« J'ai craqué, j'ai repris la voiture. » C'est ainsi qu'Isabelle, secrétaire administrative de cinquante-deux ans, qui prenait chaque jour le train à Chasseneuil-sur-Bonnieure, dans le département de la Charente, expliquait à un journaliste comment elle a été contrainte de renoncer au TER afin d'aller travailler à Angoulême.
La ligne Angoulême-Limoges, ce sont 118 kilomètres de voies, onze gares et 80 000 voyageurs à l'année. Le ballast date des années 1960, les traverses en bois de 1977 et les autres, en béton, de 1986 – mon année de naissance. Malgré les 23 000 traverses remplacées et les millions d'euros investis afin d'éviter que des tronçons entiers ne soient limités à 40 kmh, la ligne a été « suspendue » – comme on dit pudiquement – en mars dernier.
Comme les nombreux naufragés d'une gestion du réseau ferré caractérisée par des années d'inaction et de déficit d'investissement, cette concitoyenne est pourtant convaincue de l'intérêt du TER. Les lycéens, les apprentis, les professionnels et les entreprises implantées tout le long de la ligne – désireuses d'un accès au transport de fret – en sont eux aussi convaincus.
Ils attendent beaucoup de cette ligne, qui est décisive pour de nombreux enjeux : le renforcement du noeud ferroviaire d'Angoulême, soumis à des objectifs en matière de nombre de voyageurs pour le maintien de sa desserte LGV, assortis d'une « clause de revoyure » en 2027 ; le désenclavement de Limoges, favorisé par cette ligne transversale permettant un accès à la LGV desservant Angoulême et l'océan via Royan ; enfin, le développement et l'intégration de cette France périphérique, rurale, qui fait entendre sa colère comme sa volonté de développement.
L'annonce de la mise en deux fois deux voies du dernier tronçon de la RN 141, parallèle à la ligne Angoulême-Limoges, est accueillie favorablement, mais ne saurait constituer une réponse satisfaisante et cohérente avec les objectifs du projet de loi d'orientation des mobilités. Le 12 novembre dernier, à la demande de Mme Borne, le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a réuni les acteurs locaux, sans co-invitation avec celle-ci, ce que je regrette. Un premier chiffrage de la réouverture de la ligne, à 150 millions d'euros, a été évoqué. Trois des 10 millions d'euros de crédits du contrat de plan État-région encore disponibles pour cette ligne pourraient être fléchés afin de financer une étude établissant précisément les travaux nécessaires.
Aussi aimerais-je connaître les mesures que le Gouvernement ne manquera pas de prendre pour rouvrir cet axe, qui s'inscrit dans la logique de la politique suivie.