Intervention de Stéphane Demilly

Séance en hémicycle du jeudi 6 décembre 2018 à 9h30
Encadrement du démarchage téléphonique et lutte contre les appels frauduleux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Demilly :

Le 15 mai dernier, lors d'une séance de questions au Gouvernement, je me faisais le porte-parole de nombre de nos concitoyens qui nous alertent régulièrement sur ce fléau du démarchage téléphonique qu'ils vivent souvent, à juste titre, comme du harcèlement.

Les personnes les plus exposées à ces appels intempestifs renouvelés quotidiennement sont souvent les plus fragiles et les plus vulnérables, principalement les personnes âgées. Pour ces dernières, être dérangé à toute heure du jour ou de la soirée est particulièrement anxiogène. Certains retraités ne répondent d'ailleurs plus au téléphone pour cette raison, ce qui peut avoir des conséquences fâcheuses en cas d'urgence.

Pour les actifs, recevoir des appels publicitaires pendant la pause déjeuner, le dîner ou durant le week-end, est une importante source d'agacement. Je pense également à ceux qui, travaillant de nuit ou ayant des horaires contraignants, sont régulièrement dérangés pendant leurs périodes de repos.

Si le législateur a pris la mesure du problème, les dispositifs en vigueur sont nettement insuffisants. En 2014, la loi relative à la consommation, dite « loi Hamon », a ouvert le champ au service Bloctel, lancé le 1er juin 2016. Sur cette liste d'opposition téléphonique visant à freiner le démarchage non désiré, les numéros de téléphone sont inscrits pour une durée de trois ans renouvelable et il est interdit aux professionnels d'appeler les personnes inscrites, sous peine d'amende. Le service est géré par la société Opposetel, désignée dans le cadre d'une délégation de service public qui court jusqu'en 2021.

Plus de deux ans après son lancement, l'efficacité de Bloctel ne se ressent pas sur le terrain – doux euphémisme pour dire, si je me fie aux témoignages que je reçois des habitants de ma circonscription, que ce dispositif ne fonctionne pas du tout.

Nous pourrions, à première vue, penser qu'il est simplement méconnu. Pourtant, il y a sept mois, en réponse à ma question, madame la secrétaire d'État à la consommation de l'époque avait parlé de 3,7 millions de personnes et de 8,5 millions de numéros de téléphone inscrits sur Bloctel. Elle avait précisé que « les coordonnées des consommateurs inscrits à ce service ont été retirées de 180 000 fichiers de prospection », ce qui correspondrait selon elle à « plusieurs milliards d'appels évités ».

Toutefois, si l'on compare ces chiffres au ressenti sur le terrain, on constate que le problème se situe ailleurs. En effet, 800 entreprises à peine ont adhéré au dispositif et fait retirer de leurs fichiers de prospection les numéros protégés par Bloctel.

Par ailleurs, Bloctel décide librement de transférer ou non les réclamations à la DGCCRF. Les estimations varient, mais la DGCCRF aurait sanctionné une centaine d'entreprises contrevenantes, ce qui est extrêmement peu rapporté à l'ampleur du fléau.

Les enquêtes sont par ailleurs longues et complexes car certaines entreprises ont élaboré des techniques complexes pour ne pas respecter la réglementation, comme l'usurpation de numéros de téléphone, le recours à de longues chaînes d'intermédiaires ou la localisation à l'étranger.

Par ailleurs, les difficultés intrinsèques à l'organisation du marché des télécommunications rendent difficile de vérifier l'entreprise à laquelle est attribué un numéro de téléphone.

Dans les cas les plus frauduleux, les entreprises souhaitant continuer à démarcher sans se faire bloquer par la liste changent de nom et obtiennent de nouveaux numéros de téléphone leur permettant de recommencer sans que ces numéros soient répertoriés rapidement dans la liste d'opposition gérée par Bloctel.

Mis bout à bout, ces éléments expliquent certainement le ressenti de nos concitoyens. En 2017, un an après la mise en place de Bloctel, une enquête du magazine 60 millions de consommateurs révélait que près de la moitié des personnes inscrites ne percevait aucune diminution du nombre d'appels.

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