Intervention de André Chassaigne

Réunion du jeudi 29 novembre 2018 à 9h05
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Je vous remercie, madame la ministre, pour la précision de votre exposé.

Je voudrais d'abord revenir sur le projet de règlement e-evidence relatif aux preuves électroniques. La prochaine échéance est en décembre 2018 et j'espère une conclusion, ce qui supposerait néanmoins que vous ayez résolu les problèmes qui se posent sur l'efficacité du dispositif, sur son encadrement, sur les modalités de recours et sur la manière d'émettre des ordres de production et de conservation des preuves. Mais avez-vous avancé sur des modalités de sanctions adéquates ? Elles sont indispensables pour que le dispositif soit efficace. Or ce n'est pas facile, vous l'avez d'ailleurs souligné, dans le cadre de l'extraterritorialité.

En cas d'accord, le Royaume-Uni y sera-t-il intégré ou sera-t-il davantage porté à passer un accord bilatéral avec les États-Unis, puisque, comme le disait Churchill, entre l'Europe et le grand large, le Royaume-Uni choisira toujours le grand large…

J'en viens au Parquet européen et au périmètre de son action. Qu'entend-on exactement par le fait de poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union ? Met-on dans ce périmètre d'intervention les questions d'évasion fiscale et de paradis fiscaux ? Je sais que, pour la fraude à la TVA, il faut que le préjudice poursuivi soit supérieur à 10 millions d'euros. Aujourd'hui, l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) peut mener des enquêtes administratives en matière de fraudes aux intérêts financiers de l'Union, mais ses pouvoirs actuels ne lui permettent pas de poursuivre les auteurs. Quand on sait que certains États de l'Union européenne ont des prédispositions à encourager l'évasion fiscale et à alimenter des paradis fiscaux, on peut être dubitatif sur la portée du Parquet européen.

Enfin, je voulais vous interroger sur un point que vous n'avez pas abordé parce qu'il ne figure pas à l'ordre du jour du Conseil Justice Affaires intérieures (JAI) du 7 décembre : il s'agit de la protection des lanceurs d'alerte. La Commission a en effet présenté, le 23 avril 2018, une proposition de directive visant à renforcer la protection des lanceurs d'alerte. Cette initiative est inspirée par la loi française dite Sapin II, adoptée en décembre 2016. Or il semblerait que notre pays freine au niveau européen, dans la mesure où cette directive irait au-delà de la loi Sapin II, par exemple s'agissant du fait que le lanceur d'alerte devrait agir de manière désintéressée ou du fait qu'il doive être personnellement en connaissance de l'information rapportée, ou bien s'agissant du degré de gravité nécessaire pour qu'un signalement soit recevable ou encore de la possibilité d'étendre le droit à l'aide juridictionnelle. La France aurait-elle une approche plus restrictive que d'autres États européens ?

Permettez-moi une dernière observation sur le respect des droits fondamentaux dans l'Union européenne. Jusqu'à quel point peut-on contester des réformes de la justice dans d'autres États européens ? La Pologne, le Hongrie et maintenant la Roumanie sont en ligne de mire. Comme président du groupe d'amitié France-Roumanie de notre assemblée, je suis très sensible à ces questions et je me demande si, à un certain moment, il ne faut pas être un peu plus réservé, de façon à ne pas apparaître comme des donneurs de leçons.

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