne nous permet pas de travailler de façon suffisamment sereine, en dépit des engagements que nous avons tous pu prendre en ce sens. À un moment donné, l'esprit n'y est plus : personne ne s'en tient à ce qui a été convenu, et la situation devient insupportable. Beaucoup de nos concitoyens, notamment parmi les juristes, suivent nos débats : je vous assure qu'ils ne manqueront pas de s'interroger sur leur déroulement !
J'en reviens à l'amendement no 558 . Il faut vraiment que vous vous rendiez compte du quotidien de nos concitoyens qui, par centaines de milliers, sont importunés jusque dans leur cage d'escalier, et ont le sentiment que certaines personnes vivent au-dessus des lois.
Nous avons la possibilité de contraindre les auteurs de comportements incivils en les touchant au porte-monnaie. La technique vaut ce qu'elle vaut, mais si nous ne répondons pas à ces problèmes du quotidien, alors je peux vous dire que le fossé qui nous sépare de nos concitoyens n'a pas fini de s'agrandir.
On peut tout entendre, mes chers collègues, mais tout de même… J'ai tapé les mots « fraction insaisissable » dans un moteur de recherche sur internet ; permettez-moi de vous lire la page à laquelle j'aboutis : « La saisie ne peut en aucun cas ramener la part de la rémunération laissée au salarié à un montant inférieur au RSA. » Pour une personne seule, il s'agit de 545 euros par mois.
Exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Et vous dites qu'il faudrait pouvoir ôter encore un peu de ressources à une personne qui dispose de moins de 545 euros par mois ?
L'amendement no 558 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 42
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 28
Contre 14
L'article 37, amendé, est adopté.
Rappels au règlement
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.
Je souhaite faire un rappel au règlement sur le fondement de l'article 58, alinéa 1 du règlement, après quoi je demanderai une suspension de séance en application de l'alinéa 3 du même article. Notre groupe n'est pas coutumier de ce genre de chose, et je ne veux pas nous faire perdre du temps, mais je tiens à dire ici ma gêne, mon indignation, ma consternation, depuis que j'ai découvert, sur les réseaux sociaux, un tweet du ministre du budget dans lequel ce dernier explique que la majorité sénatoriale a décidé d'augmenter de 125 % la déduction fiscale dont bénéficient les élus locaux.
Pardonnez-moi d'évoquer cela devant vous, madame la garde des sceaux : cela ne vous concerne pas, et vous remplissez vos fonctions ministérielles bien plus dignement que M. Darmanin. Mais on revient là au mouvement #BalanceTonMaire, au lendemain même du congrès de l'association des maires.
Je souhaite, monsieur le président, que M. Darmanin vienne s'expliquer devant la représentation nationale : c'est l'objet de mon rappel au règlement. Il précise en effet, dans son tweet, qu'il demandera à l'Assemblée nationale de supprimer cette mesure.
Cela concerne 33 000 maires de villes de moins de 3 500 habitants, qui touchent moins de 1 500 euros par mois et à qui, vous les voyez dans vos circonscriptions, cela coûte de l'argent d'exercer leur mandat ! Et ce sont ceux-là qu'il désigne à la vindicte populaire, avec plus de 600 commentaires de tarés qui, ne sachant pas de quoi ils parlent, disent que les élus en question s'engraissent et que le Sénat a fait cela pour cette raison ! Je trouve cette façon de faire, quand on prétend défendre le progressisme contre le populisme, indigne d'un ministre de la République ! Cela concerne des dizaines de milliers d'adjoints dans des villes de 20 000 à 50 000 habitants, que vous connaissez, qui perdent de l'argent, qui perdent des heures de travail et qui, parfois, voient leur emploi menacé !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
C'est cela, un ministre du Gouvernement ? Je demande que ce ministre vienne s'expliquer ici, devant l'Assemblée nationale ! De quel droit nous met-il sous pression des réseaux sociaux pour expliquer que nous serions en train d'engraisser des maires qui n'ont pas de services, qui se mettent jour après jour au service de leur population, pendant que d'autres restent confortablement chez eux ?
Je trouve, madame la ministre, que vous exercez vos fonctions de façon digne mais je n'ai pas envie d'être sous la coupe d'un ministre du budget qui se comporte comme une petite frappe populiste !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je veux faire un rappel au règlement, mais pas sur M. Darmanin – j'aurais d'autres choses à dire sur M. Darmanin mais je les ai déjà dites tout à l'heure ; de plus, ce n'est pas tellement le sujet. Le tweet date d'il y a sept heures : dans ce monde de l'instantanéité, il est déjà périmé, à mon sens.
Je peux partager cependant l'analyse de notre collègue Lagarde.
Mon rappel au règlement porte sur les amendements que j'avais déposés entre les articles 37 et 38, visant à réviser l'échelle des peines pour la délinquance financière. Je le dis très sincèrement, alors que nous sommes en train d'examiner un texte sur la justice dont l'intitulé est extrêmement large, nous ne pouvons pas discuter d'un point qui me semble essentiel pour la notion de justice dans ce pays : le sentiment qu'il existe deux poids, deux mesures, avec une justice pour les puissants, pour les plus riches, et une justice pour les plus faibles.
Je souhaitais donc que l'on revoie les amendes à la hausse pour la délinquance financière, qu'on leur évite des peines de prison – je n'y suis pas favorable – mais qu'on leur inflige des peines de travail d'intérêt général. Vous comprenez pourquoi : cela les sensibiliserait et leur ferait un peu de bien, pour parler gentiment. Je proteste encore une fois : on m'a opposé l'article 45, en affirmant que ces amendements n'avaient pas de lien direct ou indirect avec le texte. Or ils présentent bien un lien au moins indirect avec le texte ! Je proteste donc par ce rappel au règlement parce que c'est le seul moyen que j'ai de le faire !
Je demande une suspension de séance parce que je souhaite que le ministre en question vienne s'expliquer.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Il y a eu 300 % d'augmentation sur les indemnités de ces élus : lorsqu'on essaye de rétablir de l'équité, on se fait lyncher médiatiquement par tous les réseaux des abrutis !
Je souhaite qu'il vienne s'expliquer devant la représentation nationale, et je vous demande une suspension de séance pour consulter mon groupe par téléphone.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante.
La séance est reprise.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour un rappel au règlement.
C'est le principe de la page de publicité : à force de la voir passer, on finit par acheter le produit.
Honnêtement, que faisons-nous, là ? Dans cet hémicycle, se trouvent des femmes et des hommes qui sont tous là depuis lundi. Nous avons tous travaillé ; jusque-là, nous avions débattu plutôt sereinement, même si nous n'étions pas d'accord. Or là, je ne sais pas quelle image nous sommes en train de donner aux Français. Vu de l'extérieur, cela doit être assez pitoyable !
Nous sommes en train de voter la réforme de la justice, la justice du XXIe siècle, qui, si j'en crois l'énoncé, a vocation à s'appliquer pour au moins les cent prochaines années – c'est peut-être un peu prétentieux mais c'est l'intitulé. Croyez-vous vraiment que nous pouvons continuer à débattre sereinement, intelligemment et dans l'intérêt collectif de cette manière ? Pour ma part, c'est non !
Nous allons poursuivre cette discussion, je l'espère de tout coeur, sereinement, intelligemment et dans l'intérêt collectif, ainsi que nous nous y sommes engagés. La séance se poursuit et nous sommes au travail pour examiner l'article 38.
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, inscrite sur l'article.
Pardonnez-moi, mes chers collègues de mobiliser votre attention à cette heure tardive sur le texte qui est soumis à notre discussion.
Je me demande si, la prochaine fois, je ne procéderai pas par la voie du rappel au règlement !
Cet article 38 est très important. Notre groupe a déposé trois amendements et, une fois n'est pas coutume, je voudrais appeler votre attention. À la lecture de ce texte, j'observe qu'en dehors des crimes, c'est l'ensemble de la justice pénale qui risque de passer progressivement sous le contrôle parfois exclusif du parquet,...
... alors que celui-ci ne présente pas exactement les mêmes garanties d'indépendance que les magistrats du siège.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Il est légitime de désengager les tribunaux correctionnels en proposant des réponses parfois plus adaptées qu'une peine classique à des infractions de moindre gravité. Nos procureurs font d'ailleurs un large usage des solutions alternatives puisqu'elles représentent déjà, hors composition pénale, 42 % des réponses pénales apportées aux affaires poursuivables.
Je veux insister sur trois caractéristiques de ces réponses alternatives. L'audience disparaît et, avec elle, la publicité de l'affaire, la connaissance de son existence par le public et donc le contrôle citoyen.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
L'intervention du juge n'est pas requise ou elle est réduite à une simple fonction de validation, cette fonction étant elle-même limitée aux cas les plus graves par le texte que nous discutons. Enfin, la victime est largement écartée de la procédure.
C'est pourquoi notre groupe a déposé trois amendements : le premier, pour subordonner la mise en oeuvre d'une alternative aux poursuites à la reconnaissance préalable de sa culpabilité par l'auteur des faits – c'est la moindre des choses mais ce n'est pas prévu pour toutes les alternatives – ; le deuxième, pour maintenir l'actuelle limitation du champ d'application de la composition pénale aux infractions punissables de peines inférieures ou égales à cinq ans ; le troisième, pour défendre la place de la victime et prévoir le chiffrage de son préjudice par le procureur.
Madame Vichnievsky, je vous redonne la parole pour soutenir l'amendement no 1267 .
C'est le premier des amendements que notre groupe a déposés. Il s'agit d'introduire, au premier alinéa de l'article 41-1 du code de procédure pénale, une disposition qui conditionne la mise en oeuvre d'une alternative aux poursuites à la reconnaissance de culpabilité par l'auteur des faits. Une disposition similaire est d'ailleurs prévue pour la composition pénale.
Je ne sais pas s'il s'agit d'un oubli du législateur pour les autres réponses alternatives. Il est vrai que cette reconnaissance de culpabilité peut se déduire d'une proposition de stage, de l'obligation faite à l'auteur des faits de réparer le dommage. Or, pour le rappel à la loi, l'auteur des faits peut se prévaloir ultérieurement de son innocence. Je ne veux pas faire référence nommément, car j'ai horreur de cela, à des affaires qui ont connu une certaine publicité ; je veux juste dire que le rappel à la loi se rapproche plus d'un simple avertissement, voire d'un classement sans suite, que d'une véritable alternative aux poursuites, dans ces conditions. Il importe donc de restituer à ces alternatives aux poursuites leur véritable nature de réponse pénale.
Je ne suis pas certain de partager votre analyse, madame Vichnievsky. Les alternatives aux poursuites ne sont pas des peines : elles ne sont pas inscrites au casier judiciaire et, surtout, elles ne sont jamais le fruit de transactions entre le parquet et l'auteur. C'est le principe de l'alternative aux poursuites. Elles sont très souvent utilisées pour les poursuites pénales, et les conditionner à la reconnaissance des faits serait, selon moi, priver les parquets d'autres possibilités, telles que le simple rappel à la loi, l'orientation vers une structure d'accueil, une demande de régularisation, une réparation du dommage ou encore un stage, que nous avons évoquées à plusieurs reprises.
Cet amendement ne me semblant pas adapté à la situation et privant le parquet du recours à d'autres dispositions, l'avis de la commission est donc défavorable.
Mes amendements sont un peu plus radicaux que ceux de Mme Vichnievsky mais je vous prie d'écouter ce qu'elle a pu dire dans cet hémicycle, qui sorti de sa bouche a l'air d'avoir un peu plus de pertinence que quand ça sort de la mienne !
Je m'associe à un certain nombre de remarques qu'elle a pu faire sur la place préoccupante que ce texte donne au procureur de la République. Ce n'est pas, en effet, le seul article qui prévoit de donner des prérogatives beaucoup plus larges au procureur de la République. C'est à se demander à quoi serviront demain le juge d'instruction, l'audience publique et la publicité des débats. Je le dis très solennellement et je m'associe à la plupart des critiques de notre collègue.
Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais, peut-être en raison de l'heure tardive, je ne comprends pas bien les arguments que vous m'opposez. La composition pénale est une alternative aux poursuites et il est bien prévu, pour cette alternative aux poursuites, une reconnaissance préalable de culpabilité par l'auteur des faits. C'est la moindre des choses d'ailleurs : je ne vois pas comment on peut faire un rappel à la loi si la loi n'a pas été violée !
Il est vrai que la Cour de cassation a dit qu'on ne pouvait déduire de ce rappel à la loi la culpabilité de l'auteur : c'est donc un classement sans suite ! Il faut que l'acte du procureur de la République retrouve sa véritable qualification : un rappel à la loi est en réalité un classement sans suite s'il n'y a pas eu reconnaissance préalable de culpabilité.
Il y a une quinzaine de mesures alternatives, telles que la réparation du dommage, le stage – je ne vais pas toutes les citer. On peut légitimement déduire de l'accomplissement de cette obligation faite à l'auteur des faits, la culpabilité de celui-ci. Il la reconnaît au moins implicitement. Ce n'est pas le cas dans le cadre du rappel à la loi. C'est pourquoi certains hommes, dans des affaires qui ont fait couler beaucoup d'encre, ont pu se prévaloir de leur innocence parce qu'ils avaient fait l'objet d'un rappel à la loi. Dans ces cas d'espèce, l'infraction avait bien eu lieu.
L'amendement no 1267 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 343 .
L'amendement no 343 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'application de la composition pénale pour les mineurs est très inégale sur le territoire, vous le savez très bien. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de ne pas la permettre pour les mineurs et de laisser le juge des enfants faire son travail. La composition pénale n'est pas conforme à l'esprit de l'ordonnance de 1945, au contraire du travail du juge des enfants, qui est là pour évaluer, individualiser et éventuellement sanctionner.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 1395 .
Cet amendement propose d'exclure les mineurs du champ de la composition pénale. Mon collègue a rappelé que son application était très inégale sur le territoire. Nous considérons qu'elle présente de nombreux aspects préjudiciables à l'intérêt des mineurs délinquants puisque qu'elle les prive de mesures spécifiques adaptées à leur personnalité couramment utilisées par les juges des enfants. J'y vois déjà un dévoiement de l'ordonnance de 1945. Étant donné que l'amendement définissant une future ordonnance a été voté, on pourrait exclure les mineurs de cette procédure pour le moment, en attendant l'élaboration de cette future ordonnance, dans le cadre duquel nous regarderons plus précisément si cette procédure est propre à traiter cette question, même si j'ai déjà un avis sur ce point.
La composition pénale permet une réponse rapide, de nature à éviter aux mineurs, dans un premier temps du moins, une poursuite pénale classique. À ce titre, elle me semble comporter beaucoup d'éléments favorables, raison pour laquelle la commission est opposée à cet amendement.
La composition pénale pour les mineurs est un outil de plus. Je rappelle qu'elle doit être homologuée par le juge des enfants : si elle ne convient pas, le juge ne l'homologue pas. Il me semble donc que nous avons toutes les garanties.
Quant à ce que vous considérez comme une inégalité d'application selon les territoires, je pense que ces différences sont moins une question de territoire que de personnalité des jeunes en cause : comme il y a une adaptation à cette personnalité, il peut y avoir des différences d'appréciation.
D'expérience, je ne suis pas certaine que la composition pénale, qui n'est quasiment pas utilisée pour les mineurs, soit une réponse aussi adaptée qu'on veut bien le dire, d'autant que le juge des enfants a à sa disposition une panoplie de mesures sans doute plus appropriées pour des mineurs.
Par cet amendement de repli, nous proposons de limiter le recours à la composition pénale.
Le Gouvernement a fait le choix de supprimer tout seuil pour le recours à la composition pénale, procédure alternative aux poursuites dans les mains d'un procureur et sous la seule homologation d'un juge du siège. Encore une fois, ce texte fait le choix d'une piètre justice pénale en généralisant une procédure initialement destinée à s'appliquer aux situations les moins graves. Cela traduit, pour notre groupe parlementaire, une justice inégalitaire, réduite à la seule volonté non de justice mais de productivité. Ainsi, le rapporteur rappelait combien c'était une réponse plus efficace, plus rapide – ce sont toujours les mêmes éléments de langage, les mêmes mots, qui peuvent paraître séduisants parce qu'ils sont faits pour cela mais qui, finalement, recouvrent des réalités un peu différentes.
Êtes-vous conscients que ces procédures seront rendues impossibles, et l'action publique éteinte pour des délits d'homicide involontaire aggravé, de violences conjugales graves, d'agression sexuelle sur mineur, de fraude fiscale en bande organisée, etc ? Il est d'ailleurs prévu que ces dispositions puissent être ouvertes aux personnes morales. Je ne sais pas quels sont les objectifs sous-jacents mais, sous de magnifiques prétextes, on peut arriver à des dérives inacceptables.
L'amendement no 224 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer la disposition de ce projet, qui étend la possibilité de recourir à la composition pénale. En l'état du droit, cette possibilité est réservée à la « personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans ». Cette limitation est saine et garantit une action publique et le saisissement de la justice dans les cas les plus graves.
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir l'amendement no 1247 .
Mon collègue vient de rappeler dans quelles conditions on peut avoir recours à la composition pénale. Le texte qui nous est soumis propose de l'étendre à tous les délits.
Pardonnez-moi, mais là je m'interroge. Trafic de stupéfiants en bande organisée, violences suivies de mutilations ou association de malfaiteurs : je peine à imaginer quels délits punis d'une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement pourraient être concrètement visés par le projet de loi. Aucune indication ni précision sur ce point n'a jusqu'à présent été donnée à la représentation nationale.
Je rappelle que, dans le cadre de la composition pénale, le procureur ne peut proposer qu'une peine d'amende ou les mesures personnalisées que j'ai évoquées tout à l'heure – stage, réparation du dommage, etc.
Mes chers collègues, il est tard et j'aurais aimé défendre cet amendement dans d'autres conditions, mais si tous les délits, même les plus graves, sont passibles de la composition pénale, il n'y a plus de hiérarchie des infractions et le juge est encore un peu plus « cornerisé » par le parquet.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 1356 .
C'est un avis défavorable également. Je voudrais dire trois choses, très brièvement. Premièrement, il s'agit d'un outil de plus dans une palette d'outils et il me semble important, quand on rend la justice, d'avoir plusieurs types de réponse à sa disposition. Deuxièmement, nous étendons effectivement le champ d'application de cette disposition, par exemple aux vols en réunion accompagnés de dégradation. Punis de sept ans d'emprisonnement, ils pourront donc faire l'objet d'une composition pénale.
Je voudrais enfin répondre à ce qui me semble une remise en cause des procureurs, trop fréquente pour que je reste sans réagir. Les procureurs font partie de la magistrature. Ils sont les premiers garants des libertés individuelles dans l'ordre chronologique du traitement des affaires. Je rappelle ici qu'ils bénéficient de garanties statutaires, que nous souhaitons encore renforcer, vous le savez très bien. Enfin, si je peux leur adresser des instructions générales, je ne peux en aucun cas leur adresser des instructions individuelles, et l'opportunité des poursuites leur appartient. Il faut donc cesser de voir un policier derrière chaque procureur : le procureur est un magistrat, cela étant dit sans aucun mépris pour les policiers mais ce sont deux missions différentes. Le procureur dirige d'ailleurs la police judiciaire. Je voudrais vraiment rétablir les choses telles qu'elles sont : nous parlons ici de magistrats.
Au début de ce débat, madame la ministre, je vous ai dit que votre politique me semblait bien plus laxiste encore que celle de Mme Taubira et je vous le répète ce soir, à une heure avancée de la nuit. Les décisions que vous prenez et les propositions que vous faites sont catastrophiques. Nous sommes obligés de constater que l'élargissement de la composition pénale à l'ensemble des délits, y compris à des faits extrêmement graves, entraînera un effondrement de la peine.
Vous dites que les procureurs sont des magistrats. Oui, merci, mais ils ne sont pas indépendants – ce n'est pas de votre fait, c'est ainsi. Vous dites que vous pouvez leur donner des instructions : c'est bien ce que nous craignons !
Des instructions générales !
Nous craignons que, demain, vous ou l'un, l'une de vos successeurs – vous savez que l'on ne reste jamais très longtemps à ce poste – ne décide de donner une instruction générale – non pas particulière – de procéder de manière systématique à la mise en oeuvre de la composition pénale pour l'ensemble des délits. C'est exactement ce que votre texte autorise. Eh bien, ce sera la fin de la justice dans notre pays !
Alors, oui, des inquiétudes extrêmement vives se font jour ce soir quant à la philosophie de ce texte. Ceux qui nous écoutent ou qui nous écouteront demain, peut-être sur les réseaux sociaux, s'apercevront qu'une telle mesure entraînant l'effondrement total de toute répression des délits, y compris les plus graves, n'avait jamais été prise dans l'histoire récente de la justice.
Je répéterai quelques évidences.
Oui, les procureurs de la République sont des magistrats ; non, ce ne sont pas des juges. Ils ne rendent pas la justice ; ils requièrent, ce qui n'est pas la même chose. Or les prérogatives que vous leur confiez empiètent sur l'office du juge. C'est cela, le fond de la composition pénale.
Celle-ci peut certes s'entendre pour de petits délits punis par des stages ou des amendes, mais au-delà, cela commence à devenir suspect. Je ne pense pas que le vol organisé ou un autre exemple que vous avez donné tout à l'heure soient en cause. Ce qui l'est, c'est l'extension aux personnes morales. Quelques entreprises qui pourraient avoir des liens divers et variés bénéficieraient de la composition pénale – au nom de la préservation de l'emploi, par exemple – et une certaine délinquance en col blanc profiterait dès lors d'un certain laxisme. C'est en tout cas ce que je crains.
Si seul le procureur peut prononcer des peines de stage ou alternatives à l'incarcération pour de petits délits, un autre problème se pose : le dispositif actuel d'échelle des peines ne permet pas au juge de le faire en toute connaissance de cause et dans le cadre de la publicité de l'audience et des débats, ce qui ne manque pas d'interpeller.
Oui, le procureur de la République a beaucoup trop de pouvoir dans votre texte et il n'est pas indépendant aujourd'hui. Quand bien même nous souhaiterions qu'il le devienne, son rôle n'est pas celui d'un juge, même si c'est un magistrat. Je veux bien que l'on joue avec les mots et que l'on associe le juge et le procureur sous une même étiquette, mais ce n'est pas la même chose ! Je connais le procureur de la République de mon secteur. Il est fort sympathique, nous échangeons ensemble, je n'ai pas de problème avec lui, et ce n'est pas la question.
Ce ne sont pas les personnes que je mets en cause mais l'organisation judiciaire vers laquelle on tend.
Dans notre esprit, madame la ministre, il n'était bien évidemment pas question de mettre en cause le travail des magistrats du parquet. Nous savons ce qu'ils font dans les territoires. Les substituts, les procureurs ne sont pas assez nombreux dans les tribunaux et on va leur donner un surcroît de travail ! Comment feront-ils ?
Sincèrement, les organisations professionnelles, dans lesquelles se trouvent des magistrats du siège comme du parquet – je ne les citerai pas, on les connaît, il y en a deux voire trois très importantes – sont-elles demandeuses ? Je ne le crois pas.
Nous demandons, quant à nous, le statu quo en matière de composition pénale. Le texte était relativement équilibré ; pourquoi procéder à une telle extension ? Je me pose des questions.
Il convient plutôt de conforter le travail des juges et des tribunaux
M. Ugo Bernalicis applaudit
Parmi les libertés publiques, l'indépendance de la justice est le garant de notre démocratie. Je fais confiance tant aux magistrats du parquet qu'à ceux du siège mais chacun joue son rôle ! Les premiers engagent des poursuites au titre de l'action publique, contrôlent la police ; ils font un travail très difficile. Vous savez très bien, madame la ministre, que des magistrats du parquet sont parfois nommés juges, et inversement.
Il y a unité de corps.
Nous le savons très bien.
Soyons raisonnables ! Notre amendement ne vise pas à remettre en cause les magistrats du parquet mais à signifier que nous souhaitons le statu quo.
J'ai le plus grand respect pour le parquet, pour les fonctions de procureur, que j'ai moi-même exercées. Il n'était pas question une seconde, évidemment, de mettre en cause le travail du procureur de la République. Au contraire, je souhaite qu'il continue à exercer ses prérogatives, c'est-à-dire l'engagement de poursuites et le déclenchement de l'action publique. Dans notre ordonnancement judiciaire classique, c'est au juge qu'il revient de juger.
J'ai simplement appelé l'attention de mes collègues sur ce glissement que nous observons depuis longtemps, tout à fait légitime et dont il est largement fait usage. Je l'ai dit tout à l'heure, 42 % des réponses pénales, sur les affaires poursuivables, sont déjà des alternatives aux poursuites. Notre préoccupation, c'est de les réserver aux cas qui conviennent, soit aux infractions déjà graves puisqu'elles peuvent être punies d'une peine d'emprisonnement de cinq ans. Aller au-delà, madame la ministre, non, ce n'est pas raisonnable et cela détruirait profondément notre procédure classique de jugement des délits correctionnels.
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir l'amendement no 1246 .
C'est le dernier amendement que le groupe MODEM et apparentés a déposé sur ce texte.
La composition pénale prévoit que l'auteur des faits répare le dommage qu'il a causé à la victime et, encore une fois, c'est bien la moindre des choses. Néanmoins, je ne vois pas bien comment il peut le réparer s'il n'a pas été chiffré.
Le présent amendement vise donc à prévoir que le procureur fixe le montant des dommages subis par la victime lorsqu'il y en a une.
Je l'ai dit tout à l'heure, la victime est largement écartée de toutes ces alternatives aux poursuites, et c'est là une préoccupation pour notre groupe. Nous voulons lui redonner sa place. Je rappelle qu'il n'y a pas d'audience, …
… pas de publicité du jugement – le public n'a donc pas connaissance de l'affaire – , pas de place pour la victime.
C'est bien la moindre des choses que de prévoir l'obligation, pour le procureur, de chiffrer ces dommages. Si l'on nous réplique que le procureur n'est pas un expert en assurances, je rappelle qu'en l'état actuel de notre droit, il appartient au juge de chiffrer les dommages et que l'on reprocherait aux experts de le faire à la place des juges.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Effectivement, chère collègue, le procureur ne doit pas être un expert en assurances. Nous lui confierions une charge extrêmement lourde.
Par ailleurs, je ne suis absolument pas persuadé du caractère législatif de cette mesure, qui ne crée pas de sanction et qui n'atteint pas au droit individuel. Il s'agit vraiment d'une mesure réglementaire. Je vous prie donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, avis défavorable.
Demande de retrait ou avis défavorable également.
Il me semble que cet amendement se heurte à des difficultés pratiques. Il n'est pas toujours possible de chiffrer le préjudice dès le stade de la proposition de composition pénale. C'est pourquoi votre proposition, madame la députée, me semble difficilement applicable.
Un procureur peut donc indiquer, à la suite de faits de dégradation, par exemple de la façade d'un immeuble, que l'auteur devra rembourser à la victime la facture de l'entreprise de nettoyage. La composition pénale peut très bien l'inclure. En tout état de cause, le délégué du procureur vérifiera si la victime a été effectivement et complètement indemnisée.
Je ne peux pas laisser dire que l'on ne se soucie pas, ici, de la victime, puisque tout ce que nous élaborons vise précisément à donner satisfaction plus rapidement à la victime.
Je n'ai pas bien compris mais, encore une fois, je dois être fatiguée !
Selon M. le rapporteur, une telle mesure relève du règlement – auquel cas, je me dis pourquoi pas ? – et Mme la ministre juge plutôt qu'elle n'est pas faisable. Je ne comprends pas comment il est possible d'enjoindre l'auteur des faits à réparer un dommage si ce dernier n'est pas évalué à un moment ou à un autre. Autrement, comment sera-t-il possible de savoir si cette composition pénale a été exécutée ? Je ne vois pas à quel moment l'action publique pourrait être engagée à défaut de cette exécution.
Nous devons être tous fatigués parce que moi non plus, je n'ai pas compris, madame la ministre.
Votre réponse serait justifiée si la composition pénale était limitée, par exemple, aux atteintes aux biens. Or vous avez choisi de l'élargir à l'intégralité des délits, donc, éventuellement, à des atteintes aux personnes. Jusque-là, nous suivons. Cela peut donc concerner des blessures, des violences, un préjudice physique ou psychologique. À un moment donné, il faudra bien évaluer ce préjudice.
Vous pouvez toujours me dire que, dans ce cas-là, le procureur considérera que la situation est compliquée et n'appliquera pas la composition pénale. Or ce n'est pas possible. Dès lors qu'un texte est voté, je suis désolée de vous le dire, il doit être applicable en toutes circonstances. Il n'est pas possible de dire qu'il est applicable mais que le procureur, sûrement, décidera de faire autre chose : il faut qu'il soit applicable tout le temps, partout, en toutes circonstances.
À la suite de Mme Vichnievski, je pose une question simple : en cas de préjudice physique, qui peut être long et lourd, en cas de préjudice psychologique, de traumatisme, comment la réparation qui fera l'objet de la composition pénale sera-t-elle évaluée ?
L'amendement no 1246 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 1354 .
Il vise à supprimer l'alinéa 9 prévoyant d'introduire une dérogation à l'obligation de demander la validation du président du tribunal. Aucun magistrat du siège ne contrôlerait donc plus l'accord conclu entre le parquet et l'auteur des faits.
Nous sommes opposés à cette procédure dérogatoire, car elle nous semble porter atteinte à l'exigence d'un procès équitable. La phase d'homologation ne doit pas être minimisée. Elle permet de vérifier les faits et leur qualification juridique. L'exécution de la composition pénale permet une inscription au casier judiciaire et une extinction de l'action publique à la discrétion du seul parquet et sans l'intervention d'un magistrat du siège.
Nous vous invitons à voter cet amendement, afin de maintenir le contrôle, par un magistrat du siège, de l'accord conclu entre le parquet et l'auteur des faits.
L'amendement no 1354 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 1487 .
L'amendement no 1487 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 1486 .
L'amendement no 1486 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 1353 .
Avec cet amendement, nous demandons de préciser que le président du tribunal doit, lorsque la personne est mineure, nommer un juge des enfants. C'est une préconisation du barreau de Paris.
Depuis tout à l'heure, vous répétez, de manière presque incantatoire, que « ce sera le cas ». Or nous proposons ici de le préciser dans la loi, car cela semble important, et vous donnez un avis défavorable. J'aimerais donc avoir une explication.
Est-ce le fait que nous en sommes à la dernière séance de débats ? Alors que nous abordons des aspects pénaux, qui touchent aux personnes, aux libertés individuelles et fondamentales, vous cherchez à gagner du temps et ne nous donnez plus de réponse. Ces sujets sont extrêmement importants, mais nous sommes pris en tenaille. Il reste 570 amendements, dont beaucoup touchent aux libertés individuelles et à des questions fondamentales, mais il faut aller vite !
Au fond, la manière dont nous débattons est à l'image du texte que vous défendez, et même de la composition pénale. L'objectif de celle-ci, ce n'est pas tant d'encourager le laxisme que de gagner du temps, en faisant en sorte qu'il n'y ait ni audience publique, ni publicité des débats, ni juge, parce que tout cela, c'est long, c'est laborieux et demande des moyens. Et, éventuellement, vous cherchez aussi à faire rentrer un peu d'argent.
Voilà à quoi nous sommes réduits ! Il n'y a même plus d'idée de la justice. On passe notre temps à essayer d'en gagner, et ça, ce n'est pas bon.
Je souhaite d'abord m'exprimer sur les deux derniers amendements, qui visent à fixer l'homologation de la composition pénale par le juge des enfants. Sur les compositions pénales qui sont applicables aux mineurs, l'article 41-2 du code de procédure pénale, relatif à la composition pénale, renvoie expressément à l'article 7-2 de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante. Cet article, qui fixe le régime des compositions pénales applicables aux mineurs, prévoit déjà en son alinéa 4 que seul un juge des enfants peut valider une telle mesure.
Il me semble donc que les amendements que vous proposez constitueraient une simple redite, dans le code de procédure pénale, de dispositions qui sont applicables aux mineurs. C'est la raison pour laquelle j'ai émis un avis défavorable sur ces amendements.
J'aimerais maintenant répondre à Mme Le Pen, ainsi qu'à l'interpellation de Mme Vichnievsky. S'agissant de la fixation des dommages des victimes, je vous répète qu'il s'agit d'un outil supplémentaire. Nous ne disons pas qu'il y aura composition pénale à chaque fois que nous serons face à une infraction délictuelle. Nous donnons aux procureurs un outil supplémentaire et je pense qu'ils seront assez perspicaces pour appliquer ces compositions pénales aux situations pour lesquelles elles seront adaptées. Ce seront la plupart du temps, je le suppose, des infractions liées à des biens.
S'il s'agit d'atteintes aux personnes, des dispositions s'appliqueront – une expertise, par exemple – qui permettront d'évaluer le préjudice, et le procureur, au moment de la fixation définitive, reprendra ces éléments. Je ne vois donc pas où est la difficulté. Je le répète une dernière fois devant vous : il s'agit d'un outil supplémentaire et il est très peu probable qu'il s'applique dans les cas d'atteinte aux personnes.
Par cet amendement de repli, nous proposons de limiter la possibilité du recours à la composition pénale aux personnes physiques, et non de l'ouvrir aux personnes morales, comme le Gouvernement l'envisage. Cette disposition, qui n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact sérieuse, pourrait mécaniquement donner lieu à de nombreuses dérives.
Le Gouvernement agit idéologiquement en voulant étendre aux personnes morales un dispositif qui permet de traiter certaines affaires sans les rendre publiques. Je songe notamment à des affaires de délinquance financière touchant, par exemple, des multinationales ou des grosses entreprises, puisqu'il n'y a plus de limites. Ces affaires sont pourtant révélées dans les journaux et tous les citoyens et toutes les citoyennes ont pleinement conscience du caractère destructeur pour notre pays de la fraude fiscale, de l'évasion fiscale et du blanchiment.
Au fond, cette disposition s'inscrit dans la même logique que la convention judiciaire d'intérêt public et même que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, puisqu'il s'agit à chaque fois de se passer d'un procès en bonne et due forme.
La composition pénale, vous le savez, cher collègue, ne permet pas l'incarcération. Cela tombe bien, car pour les sociétés ou les personnes morales, on ne peut pas procéder à une incarcération. En revanche, le maximum de la peine peut être quintuplé, ce qui me semble être une réponse adaptée. Comme Mme la ministre l'a rappelé à plusieurs reprises, c'est un choix parmi d'autres. Il me semble que les intérêts de la société ne sauraient être lésés par l'utilisation à bon escient, de la part des parquets, de cette composition pénale à l'égard des personnes morales.
Avis défavorable. La composition pénale ne vise évidemment pas à affaiblir la répression de la grande délinquance financière. C'est une réponse qui nous semble adaptée pour des délits d'une gravité modérée.
Dans le prolongement des observations de M. le rapporteur et de Mme la garde des sceaux, je veux dire que la composition pénale est effectivement un outil supplémentaire et qu'il appartiendra au procureur de la République de choisir le bon outil, en fonction des faits qu'il aura à traiter. Je peux vous assurer, en me fondant sur mon expérience personnelle et sur des discussions que j'ai pu avoir avec d'autres praticiens, que je n'ai jamais vu de composition pénale pour des cas d'atteintes aux personnes, pour des faits graves ou des affaires dans lesquelles les victimes demandent des indemnisations et des expertises préalables.
Il faut raison garder et étendre l'utilisation de cet outil aux personnes morales, notamment quand il n'y a pas d'atteinte aux personnes, mais aux biens, avec des sommes à recouvrer. Nous donnons un outil supplémentaire aux procureurs, qui vont l'utiliser à bon escient, parce qu'ils sont les garants d'une politique pénale sur un territoire et les garants d'un ordre public établi.
Il faut arrêter les fantasmes sur ce que pourrait faire un procureur de la République en catimini, caché de tous, avec ce nouvel outil.
Monsieur le rapporteur, il n'y a pas que l'incarcération dans la vie ! Ce n'est pas la seule peine qui vaille. Quand vous me dites qu'il n'y aura pas d'incarcération avec la composition pénale, j'ai envie de vous répondre que c'est tant mieux. Ce n'est pas le sujet. En tout cas, ce n'est pas mon sujet : vous devriez l'avoir compris, après toutes les interventions que j'ai faites sur le sujet.
Vous me dites que l'amende sera quintuplée. Je devrais donc être content, puisqu'il y a de l'argent qui rentre. Mais il n'y a pas non plus que l'argent dans la vie ! Pour le coup, il aurait fallu me laisser défendre mes amendements sur la délinquance financière, qui visaient à augmenter le montant des amendes, et il aurait fallu les voter, mais ça n'a pas été le cas.
Ce qui pose problème pour les personnes morales, c'est bien la publicité. Le problème, mon cher collègue Mazars, ce n'est pas que les procureurs agissent en catimini. Le problème, c'est que la composition pénale est conçue comme cela : elle n'est pas publique. Ce n'est pas moi qui l'ai décidé ; ce n'est pas le procureur qui la mettra en oeuvre qui le décidera. C'est ainsi. Et ne me dites pas que cette procédure n'est pas utilisée actuellement dans un certain nombre de cas de figure ! Des négociations ont lieu avec l'entreprise, une amende est payée, l'argent rentre et tout le monde est content : cela va plus vite, on s'exonère d'un procès qui pourrait être long et, en même temps, l'entreprise échappe au fameux « name and shame », qui pourrait nuire à sa réputation.
Je défends une autre idée de la justice. Souffrez-le ! Je pense qu'elle doit être rendue publiquement, parce que c'est la norme. On en a décidé ainsi au moment de la Révolution française, parce que la justice, auparavant, était un peu trop camouflée aux yeux du grand nombre, ce qui conduisait à des dérives.
L'amendement no 571 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 341 .
L'amendement no 341 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité de la procédure pénale française.
Ce mode de jugement des délits constitue un maillon supplémentaire dans le dispositif visant à octroyer davantage de prérogatives au représentant du parquet au détriment du juge du siège, selon la même logique que la composition pénale et que la convention judiciaire d'intérêt public. Cette procédure d'alternative aux poursuites répond à un objectif clair : faire face à l'engorgement des juridictions correctionnelles, sans ménager les justiciables, tant prévenus que victimes. Cette disposition a été inventée dans une logique de gestion de flux, et pas au nom d'une idée de la justice. Son but n'est pas de rendre mieux la justice, mais de la rendre plus vite, plus vite, plus vite.
Mais la conséquence de cette mesure est d'avoir fait émerger un pouvoir quasi-juridictionnel au profit du parquet et dans un cadre de privatisation du procès pénal. En effet, la CRPC a pour objectif de gagner du temps dans le traitement des délits, en reléguant notamment au second plan la recherche de la vérité pour privilégier une logique de négociation.
Nous considérons que cette procédure, qui tend à se généraliser et à se banaliser, est profondément inégalitaire et injuste dans son application, car elle occulte une partie des droits de la défense en ce que le justiciable renonce au droit de la preuve et au droit au silence en admettant sa culpabilité. Le paroxysme de cette justice dégradée, c'est la pratique des CRPC déferrement dans le cadre desquelles, comme l'a montré le syndicat de la magistrature, les justiciables ne sont pas en mesure de donner un consentement éclairé, ce qui débouche souvent sur des peines d'emprisonnement ferme.
Enfin, il est important de noter qu'à ce jour, aucun bilan qualitatif effectué par les services du ministère de la justice n'est disponible. La doctrine universitaire n'a porté que sur les premières années d'application de la procédure. Dès lors, sur la mise en oeuvre concrète de la CRPC, il n'existe aucun état des lieux exhaustif et récent, alors qu'il apparaît que, sur le terrain, des pratiques très divergentes coexistent, y compris dans des juridictions de taille similaire.
Nous regrettons qu'aucune réflexion ne porte sur une possible révision de la CRPC et de la comparution immédiate, en vue d'instaurer une procédure exceptionnelle d'orientation pénale où l'audience sur déferrement serait limitée à la « mise en état » et à d'éventuelles mesures de sûreté.
Même avis, en rappelant, car je ne peux laisser dire des choses qui ne me semblent pas tout à fait justes, que les CRPC sont toujours homologuées par un juge, qui reste libre de sa décision.
Si je comprends bien Mme la ministre, tous les délits peuvent faire l'objet d'une composition pénale mais elle espère que les procureurs ne l'appliqueront pas à certains délits pour lesquels elle vient de l'autoriser, ce qui pose un léger problème de logique, vous en conviendrez.
La ministre a ensuite ajouté qu'en cas de composition pénale appliquée à un délit ayant occasionné des coups et blessures et un préjudice physique, une expertise pourrait être ordonnée. Or l'expertise peut donner lieu à toute une série de recours, car la victime peut ne pas être d'accord avec les conclusions et l'évaluation de l'expert. Que se passe-t-il alors ? Le parquet sera-t-il également le juge d'appel de l'expertise contestée par la victime ? La victime aura-t-elle droit à un avocat ?
Nous avons le sentiment que vous avez élargi la procédure de la composition pénale sans en mesurer les conséquences qui pourraient être très inquiétantes pour la bonne administration de la justice et la réparation du préjudice.
Le principe de l'homologation me fait penser au rôle du juge des libertés et de la détention qui doit homologuer des mesures prises par le procureur de la République.
Dans un monde pur et parfait – et encore – où le juge chargé d'homologuer aurait tous les moyens et le temps nécessaires pour se consacrer pleinement à sa mission de revoir la décision du procureur, d'en vérifier l'équilibre, je pourrais faire le pari de cette mesure qui pourrait permettre de gagner du temps. Mais il faut voir comment cela se passe, dans les juridictions ! Le procureur en charge de la juridiction et le président du tribunal ont de magnifiques tableaux de bord qui détaillent le nombre de mesures à prendre, de comparutions immédiates, de compositions pénales, le temps consacré, le nombre de greffiers et j'en passe. Aujourd'hui, la logique comptable et budgétaire commande l'orientation pénale. C'est la réalité.
Le juge, dans la plupart des cas, ne s'embêtera pas à ne pas homologuer. Il homologuera, bien évidemment, car lui non plus n'a pas que cela à faire. C'est tout le problème, car il devrait, justement, n'avoir à faire que cela. C'est ainsi que la justice se trouve dévoyée.
J'en reviens à l'explication de fond, qui est politique. Alors que l'on débat d'un projet de loi censé augmenter le budget de 5 % par an, tout est absorbé par la construction de places de prison ou l'installation de nouveaux logiciels pour le ministère – ils auraient dû l'être depuis très longtemps, d'ailleurs.
Que reste-t-il à la fin ? De la gestion de flux, bien éloignée de toute idée de justice.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 34
Nombre de suffrages exprimés 31
Majorité absolue 16
Pour l'adoption 6
Contre 25
L'amendement no 573 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 1355 .
L'amendement no 1355 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 38, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 1394 .
L'amendement no 1394 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 1485 .
L'amendement no 1485 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet article est le premier d'une série qui engage la justice sur une pente dénuée de l'idée même de justice, une justice de la vitesse, de l'efficience, de l'efficacité, de la bonne administration.
Qu'avons-nous retenu de ceux qui nous ont précédés, ici ou ailleurs, puisqu'en 1789, l'Assemblée ne se réunissait pas dans ce lieu ? Des principes ont été érigés, des idées ont émergé. Elles ont été incarnées dans des services publics, en particulier celui de la justice, dans un esprit régalien, dominé par la balance, symbole de cette justice. Et nous en sommes aujourd'hui réduits à discuter de la gestion de flux. Il y avait un monde avant la composition pénale, avant la CRPC, avant la comparution immédiate.
Je n'ai pas l'impression qu'il allait plus mal avant. Peut-être même avions-nous une plus grande idée du service public de la justice. Je vous demande de retrouver cette flamme, de renouer avec une conception de la justice qui fasse vibrer le pays, pour que nos concitoyens aient l'espoir que cette réforme renforce l'idée même de justice, qu'ils n'aient plus le sentiment du deux poids, deux mesures. Ce n'est pas le cas, c'est pourquoi je vous appelle à voter contre cet article.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 34
Nombre de suffrages exprimés 34
Majorité absolue 18
Pour l'adoption 25
Contre 9
L'article 38, amendé, est adopté.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 532 , portant article additionnel.
La médiation, en matière de violences conjugales, est un véritable échec. En mettant en contact la victime et l'auteur des faits, elle ne crée pas un espace propice à la prise de parole des femmes.
Selon Simon Lapierre et Isabelle Côté, professeurs au Québec, dans un article paru sur le HuffPost, « Pour les femmes qui vivent dans un contexte de violence conjugale, la rupture est une période où il y a un risque accru de violence sévère et d'homicides. Durant cette période, les agresseurs peuvent continuer d'avoir recours au harcèlement et aux menaces pour maintenir leur contrôle et leur pouvoir sur leur ex-conjointe. De plus, les femmes qui ont vécu dans un climat de peur et de terreur pendant plusieurs années peuvent avoir compris qu'il est préférable d'éviter de contredire ou de contrarier leur conjoint, qu'il faut acquiescer à toutes ses demandes.
« De toute évidence, la médiation familiale ne peut pas être un espace sécuritaire pour ces femmes, qui se retrouvent dans une position où elles ne peuvent exprimer librement leur point de vue. En effet, les inégalités de pouvoir et la domination que ces hommes exercent sur leur conjointe rendent impossibles la notion de consentement libre, la communication ouverte, la transparence, etc.
« Plusieurs médiateurs se disent conscients de cette problématique et affirment prendre les précautions nécessaires pour ne pas mettre les femmes en danger, mais cela n'est malheureusement pas suffisant pour nous rassurer... »
Les violences faites aux femmes ont fait l'objet de débats assez nourris au cours de la première partie du projet, relative au volet civil, dans le cadre des procédures de divorce comme des ordonnances de protection. Je me rallierai à l'avis de mon excellente collègue Laetitia Avia, et je m'en tiendrai à la position de la commission, qui ne souhaite pas retirer d'outils d'intervention au monde judiciaire dans ce domaine, en maintenant la médiation dans le domaine pénal. Avis défavorable.
Certaines médiations, peut-être dans le cadre de la justice restaurative, pourraient être beaucoup plus pertinentes. Il faudrait y réfléchir, nous inspirer des exemples étrangers. Ces chercheurs québécois ont approfondi le sujet et sans doute sont-ils plus en avance que nous dans ce domaine. Des dispositifs plus intéressants pourraient très certainement être mis en oeuvre.
L'amendement no 532 n'est pas adopté.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 234 , portant article additionnel.
Par cet amendement d'appel, nous souhaitons expérimenter une nouvelle garantie : au-delà de cinq années de procédure entre l'ouverture d'une information judiciaire et le jugement de la juridiction pénale, la responsabilité de l'État serait automatiquement engagée pour délai non raisonnable de jugement.
Je citerai l'exemple du naufrage judiciaire de l'affaire dite de Tarnac, qui a duré plus de dix ans, pour aboutir à des condamnations minimes. Alors que le juge d'instruction a été cosaisi en novembre 2008, ce n'est qu'en août 2015 que la cinquième juge d'instruction ayant repris ce dossier a pris une ordonnance de renvoi au tribunal correctionnel, qui a finalement rendu son jugement en avril 2018. Ces dix années de procédures ne peuvent être considérées comme un délai raisonnable, puisque les justiciables pâtissent du manque de moyens humains et financiers de la justice.
Si vous me rétorquez qu'il faudrait laisser du temps ou que la responsabilité de l'État s'en trouverait engagée – ce qui est l'objet de l'amendement – , il convient de tout mettre en oeuvre pour dégager les moyens nécessaires.
Vous n'avez que les mots de célérité, d'efficacité, d'efficience à la bouche, mais lorsque je vous propose de réduire les délais de dix à cinq ans, vous ne réagissez pas. Dont acte.
L'amendement no 234 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l'amendement no 1289 .
Cet amendement tend à lutter contre la surpopulation carcérale en invitant les magistrats à envisager des pistes d'accompagnement éducatifs et coercitifs en milieu ouvert pour éviter la mise en détention provisoire.
Cette mesure permettrait de favoriser une alternative à la détention provisoire assortie d'un accompagnement socioéducatif, véritable outil d'aide à la décision du magistrat.
J'invite ma collègue à retirer cet amendement, satisfait par la rédaction de l'article 137 du code de procédure pénale qui dispose qu'« à titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas d'atteindre ces objectifs, [la personne] mise en examen peut être placée en détention provisoire ».
L'amendement no 1289 est retiré.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour soutenir l'amendement no 750 .
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 5 de l'article 39, qui paraît pour le moins surprenant : toujours dans la même logique – rendre la justice de manière plus rapide et plus efficace – , il permet au procureur devant lequel est déférée une personne ayant reçu plusieurs convocations, même de natures différentes – on prévoit tout le panel des convocations possible en matière pénale – , de procéder à l'examen de l'ensemble de ces affaires en une seule fois.
Dans le cadre de la comparution immédiate, ce serait une atteinte assez extraordinaire aux droits de la défense. Si la personne est citée dans deux, trois ou quatre affaires dont une affaire sur ordonnance de renvoi d'un juge d'instruction, qui sera en mesure d'assurer décemment et immédiatement sa défense ?
En dehors du cadre de la comparution immédiate, si le procureur décide de convoquer la personne en respectant le délai de dix jours, cela ne donnera pas une très bonne image de la justice. Nous entendons régulièrement, dans les médias, bon nombre de nos concitoyens s'indigner des condamnations extrêmement laxistes prononcées à l'encontre de telle ou telle personne par une juridiction. Cela pose d'ailleurs le problème de la motivation des jugements : si les raisons de la condamnation y étaient expliquées, ils seraient peut-être beaucoup plus lisibles et pédagogiques ! En l'occurrence, nous nous exposons à voir une personne condamnée cinq fois le même jour, pour les mêmes faits ou pour des faits différents, et systématiquement avec une peine de sursis puisqu'elle ne sera jamais en situation de récidive.
Respectez à tout le moins les choix faits par le parquet au moment où il engage les poursuites. S'il propose une CRP, alors le prévenu doit comparaître en CRPC. S'il le renvoie devant le tribunal correctionnel, alors il doit comparaître devant le tribunal correctionnel.
L'alinéa 5 est peut-être une mesure de bonne administration de la justice en termes de gestion des flux, mais elle est mauvaise en termes d'image.
Défavorable. Rappelons que l'alinéa 5 est issu d'un amendement du Gouvernement qui avait été très bien accueilli par le Sénat.
Si la position du Sénat était la seule qu'il fallait retenir, nous ne serions pas en train d'examiner ce texte ici ce soir.
Nous pouvons avoir des divergences de vues. Le fait que cette disposition ait été bien accueillie par le Sénat n'est pas un argument de nature à justifier votre position.
L'amendement no 750 n'est pas adopté.
Nous demandons simplement que le regroupement de plusieurs poursuites ne puisse être prononcé qu'après information de l'avocat et accord du prévenu.
Cet amendement rejoint le sujet que vient d'évoquer M. Savignat. Sur le principe, nous pouvons comprendre que certaines situations particulières soient de nature à favoriser le regroupement, mais nous souhaitons des garanties – je l'ai dit, l'information de la défense et l'accord du prévenu. Cela nous paraît aller dans le bon sens et répondre à l'objectif d'accélérer les procédures évoqué tout à l'heure.
Par cet amendement quasiment identique à celui de M. Habib, nous proposons de garantir les droits de la défense en prévoyant le séquençage des affaires jointes et en empêchant le procureur de traiter toutes les affaires de concert à l'audience sans que les victimes et les personnes mises en cause l'aient accepté. Je rappelle qu'il y a deux parties : les personnes mises en cause, mais aussi et surtout les victimes.
Si la jonction des affaires peut être souhaitable dans le souci d'une bonne administration de la justice, comme dirait Mme la ministre, le dispositif prévu par le Gouvernement est contestable en ce qu'il annihile complètement le rôle des parties, c'est-à-dire des prévenus, mais aussi et surtout des victimes.
Comme le soulignent les nombreux professionnels de la justice et magistrats avec lesquels j'ai discuté, le recours à la jonction des affaires dans le cadre potentiel d'une comparution immédiate constitue une atteinte grave au procès équitable et aux droits de la défense.
Défavorable. La jonction des affaires est une décision de pure organisation, qui ne porte aucun préjudice aux droits de la défense : il n'est donc pas du tout nécessaire d'obtenir l'accord des parties.
J'ajoute que la décision de jonction intervient dix jours avant l'audience : elle laissera donc aux parties le temps de préparer leur défense. Vous savez également qu'elles peuvent demander un renvoi de l'affaire. Ces garanties me semblent suffisantes. Avis défavorable.
À la limite, vos arguments peuvent valoir pour les mis en cause, mais pour les victimes, la jonction des affaires prend une autre dimension. Toute personne ayant déjà assisté à une comparution immédiate a pu constater que, dans cette procédure, le rôle de la victime est réduit, pour ne pas dire proche du néant. Si on commence à fusionner les affaires, la place de la victime devient encore plus compliquée. Vous ne pouvez pas pérorer dans cet hémicycle sur la justice restaurative et la nécessité de prendre en compte la victime, puis expliquer que, dans le cadre d'une bonne administration de la justice, les procédures doivent être efficaces, rapides et autres – je vous renvoie à tout ce que j'ai pu dire à ce propos depuis le début de la discussion de ce texte.
Je vais dans le même sens que M. Bernalicis. Effectivement, j'avais omis d'aborder la situation de la victime. Votre réponse est parfaitement exacte, madame la ministre, à la condition que le procureur de la République choisisse de convoquer le prévenu dans un délai de dix jours ou que celui-ci refuse la comparution immédiate si elle lui est proposée. En cas de comparution immédiate et de jonction avec une affaire venant de l'instruction, la victime, qui aura connu le long temps de l'instruction et l'attente du procès à l'issue de cette dernière, ne sera même pas présente le jour de cette comparution. Comme nous l'avons indiqué au cours de nos longs débats en commission, le procès a aussi un rôle réparateur pour la victime ; or, dans l'hypothèse que je viens d'évoquer, on privera la victime de son procès.
Je ne vois pas trop quelle serait la situation de blocage possible. Si le procureur estime qu'il peut joindre plusieurs affaires, il le fera en toute connaissance de cause. Si, dans un dossier venant de l'instruction, une victime s'est constituée partie civile, elle est identifiée : on peut donc aisément lui notifier qu'une audience se tiendra tel jour à telle heure, …
… qu'elle pourra y participer et se constituer partie civile. La jonction des affaires permettra justement de mieux appréhender le comportement délinquantiel du prévenu – on saura peut-être s'il réitère le même type d'infraction, s'il est inscrit durablement dans la délinquance…
Il s'agit donc d'une mesure de bonne administration de la justice si elle est utilisée à bon escient par le parquet.
Encore une fois, faisons confiance au parquet : le procureur juge de l'opportunité des poursuites, dispose d'outils divers et joue avec ces différentes procédures pour faire respecter l'ordre public sur le territoire dont il a la charge. Vous prêtez à ce projet de loi des intentions qui ne sont pas du tout les siennes.
Quand on joint des affaires, on appelle toutes les victimes en même temps et on leur laisse la possibilité de s'organiser. Cependant, chaque victime est préoccupée par ce qui lui est arrivé spécifiquement : elle a envie que le procès soit un peu séquencé, découpé. Quant au procureur, il recherche la bonne administration de la justice et veut donc que les choses aillent vite, que l'on puisse gagner du temps. Cette logique a quand même ses limites !
Comme un certain nombre d'entre vous, mes chers collègues, j'ai assisté à des audiences de comparution immédiate. Cela se passe un peu comme dans notre hémicycle : on sait quand cela commence, mais on ne sait jamais quand cela se termine !
Les procureurs et les magistrats du siège ont envie que cela aille vite. Voilà la réalité des audiences de comparution immédiate !
J'en viens à la défense de l'amendement no 575 . L'article 394 du code de procédure pénale encadre le délai au cours duquel le procureur de la République invite une personne déférée à comparaître devant le tribunal ; actuellement, ce délai ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à six mois. Notre amendement vise à porter le délai de prévenance à trente jours, au lieu de dix actuellement, afin de renforcer les droits de la défense garantis par la Constitution ainsi que le droit au procès équitable fondé, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Un certain nombre des amendements que nous défendons ont été proposés par le Conseil national des barreaux – CNB – ou par le Syndicat des avocats de France, deux institutions à qui on a reproché de ne pas faire de propositions, de rester dans la posture et dans la contestation. Or j'ai l'impression que celui qui reste dans la posture, qui ne discute de rien, qui n'accepte rien, qui est complètement fermé, c'est le Gouvernement. Les avocats ont eu bien raison d'organiser une journée « justice morte » ; j'espère qu'ils mettront, eux aussi, des gilets jaunes demain.
Avant de mettre l'amendement aux voix, j'indique que, sur l'amendement no 574 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 575 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer la procédure de comparution immédiate de la procédure pénale française. Nous constatons que la comparution immédiate ne respecte pas les droits fondamentaux, en particulier ceux de la défense. Elle représente une justice dégradée et dégradante, qui ne fonctionne plus que dans une logique gestionnaire d'abattage. La comparution immédiate illustre les propos de François Rabelais : « Misère est compagne de procès. »
L'urgence imposée par cette procédure constitue un déni de justice, car elle réduit les droits de la défense, ne permet pas aux victimes de faire valoir leurs droits et aboutit à une piètre qualité du débat judiciaire. En outre, cette procédure de comparution immédiate est génératrice d'emprisonnement, soit en détention provisoire, soit en peine d'emprisonnement proprement dite.
La comparution immédiate est le symptôme d'une judiciarisation du quotidien. Elle est le « bras armé de la politique pénale », selon la formule de Daniel Welzer-Lang et Patrick Castex. Cette procédure, qui donne à voir les effets destructeurs de la précarité et de la petite délinquance, est un échec, tout particulièrement en matière de gestion de la récidive.
Je vais vous en donner la preuve. Tout à l'heure, je lisais un article sur une personne qui sortait de prison et était mobilisée aux côtés des « gilets jaunes ». Or le fait de bloquer une route ou un rond-point est pénalement répréhensible.
Cette personne s'est fait arrêter et est passée en comparution immédiate.
Comme son casier judiciaire était déjà bien rempli, elle s'est retrouvée en prison, …
… tout simplement parce qu'elle s'était mobilisée avec d'autres. Trouvez-vous que c'est une mesure de bonne justice…
Franchement, ce n'est pas cette justice que nous voulons. Cet exemple n'est pas le seul que j'ai en tête, mais il est particulièrement frappant.
Non ! Bonjour tristesse !
Sourires.
J'ai l'impression que le débat sur la procédure pénale ne vous intéresse pas tellement – « je suis triste », « bonjour tristesse », mais enfin ! Il y a quand même des gens qui portent ce débat dans le pays ! Ugo Bernalicis, de la France Insoumise, à 1 heure du matin, n'est pas le seul à se préoccuper de la comparution immédiate !
Il y a des gens qui réfléchissent, des chercheurs qui ont vu les dérives de cette comparution immédiate, premier fournisseur d'incarcérations. Et après, nous allons avoir des débats sur la construction de places de prison ! Tout cela nous coûte affreusement cher et, en plus, n'est pas utile en termes de prévention de la récidive et de la délinquance. Alors, on considère cela comme un état de fait – et, en plus, j'entends vos moqueries dans l'hémicycle.
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ça suffit ! Il y a des gens qui ont travaillé leur sujet : respectez au moins nos positions !
Je suis obligé de prendre la parole pour ne pas laisser sans réponse les propos de M. Bernalicis et pour qu'il ne puisse pas faire le buzz à l'envi sur les réseaux sociaux, en se targuant d'être le seul député intéressé par la procédure pénale et par la comparution immédiate, à 1 heure du matin, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
Monsieur Bernalicis, on peut effectivement parler, tout le week-end et toutes les semaines qui vont suivre, de la comparution immédiate. Le sujet n'est pas nouveau et on peut en faire littérature, car il est intéressant : doit-on juger immédiatement des personnes qu'on prend en flagrant délit pour qu'il y ait une réponse immédiate, parce que la société attend cette réponse immédiate, parce qu'il y a trouble à l'ordre public, parce qu'il y a des victimes qui attendent réparation et parce que, si on peut agir rapidement, on le fait ?
Oui, monsieur Bernalicis, on peut en parler, mais ce n'est pas un sujet d'actualité. Le projet de loi ne comporte pas un seul article qui remette en cause le principe de la comparution immédiate. Vous pouvez parler de ce que vous voulez, on peut parler de tout, mais moi, je veux être sérieux dans mon travail de parlementaires et je veux qu'on arrête de faire le buzz avec des phrases à l'emporte-pièce, …
… en jetant l'opprobre sur les collègues députés qui sont là à 1 heure du matin et qui essaient de construire un texte.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Ça suffit, maintenant, monsieur Bernalicis ! Il y en a marre, de vos copier-coller que vous répétez à l'envi !
Mêmes mouvements.
Vous ne voulez pas souffrir d'entendre de contre-arguments : faites donc la loi entre vous ! Rappel au règlement, monsieur le président !
Rappel au règlement
Six minutes ! Nous avons passé six minutes sur la comparution immédiate, qui envoie chaque année des milliers de personnes en détention. Ce serait donc un non-sujet ?
Oui, je ne vais pas dans votre sens, mais c'est le principe du débat parlementaire que de parler, de parlementer, d'opposer les points de vue, puis de se forger un avis – mais pas de ridiculiser le point de vue de ses opposants politiques. Heureusement que je ne le fais pas à chaque fois que j'en ai l'occasion, car j'en ai entendu, des bêtises, dans cet hémicycle !
Article 39
Monsieur Bernalicis, ce n'est pas le système de la comparution immédiate qu'il faut changer, même si je suis parfaitement d'accord avec vous, pour m'être trouvée à de multiples reprises devant cette juridiction en tant qu'avocate. De fait, on ne peut pas dire que la justice qui y est rendue et les conditions dans lesquelles sont organisées ces comparutions immédiates soient correctes au regard des idéaux que nous pouvons avoir en matière de bonne administration de la justice – c'est une certitude.
Le problème de la comparution immédiate, c'est sa submersion par l'immigration clandestine qu'elle gère.
Vous pouvez vous prendre la tête dans les mains, mais si vous y êtes vraiment allé, …
Vous savez très bien que l'immense majorité, sinon la quasi-totalité, des gens jugés en comparution immédiate sont des étrangers clandestins – et, d'ailleurs, souvent les mêmes qui reviennent encore et encore. Je peux vous le dire : j'en ai défendu un qui est revenu six fois de suite.
Ne pourrions-nous pas nous dire, à un moment donné, que si nous réglions le problème de l'immigration clandestine, nous pourrions prendre le temps d'une bonne administration de la justice, y compris en comparution immédiate ? C'est ce que je crois – au passage, nous ferions énormément d'économies.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 31
Nombre de suffrages exprimés 31
Majorité absolue 16
Pour l'adoption 4
Contre 27
L'amendement no 574 n'est pas adopté.
L'amendement no 161 n'est pas adopté.
L'amendement no 744 n'est pas adopté.
L'article 39 est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue le samedi 24 novembre 2018 à une heure cinq, est reprise à une heure quinze.
Par cet amendement de suppression, nous proposons de préserver les droits de la défense et la qualité des jugements, qui doivent, par principe, être rendus en formation collégiale. Or sont entérinés dans ce projet de loi, pour des raisons budgétaires, le principe du juge unique et l'extension de son recours à de nombreux nouveaux délits. Cela va profondément à l'encontre de notre conception de la justice.
Nous considérons, au contraire, que la collégialité doit être érigée en principe fondateur de la justice, car elle présente des garanties essentielles de bonne justice – « de bonne administration de la justice » diraient certains – , tant pour les magistrats que pour les justiciables. Elle assure la diversité d'opinion. Elle assure aussi, aux magistrats, une protection qui garantit la sérénité des délibérés et l'indépendance de leur décision, au justiciable, une décision mesurée, peu susceptible d'avoir été influencée par la partialité d'un juge et dotée d'une plus grande autorité. Si j'allais jusqu'à faire le lien avec l'open data, la collégialité évite le profilage d'un magistrat ou d'une magistrate.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 1375 .
À chaque nouvelle réforme, au nom de la simplification des procédures, le dispositif du juge unique semble apporter sa pierre à l'édifice et tend à se généraliser. Si la majorité est revenue sur la décision du Sénat de poser le principe du jugement correctionnel par un juge unique pour tous les délits autres que les agressions sexuelles, le texte consacre tout de même un élargissement de la compétence du juge unique, plus encore que dans la version initiale.
Au groupe GDR, nous combattons la tendance croissante à la généralisation du recours au juge unique, tant la collégialité nous semble un principe impératif de la justice républicaine. Nous croyons qu'elle participe assurément à la qualité de la justice, qu'elle contribue à son impartialité et que la délibération collective favorise la réflexion. Ainsi que le souligne le Syndicat de la magistrature, aucun professionnel ne peut soutenir qu'une personne est mieux jugée par un juge unique que par une formation collégiale. Et je crois qu'aucun justiciable ne peut préférer être jugé par un magistrat seul plutôt que par une collégialité. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour soutenir l'amendement no 639 .
C'est un amendement de simplification, dans la droite ligne de cette réforme, puisque pas moins de trente alinéas sont nécessaires pour définir les délits qui relèveront de la nouvelle disposition. Nous proposons de remplacer les alinéas 5 à 30 par l'alinéa suivant : « 1° Les délits du code pénal, à l'exception des délits d'agressions sexuelles prévus aux articles 222-27 à 222-31 ; ». Cela rendrait la disposition plus lisible et la liste moins exhaustive.
La commission préfère une logique de liste pour permettre au législateur d'affiner au cas par cas les délits qui peuvent faire l'objet d'un jugement à juge unique. L'avis est donc plutôt défavorable.
L'avis est défavorable. Si l'amendement était adopté, seraient jugés à juge unique les délits d'homicide involontaire causés par un conducteur ou à la suite d'un accident de travail, la provocation au suicide, les détournements et les escroqueries, la séquestration suivie de la libération de la victime, l'apologie des actes de terrorisme, etc. Ces quelques exemples montrent que ce serait inapproprié.
Je n'en suis pas certain, madame la ministre, parce que votre texte est bien fait. Il prévoit, à l'alinéa 3, qu'il s'agit des délits pour lesquels la peine encourue est inférieure à cinq ans. Notre amendement n'a pas été rédigé à la va-vite, il en tient compte et en sont donc exclus les cas que vous venez de citer. C'est pour cette raison qu'il ne propose pas la suppression de l'intégralité des alinéas, mais seulement des alinéas 5 à 30.
L'amendement no 639 n'est pas adopté.
Cet amendement de notre collègue Reda a pour objectif de maintenir la collégialité des décisions en ce qui concerne les atteintes à la vie privée. Le développement du partage de sa vie quotidienne sur les réseaux sociaux tend à multiplier les affaires d'atteinte à la vie privée même au sein de la relation entre parents et enfants.
Je ne suis pas sûr que ce type de conflits fasse l'objet d'un contentieux de masse. Quoi qu'il en soit, la commission a émis un avis défavorable.
L'amendement no 347 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le groupe Socialistes et apparentés suggère que le principe de la collégialité soit retenu pour les décisions qui se rapportent aux violences conjugales, à la fois parce qu'il y a besoin d'une réflexion collective et parce que la gravité des faits doit entraîner, selon nous, une solennité de la décision. La collégialité permet, d'une façon ferme, de montrer que l'institution judiciaire entend sanctionner avec gravité des faits qui ont le même caractère.
Défavorable. Ces affaires sont déjà jugées à juge unique – sauf lorsque le prévenu est détenu. Il ne me semble donc pas opportun de modifier les dispositions en vigueur.
L'amendement no 482 n'est pas adopté.
L'amendement no 1491 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l'amendement no 1591 .
L'amendement no 1591 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Laetitia Avia, pour soutenir l'amendement no 1492 .
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement défendu avec vigueur ?
Sourires.
L'amendement no 1492 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Sur l'article 40, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour soutenir l'amendement no 1592 .
Cet amendement proposait, au stade cette fois de la notification de la décision de justice, la même simplification que l'amendement no 639 . Il n'a donc plus lieu d'être.
L'amendement no 1592 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 25
Nombre de suffrages exprimés 25
Majorité absolue 13
Pour l'adoption 16
Contre 9
L'article 40, amendé, est adopté.
Je suis saisi d'un amendement, no 239 , portant article additionnel.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour le soutenir.
Cet amendement vise à faire entrer dans l'arsenal juridique français une mesure existant dans de nombreux États, entre autres les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et le Canada. Elle permet de protéger les victimes de violences sexuelles en ne les obligeant pas à subir l'étalement public et accusatoire, souvent à visée humiliante ou déshonorante, de leur sexualité. Cette exposition de leur intimité n'informe, dans l'extrême majorité des cas, en rien sur l'affaire traitée. Alors que le fonctionnement actuel de la justice est un repoussoir pour les victimes de violences sexuelles, qui doivent également faire face aux jugements à géométrie variable sur la sexualité selon les identités de genre ou à la révélation d'une orientation sexuelle pouvant conduire à des rejets ou à des discriminations, cet amendement permettra une meilleure protection des victimes dans le cadre du déroulement du procès.
Défavorable, ce que propose l'amendement ne relève pas du domaine de la loi.
L'amendement no 239 n'est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Mazars, pour soutenir l'amendement no 1056 .
L'article 41 prévoit qu'en matière pénale, lorsqu'une personne est condamnée par un tribunal correctionnel, elle peut désormais faire appel sur le tout, le principe de culpabilité et la sanction prononcée, mais aussi cantonner son appel à la seule sanction prononcée.
Il s'agit d'un amendement de clarification. Dans sa rédaction actuelle, l'article 41 peut être interprété comme interdisant à une personne qui a relevé appel sur le principe de culpabilité, de discuter, en cas de confirmation de celle-ci, la sanction prononcée à son encontre. Il faut bien évidemment que la personne puisse toujours contester en appel la peine prononcée en première instance.
L'amendement no 1056 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Stéphane Mazars, pour soutenir l'amendement no 1050 .
Il est apparu, lors des débats en commission, qu'une personne ayant limité son appel à la peine prononcée pouvait ultérieurement estimer utile de contester aussi le principe de culpabilité. À cette fin, nous proposons un dispositif qui permette le repentir dans un délai d'un mois suivant la déclaration d'appel. La personne pourrait ainsi, après avoir opté pour l'appel du quantum de la peine prononcée, se rétracter dans un délai d'un mois et discuter le principe même de culpabilité.
L'amendement no 1050 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Il s'agit d'un troisième dispositif apportant une sécurité supplémentaire aux personnes qui relèveraient appel d'une condamnation par un tribunal correctionnel. Si elles le faisaient sans l'assistance ou le conseil d'un avocat, elles pourraient se rétracter du cantonnement de l'appel à la seule peine prononcée jusqu'au jour de l'audience. Cela me paraît une bonne chose, car il arrive qu'on ne réalise pas, au moment où l'on forme appel, que l'on peut aussi le faire sur le principe même de culpabilité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Didier Paris, pour soutenir le sous-amendement no 1616 .
C'est un sous-amendement de coordination. L'amendement de Stéphane Mazars, qui tend à n'assortir d'aucun délai le droit de repentir de l'appelant ayant fait le choix du cantonnement sans être assisté d'un avocat, introduira une disposition de bon sens qui garantit parfaitement les droits de la défense. Un condamné en première instance peut estimer n'avoir aucun moyen de se défendre tant qu'un avocat ne lui montre pas la voie de droit adéquate.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le sous-amendement no 1616 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 1048 , sous-amendé, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no 1182 .
Cet amendement vise à encadrer, en matière correctionnelle, la durée du maintien en détention provisoire dans l'attente du jugement en appel. En effet, cette durée n'est aujourd'hui encadrée que dans l'attente du jugement en première instance, ce qui ne nous semble pas satisfaisant.
L'amendement prévoit donc que le prévenu devra comparaître devant la cour d'appel dans le délai de quatre mois à compter du jugement rendu en première instance, ce délai pouvant être exceptionnellement prorogé de quatre mois, renouvelable une fois, soit un an maximum.
Pour les affaires portant sur les infractions les plus graves ou les plus complexes, un délai maximal de six mois, renouvelable deux fois, est prévu.
En effet, ces affaires nécessitent souvent la fixation d'une audience sur plusieurs jours, voire plusieurs mois, et impliquent donc un audiencement plus complexe.
L'amendement permet ainsi de garantir le jugement en appel des prévenus dans un délai raisonnable, conformément aux exigences conventionnelles, tout en maintenant une certaine souplesse, afin d'éviter des remises en liberté injustifiées, en particulier pour les dossiers complexes ou nécessitant un procès de grande ampleur.
Cet amendement jouera à mon sens sur la détention provisoire : c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité vous le présenter.
Cet amendement important vient combler un vide juridique s'agissant du maintien en détention provisoire entre la première instance et l'appel. La commission remercie le Gouvernement de l'avoir déposé et lui donne un avis favorable.
L'amendement no 1182 est adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 1379 .
Il propose de supprimer les alinéas 4 à 6, dont l'effet nous semble, en pratique, de condamner toute possibilité de recourir à la collégialité en cour d'appel.
Par touches successives, lentement mais sûrement, le principe de collégialité des juridictions se fait grignoter, au point que son existence même s'en trouve fragilisée. En 1975, l'extension à certaines juridictions judiciaires de la formation en juge unique avait pourtant suscité les foudres du Conseil constitutionnel et des levées de bouclier parmi les spécialistes.
Je le répète, et nous ne sommes pas les seuls à le penser, le principe de collégialité participe assurément de la qualité de la justice. Nous rejetons par conséquent son grignotage continu.
L'amendement no 1379 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous souhaitons que la collégialité soit garantie en correctionnelle, car le recours au juge unique porte une atteinte directe à qualité du jugement rendu et nuit à l'intelligibilité de la justice.
Tel est le sens de l'amendement no 463 , le no 464 étant de repli.
L'amendement no 463 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 464 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 41, amendé, est adopté.
Sur l'amendement no 241 portant article additionnel après l'article 41, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir cet amendement.
Nous proposons d'expérimenter la présence de jurés populaires au sein des juridictions judiciaires mentionnées aux articles 381 et 521 du code de procédure pénale ainsi qu'à l'article L. 721 du code du commerce, c'est-à-dire dans les tribunaux correctionnels et de police et les tribunaux de commerce.
L'exercice d'une forme de justice populaire dans d'autres juridictions que les cours d'assises a déjà fait l'objet d'une expérimentation entre 2011 à 2013. Or voici ce que constataient les auteurs du rapport destiné à en dresser le bilan : « Nous avons, en premier lieu, constaté que globalement, la présence de citoyens assesseurs à la formation de jugement n'a pas modifié la jurisprudence antérieure des juridictions correctionnelles. Notamment, aucun élément ne permet de penser que les décisions rendues sont plus sévères. Les appréciations recueillies sur ce point vont, selon les ressorts, soit dans le sens de la neutralité la plus complète, soit dans le sens d'une moindre sévérité en raison de l'empathie que les citoyens assesseurs pourraient manifester à l'endroit de certains prévenus, une fois que leur a été révélée leur histoire personnelle. »
« [… ]l'image de la justice s'en est trouvée considérablement améliorée auprès des citoyens assesseurs que nous avons rencontrés. À quelques rares exceptions près, tous nous ont dit qu'ils avaient découvert avec beaucoup d'intérêt une justice humaine et attentive. Ils ont dans leur immense majorité fait savoir qu'ils étaient désireux de poursuivre leur collaboration avec l'institution judiciaire. »
L'intérêt d'une justice populaire est une position que je défendais déjà par principe avant qu'un de mes amis soit convoqué comme juré d'assises et me fasse part du sentiment qu'il a tiré de cette expérience : cela correspondait exactement à ce qui est décrit dans le rapport.
Il me semble souhaitable qu'un maximum de citoyennes et de citoyens puisse avoir affaire à la justice dans leur vie, non pas en tant que mis en cause ou en tant que victimes, mais en tant que jurés. L'opinion publique, en conséquence, ne se verrait plus fluctuer au gré des faits divers – ou du reflet qu'en donne la télévision – , mais s'exprimerait au nom d'une meilleure idée de la justice.
Même avis. Si une expérimentation a effectivement eu lieu en 2011, elle ne s'est pas du tout avérée concluante.
Madame la ministre, je ne vois pas ce qui vous permet d'affirmer cela. De mon point de vue, l'expérience a été concluante au sens où elle a permis au public d'avoir une meilleure connaissance de la justice.
Nous avons eu cette discussion en commission des lois ou dans l'hémicycle : en matière pénale, nous sommes souvent amenés à légiférer contre l'opinion publique. Songeons aux réactions de nos concitoyens devant certains faits divers, ou au résultat des sondages d'opinion sur la question de la prison ! Et si nous devons agir ainsi, c'est parce que l'institution judiciaire et l'institution pénitentiaire sont mal connues. C'est pourquoi il me semblerait d'utilité publique, et conforme à l'intérêt général, que les citoyens soient le plus possible associés aux décisions de justice.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 33
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 4
Contre 29
L'amendement no 241 n'est pas adopté.
Je voulais simplement saluer les alinéas 40 à 44 de l'article 42, qui modifient l'article 689-11 du code de procédure pénale de façon à étendre aux crimes contre l'humanité et aux crimes de génocide l'application du mécanisme de compétence universelle. C'est une bonne chose et nous aurions dû le faire depuis longtemps.
Cet amendement propose, par une réécriture complète de l'article 42, d'aller plus loin dans la logique qui sous-tend la création des cours criminelles. Le Gouvernement, dans ce domaine, étant resté un peu au milieu du gué, c'est en définitive à une refonte globale du système judiciaire chargé de juger les crimes que nous appelons.
Le tribunal d'assises dont nous proposons la création – et non le tribunal d'instance, comme l'indique par erreur l'exposé sommaire de l'amendement ; mais la question de sa dénomination est de toute façon secondaire – jugerait tous les crimes en première instance, et non, comme dans votre projet de loi, les seuls crimes punis de peines d'emprisonnement inférieures à vingt ans.
Surtout, ce tribunal serait composé, selon le système de l'échevinage, de trois magistrats et de quatre citoyens assesseurs : ces derniers seraient désignés et non tirés au sort, comme cela est le cas par exemple dans les tribunaux pour enfants.
Notre proposition vise quatre objectifs : alléger les mécanismes de jugement des crimes, puisque la cour d'assises reste une machine très lourde ; juger les crimes comme des crimes, et donc éviter la correctionnalisation, cette dérive particulièrement condamnable dont souffre notre système judiciaire, notamment sur les questions de viol ; juger tous les crimes, la cour d'assises restant la juridiction d'appel ; enfin, redonner une place au peuple – au nom duquel, je le rappelle, la justice est rendue – dans le jugement des crimes.
Madame la ministre, si votre idée nous paraît bonne, il serait à mon sens nécessaire d'aller au bout de votre logique.
Vous proposez de réformer la juridiction criminelle afin que les crimes soient désormais jugés par un tribunal d'assises composé de trois magistrats et de quatre citoyens assesseurs. Les jurés non professionnels, dont le nombre serait ainsi réduit, deviendraient, sur le modèle des tribunaux pour enfants, des assesseurs réguliers nommés par décision du garde des sceaux.
Cette transformation de fond de la procédure criminelle interviendrait sans expérimentation préalable : je ne suis donc pas certaine qu'elle permettrait de répondre à la problématique d'engorgement des cours d'assises. Avec la professionnalisation d'assesseurs citoyens, nous reviendrions en outre sur la tradition du juré populaire tiré au sort.
Le projet de loi du Gouvernement, qui permettra d'expérimenter les nouvelles modalités de jugement des crimes punis de quinze ou de vingt ans d'emprisonnement, tout en maintenant la compétence de la cour d'assises pour les crimes les plus graves, me semble préférable. J'émets donc un avis défavorable sur votre amendement.
L'amendement no 753 n'est pas adopté.
L'amendement no 799 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous souhaitons garantir un des fondements de la justice pénale, à savoir le principe de l'oralité des débats, selon lequel la cour d'assises ne peut se prononcer qu'en fonction des éléments ayant été débattus à l'audience.
Sous couvert de répondre à l'impérieuse nécessité de rendre la justice avec célérité, les dispositions visées par notre amendement cherchent à raccourcir la durée de l'audience en limitant les débats. Mais ce faisant, elles changent la nature même du procès criminel. C'est pourquoi elles inquiètent, à juste titre, les professionnels de la justice.
Au nom d'arguments qui sont toujours les mêmes – la simplicité, l'efficacité, le pragmatisme, la rapidité – , on en vient une nouvelle fois à dénaturer l'idée même de justice.
L'amendement no 261 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 1496 .
L'amendement no 1496 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 1495 .
L'amendement no 1495 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement a été déposé à l'initative de notre collègue Masson.
Le projet de loi prévoit que le président de la cour d'assises puisse statuer seul sur les dommages et intérêts alloués à la victime.
Dès lors que la décision à juge unique offre moins de garanties pour les victimes, l'amendement tend à conserver le régime actuel, où le président et les assesseurs statuent sur l'action civile.
L'amendement no 640 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no 1183 .
Cet amendement est le même que celui, précédemment examiné, relatif à l'appel en matière correctionnelle : en cas de détention provisoire, il s'agit donc d'introduire des délais pour l'appel, cette fois en matière criminelle.
L'amendement no 1183 est adopté.
Cet amendement, déposé à l'initiative de Mme Auconie, est important à nos yeux. Ayant une vraie divergence sur le dispositif proposé, nous demandons la suppression des alinéas 22 à 37, qui prévoient l'expérimentation des cours criminelles départementales – CCD.
Les inquiétudes sont grandes, madame la ministre, quant à une forme de correctionnalisation des crimes concernés. Un vrai débat s'est aussi instauré, vous le savez, au sein des associations. On a du mal, je le sais bien, à endiguer l'inflation du nombre de dossiers : c'est l'une des raisons qui vous conduisent à créer ces cours.
Ces raisons, l'exposé des motifs du projet de loi les explique : les affaires portées devant les assises sont nombreuses, c'est vrai, mais, à notre sens, le traitement des viols par une CCD les place sous le régime de celles qui ne nécessitent pas d'examen par une cour d'assises. Cela signe, à notre sens, une régression quant à la considération portée aux droits des victimes.
Je m'associe donc à Mme Auconie, qui, comme d'autres collègues, souhaite la suppression de cette expérimentation.
Ils tendent à supprimer une disposition importante du projet de loi. Avis défavorable.
Selon l'exposé sommaire de votre amendement, madame Sage, « le traitement des viols par la CCD » va correctionnaliser les affaires judiciaires. C'est exactement l'inverse ! La cour criminelle départementale ne correctionnalisera pas ces crimes que sont les viols : elle permettra, tout au contraire, de les juger exactement comme des crimes. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, c'est une façon d'établir la vérité judiciaire : il est essentiel de le comprendre.
L'un des points forts de la réforme, précisément, tient à ce que les crimes seront jugés comme tels, et non correctionnalisés, comme ils pouvaient l'être jusqu'à présent.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 262 , 1297 et 1359 .
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 262 .
Nous en arrivons à l'expérimentation, proposée par le Gouvernement, des cours criminelles départementales. Cette mesure en rejoint plusieurs autres. Il ne s'agit certes pas de correctionnaliser les affaires, puisqu'elles recevront un traitement criminel, mais ces cours seront dérogatoires au principe de la justice populaire, matérialisé par les jurés d'assises. C'est donc une question de philosophie politique et de philosophie de la justice. Les jurés populaires ont en effet été créés pour que s'incarne une justice rendue au nom du peuple français. Cette formation a été réservée aux seuls crimes jugés aux assises, car il paraissait compliqué de la généraliser.
Tout à l'heure, j'ai proposé d'expérimenter un élargissement des jurés populaires, afin de développer la conscience de la justice chez nos concitoyennes et concitoyens. Alors que ces jurés sont une particularité des cours d'assises, vous entendez la supprimer dans les cours criminelles départementales. Et au nom de quel argument de fond le faites-vous ? Aucun ! Le seul argument est celui de la diligence, de l'efficacité, des délais de jugement : le même argument, répété à l'envi sur tous les articles. Et l'on en vient, sur celui-ci, à faire disparaître l'apothéose de l'idée même de justice, la justice rendue au nom du peuple français.
Lorsque l'on a des principes et que l'on veut les faire vivre, il faut les assortir de moyens et non les rabougrir, comme avec ces cours criminelles départementales.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour soutenir l'amendement no 1297 .
L'expérimentation envisagée pose un vrai problème, d'abord parce que, selon l'endroit où l'on commettra son crime, on ne sera plus jugé de la même façon. Ensuite, et je rejoins sur ce point M. Bernalicis, elle implique une perte de souveraineté du peuple, qui ne rendra plus la justice. Ce principe est pourtant l'un des piliers de notre système judiciaire.
Le plus gênant, surtout, est le motif même de cette expérimentation tel que vous l'avez exposé, à savoir rejuger, enfin, les crimes comme des crimes, sans les correctionnaliser. Un tel constat présuppose un jugement sur des affaires dont on ignore tout, et sur les décisions, prises par des magistrats au regard des éléments dont ils disposent, de les correctionnaliser. Ce présupposé, selon lequel les affaires correctionnalisées l'ont été indûment, vous conduit à lancer une expérimentation qui fera perdre au peuple une partie de sa souveraineté. C'est assez gênant.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 1359 .
De nombreux arguments ayant déjà été développés sur cette expérimentation, je me bornerai à alerter sur un autre de ses effets, à savoir la création d'une classe supplémentaire d'infractions. Au triptyque contravention, délit et crime, la réforme ajoutera en effet une catégorie de gros délits ou de petits crimes, où entreront notamment les viols. La bâtonnière de Paris, Marie-Aimée Peyron, à laquelle je m'associe, a jugé cette perspective inacceptable. Nous pourrions, me semble-t-il, être nombreux à avoir le même jugement.
Défavorable également. Puisque l'on a évoqué la question de l'égalité, je rappelle que les expérimentations sont prévues par la Constitution, et qu'elles impliquent par définition des traitements différenciés.
M. Savignat, et dans une certaine mesure M. Bernalicis, se sont alarmés de la fin d'une justice rendue par le peuple. Je me permets de leur rappeler que les magistrats professionnels eux-mêmes, comme je l'avais dit en commission, rendent la justice au nom du peuple français. Il y a différentes manières, en réalité, de rendre la justice au nom du peuple français.
Enfin, monsieur Savignat, vous avez parlé des motifs de cette expérimentation. J'ai évoqué la question, épineuse, de la vérité judiciaire, mais il y a aussi les délais liés à la procédure d'assises. Cette procédure remarquable mérite d'être préservée, mais elle est essentiellement orale, elle requiert la désignation de jurés et tous les éléments que vous connaissez : cela explique la longueur des délais de jugement, source de bien des difficultés. Ce que nous proposons est donc aussi une façon, pour les victimes, d'obtenir des jugements dans des délais plus brefs.
Le seul argument qui tienne, finalement, est celui des délais : vous réduisez cette affaire à la portion congrue ! Encore une fois, le contournement des cours d'assises est-il la seule façon de réduire les délais ? Ne faudrait-il pas plutôt renforcer leurs moyens ?
Les magistrats professionnels rendent eux aussi la justice au nom du peuple français, dites-vous, madame la ministre. Je le sais bien. Mais ce principe s'incarne dans les jurés populaires, que l'on a réservés au jugement des crimes car ces derniers représentent, en matière de comportements déviants, le cas extrême de ce que la société peut accepter.
Ce principe, donc, vous entendez le réduire à très peu de choses, d'autant que je vous imagine bien généraliser les cours criminelles départementales s'il s'avère qu'elles fonctionnent. Pourquoi, dès lors, vous demanderez-vous, maintenir des cours d'assises avec des jurés qu'il est toujours compliqué de de tirer au sort, puis de convoquer ? Vous invoquez la perte de temps, mais, dans les cours d'assises, elle ne tient pas à la présence des jurés ! Si l'on perd du temps, c'est d'abord parce qu'il n'y a pas assez de magistrats ! De plus, tout porte à croire que les magistrats professionnels, qui devront bien tenir ces cours criminelles départementales, ne seront pas assez nombreux pour le faire ; si bien qu'il faudra puiser dans le vivier des magistrats actuellement disponibles, qui seront ainsi moins nombreux pour traiter d'autres affaires.
Nous sommes déjà heureux, madame la ministre, de vous entendre avouer, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, que la correctionnalisation s'est développée dans des proportions insupportables. En réalité, elle représente une violation de la confiance placée dans certains magistrats, qui ont profité de cette confiance pour faire baisser artificiellement le nombre de crimes. De fait, si l'on a correctionnalisé certaines affaires, cela veut dire que le nombre de crimes commis dans notre pays est bien plus élevé que ne le laisse croire le nombre d'affaires jugées aux assises.
Bien sûr, la disparition totale du peuple, représenté dans les jurés d'assises, pose un problème fondamental car elle remet en cause tout notre système judiciaire. Une expérimentation, au demeurant, on sait comment ça fonctionne ! Si l'on expérimente une mesure, c'est pour la faire passer en douce, parce que l'on sait très bien qu'elle choque, qu'elle heurte nos valeurs.
Qu'en attendez-vous, au juste, de cette expérimentation ? Voilà la question intéressante. S'agit-il seulement de gagner du temps ? En ce cas, la grande crainte que l'on peut avoir, c'est la disparition pure et simple des cours d'assises, de première instance ou d'appel.
Des études vont-elles être faites pour comparer, par exemple, le niveau des peines prononcées selon qu'elles le sont par ces tribunaux professionnels ou par les cours d'assises ? Je serais curieuse de connaître les critères d'évaluation qui décideront de la généralisation du système ou de son abandon.
Madame la ministre, en effet, les magistrats rendent la justice au nom du peuple français, mais s'ils le peuvent – dans l'ensemble des juridictions – , c'est bien parce que la justice peut être rendue par le peuple français – au sein des seules cours d'assises. C'est parce que le peuple peut rendre la justice qu'il peut en donner mandat aux magistrats.
Quant au fonctionnement de la cour d'assises et aux délais d'audience, nous vous le disons depuis plusieurs jours : il suffit d'y mettre les moyens pour faire fonctionner cette belle institution.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 33
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 9
Contre 24
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1057 .
L'amendement no 1057 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 659 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il aligne les règles d'audiencement devant la cour criminelle sur celles applicables devant la cour d'assises et procède à une coordination rédactionnelle.
La parole est à M. Stéphane Mazars, pour soutenir l'amendement no 1319 .
L'amendement no 1319 est retiré.
La parole est à M. Stéphane Mazars, pour soutenir l'amendement no 1428 .
Cet amendement vise à intégrer aux critères d'évaluation de l'expérimentation le fonctionnement de l'instruction des affaires criminelles, notamment dans les départements infra-pôles, c'est-à-dire dépourvus de pôle de l'instruction pour les affaires criminelles, de sorte que l'instruction en matière criminelle doit en être délocalisée avant que l'affaire n'y revienne pour être jugée devant la cour d'assises.
J'avais déposé en commission un amendement visant à retenir la juridiction d'instruction infra-pôles pour les affaires destinées à être audiencées devant la cour criminelle départementale, à l'exception des affaires complexes qui resteraient dévolues au pôle de l'instruction pour permettre la collégialité. Mon amendement a été jugé d'application trop complexe, car nécessitant de redimensionner les effectifs et de les répartir différemment entre les cours dotées de pôles de l'instruction et les départements infra-pôles. J'en conviens ; je sollicite donc une évaluation en vue d'améliorer la situation des affaires criminelles pendant la phase d'instruction dans les départements infra-pôles.
L'amendement no 1428 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no 1662 .
Pardonnez-moi, monsieur le président, de m'attarder un peu sur ce sujet délicat. Il s'agit de réécrire des dispositions adoptées par le Sénat concernant la compétence des juridictions françaises pour les crimes commis à l'étranger et relevant de la compétence de la Cour pénale internationale.
L'article 689-11 du code de procédure pénale, issu de la loi de 2010 portant adaptation de notre droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale créée par la convention de Rome en 1998, prévoit la compétence des juridictions françaises pour les crimes commis à l'étranger et relevant de la compétence de cette cour : les crimes de génocide, les autres crimes contre l'humanité et les crimes de guerre.
Cette compétence s'exerce à quatre conditions. Premièrement, la personne suspectée doit avoir sa résidence habituelle en France. Deuxièmement, les infractions en cause doivent faire l'objet d'une double incrimination, dans chacun des deux pays. Troisièmement, la Cour pénale internationale ne doit pas être déjà saisie, ou, si elle l'est, elle doit avoir décliné sa compétence. Quatrièmement, l'action publique ne peut être mise en oeuvre que par le procureur de la République, qui dispose du monopole des poursuites.
Le Sénat a réécrit l'article 689-11 afin d'en supprimer les conditions de résidence habituelle et de double incrimination et d'y atténuer le principe de subsidiarité avec la Cour pénale internationale. Autrement dit, il a ouvert plus largement la possibilité offerte aux juridictions françaises de se saisir de leur compétence.
Le Gouvernement a évidemment étudié avec soin ce sujet sensible. Il a souhaité prendre en considération certaines propositions du Sénat, tout en leur apportant des correctifs qui sont apparus indispensables.
Deux améliorations apportées par le Sénat nous ont semblé pouvoir être conservées. La première concerne la référence aux incriminations de génocide, d'autres crimes contre l'humanité et de crimes de guerre tels qu'elles figurent dans notre code pénal, où le génocide et le crime contre l'humanité sont définis depuis la réforme de 1992 et où les crimes de guerre ont été insérés par la loi de juin 2010 précédemment citée. La seconde est la possibilité, en cas de classement sans suite, de former un recours devant le procureur général, qui devra statuer après avoir entendu les requérants.
S'agissant des autres modifications, plus substantielles, voulues par le Sénat, la position du Gouvernement est la suivante.
D'abord, l'énoncé actuel du principe de subsidiarité, qui exige de vérifier si la Cour pénale internationale décline sa compétence avant d'exercer des poursuites, excède ce qu'impose la convention de Rome. Supprimer cette exigence, comme l'a fait le Sénat, peut donc se justifier. Par conséquent, je n'entends pas revenir sur ce point.
Il convient en revanche de maintenir la condition de résidence habituelle de la personne en France. En effet, tout en assurant la répression des auteurs de ces crimes qui ont voulu se réfugier en France, elle permet d'éviter l'instrumentalisation politique des juridictions françaises qui consisterait, chaque fois qu'un dirigeant étranger est de passage sur notre territoire, à demander publiquement au ministère public d'engager des poursuites contre lui, ce qui, évidemment, porterait gravement atteinte à l'action diplomatique de la France.
En ce qui concerne enfin l'exigence de double incrimination, il s'agit d'un principe fondamental du droit international. Il ne paraît dès lors possible d'y déroger que de façon tout à fait exceptionnelle. Je vous demande par conséquent de réserver cette dérogation au crime de génocide. Une telle exception est justifiée par la spécificité absolue, historiquement sans précédent, de ce crime, objet de la convention onusienne du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée à l'unanimité : elle stipule que « le génocide est un crime du droit des gens, en contradiction avec l'esprit et les fins des Nations unies et que le monde civilisé condamne ». La jurisprudence de la Cour internationale de justice a du reste établi que l'interdiction du génocide constituait une norme impérative du droit international.
J'observe par ailleurs que notre code pénal, dans sa version adoptée en 1992, distingue clairement le génocide des autres crimes contre l'humanité : il les fait figurer dans deux chapitres différents et définit le génocide, en son article 211-1, de façon particulièrement précise par l'existence d'« un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire ». Les autres crimes contre l'humanité et les crimes de guerre font l'objet de définitions plus larges pouvant donner lieu à des interprétations susceptibles d'être parfois contestées.
Telles sont donc les modifications de fond apportées par le présent amendement en conséquence de la nouvelle rédaction de l'article 689-11 du code de procédure pénale retenue par le Sénat. Cet amendement permet de concilier de façon satisfaisante la volonté de mieux poursuivre de tels crimes – volonté dont témoigne également la création du procureur national antiterroriste, qui, si vous l'acceptez, sera également compétent en matière de crimes contre l'humanité – et la nécessité de préserver les équilibres de notre procédure pénale.
Aux termes de l'amendement no 1663 , à compter de l'entrée en vigueur des dispositions relatives au procureur de la République antiterroriste, l'article 689-11 du code de procédure pénale fera expressément référence à ce magistrat spécialisé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Au nom de la commission, je remercie la ministre des explications qu'elle a bien voulu nous donner et de l'avancée significative que représente cet amendement quant à la capacité de la France à poursuivre des crimes commis à l'étranger, même dans l'hypothèse où ils ne le sont ni par des Français ni envers des Français, ce qui consacre l'évolution du droit international en la matière.
Vous l'avez très justement rappelé, madame la ministre : le dispositif incluait ce que l'on pourrait qualifier de cliquets de sécurité, auxquels le Sénat a accordé une attention moins scrupuleuse que vous. S'agissant de la résidence habituelle en France, il était difficile d'admettre que l'on puisse interpeller des personnes du fait de leur seule présence, non habituelle, sur le sol français. Par ailleurs, le fait que les poursuites émanent exclusivement du parquet est une garantie de sécurité – comme vous l'avez très bien expliqué – contre les éventuelles instrumentalisations politiques. Pour le reste, vous avez précisé avec mesure la manière délicate dont il est proposé de faire évoluer la subsidiarité et la double incrimination.
La commission n'a évidemment pas été en mesure de se prononcer sur cet amendement, mais elle ne peut, par ma voix, que vous suivre sur ce chemin, essentiel à la présence de la France sur la scène internationale.
En m'exprimant sur l'article 42, je me suis félicitée, madame la ministre, que vous ayez étendu, dans le code de procédure pénale, le mécanisme de compétence universelle aux crimes contre l'humanité et aux crimes de génocide. Malheureusement, l'amendement que vous proposez ajoute des conditions qui ne figurent pas dans les conventions de Genève, dont est pourtant directement tiré le principe de compétence universelle : la condition de résidence habituelle n'y figure pas, évidemment, non plus que celle de double incrimination.
Je vais vous donner un exemple qui remonte à la fin des années 1990 : alors qu'il suivait un stage dans une école militaire française, un criminel de guerre mauritanien a été reconnu par plusieurs de ses anciennes victimes. Réfugiées en France, celles-ci ont pu saisir le procureur de ces crimes. Si l'on avait alors appliqué la condition de résidence habituelle, ce monsieur n'aurait pas été inquiété et aurait pu, ni vu ni connu, repartir en Mauritanie – ce qu'il a finalement fait, du reste, bénéficiant de complicités pour récupérer le passeport qui lui avait été brièvement confisqué.
Ce qui me gêne, avec votre amendement, est que vous mettiez la France en contradiction avec les obligations qui lui incombent aux termes des conventions de Genève.
J'en viens à l'hypothèse d'une utilisation politique de la compétence universelle. Il est tout à fait vrai que la suppression de la condition de résidence habituelle permettrait à toute personne de réclamer des poursuites à l'encontre d'un chef d'État étranger qui ne serait que de passage sur le territoire français. Mais en l'espèce, il s'agirait d'un criminel – pas n'importe lequel, du reste : l'auteur de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité ou de génocide.
Dès lors, il me semble qu'il serait plutôt à l'honneur de la France de supprimer cette condition.
L'amendement no 1662 est adopté.
Le Gouvernement a défendu l'amendement no 1663 .
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement no 1663 est adopté.
L'article 42, amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 42.
La parole est à Mme Émilie Guerel, pour soutenir l'amendement no 1587 .
Le présent amendement vise à prendre en compte la décision n° 2017-680 QPC du 8 décembre 2017 du Conseil constitutionnel relative aux compétences du procureur de la République. Dans cette décision, le Conseil affirme qu' « il découle de l'indépendance de l'autorité judiciaire, à laquelle appartiennent les magistrats du parquet, un principe selon lequel le ministère public exerce librement, en recherchant la protection des intérêts de la société, son action devant les juridictions. »
Il s'agit ainsi d'éclairer l'articulation entre les attributions du procureur de la République et l'article 12 du code de procédure pénale qui prévoit que « La police judiciaire est exercée, sous la direction du procureur de la République, par les officiers, fonctionnaires et agents désignés au présent titre. » L'amendement proposé par Mme Dubost affirme ainsi clairement le fait que le procureur de la République est le seul responsable de la définition, de la direction et de la conduite des actions de police judiciaire. Cela répond aux difficultés rencontrées par le parquet dans le cadre de la lutte contre les rodéos, par exemple.
La disposition proposée ne vise à rien d'autre que d'affirmer ce qui est déjà le fondement de la procédure pénale : le procureur de la République dirige l'activité de la police judiciaire. J'ai par conséquent un peu de mal à comprendre la portée de cet amendement, que je vous invite à retirer, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 1587 est retiré.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 958 .
Le présent amendement crée un droit d'appel pour les victimes en cas d'acquittement du criminel par la cour d'assises. Ce droit n'existe pas : la victime peut faire appel sur ses intérêts civils mais elle ne peut pas demander la tenue d'un second procès pouvant aboutir à l'établissement de la culpabilité pénale du mis en cause. Dès lors, l'acquittement est souvent vécu comme un second traumatisme pour la victime, d'autant qu'il n'a pas seulement pour effet d'innocenter l'agresseur présumé ; aux yeux de la société, il revient aussi à désigner la victime elle-même comme une menteuse potentielle. C'est particulièrement ravageur dans les affaires de violence sexuelle, parfois difficiles à prouver matériellement.
Il faut s'imaginer la détresse d'une victime qui voit le ministère public requérir une très lourde peine puis ne pas faire appel de l'acquittement prononcé par la cour. Il ne s'agit pas de cas isolés : entre 2003 et 2005, les cours d'assises d'appel n'ont eu à juger que 76 affaires dans lesquelles un acquittement avait été prononcé, alors que le nombre d'acquittements annuels dépasse les 200. Il ne fait donc pas de doute que la majorité des acquittements ne sont pas suivis d'une demande d'appel par le parquet.
Le droit d'appel de la victime en cas de relaxe serait en outre le prolongement naturel et cohérent des droits dont bénéficient actuellement les victimes. En effet, la victime déclenche l'enquête en portant plainte, peut passer outre un classement sans suite du procureur par une constitution de partie civile et a la capacité de faire appel des ordonnances de non-lieu du juge d'instruction.
C'est pourquoi des magistrats éminents comme Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation, ont pu défendre l'idée que le droit d'appel de la victime en cas de relaxe ou d'acquittement constituerait une mise en cohérence de notre système juridique.
L'amendement no 958 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 956 .
Je serai plus brève car le présent amendement va dans le même sens que le précédent. Il tend également, en effet, à créer un droit d'appel pour les victimes, mais cette fois en cas de relaxe du mis en cause devant le tribunal correctionnel.
Je le répète, dans la mesure où la victime déclenche l'enquête en portant plainte, où elle peut passer outre un classement sans suite du procureur par une constitution de partie civile et où elle a la capacité de faire appel des ordonnances de non-lieu du juge d'instruction, il est tout à fait légitime qu'elle puisse également interjeter appel lorsqu'elle estime que justice n'a pas été rendue.
L'amendement no 956 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Émilie Guerel, pour soutenir l'amendement no 1586 .
L'amendement no 1586 est retiré.
Chacun aura pu constater que l'Assemblée n'a pas été en mesure d'épuiser l'ordre du jour de cette semaine. Il appartiendra donc à la conférence des présidents de déterminer les conditions dans lesquelles les projets de loi ordinaire et organique pourront être à nouveau inscrits à l'ordre du jour.
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
Prochaine séance, lundi 26 novembre 2018, à seize heures :
Nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2018 ;
Nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
La séance est levée.
La séance est levée à deux heures vingt-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra