Madame la ministre de la justice, garde des sceaux, en demandant à son administration de la justice d'être sévère à l'égard des gilets jaunes, le Président de la République nous rappelle le peu de cas que la tête de l'État fait de l'indépendance de la justice, proclamée à tous les instants et dont lui-même se trouve être le garant.
La dépendance est aussi bien pratique que théorique, car, au pays de Montesquieu, l'administration de la justice n'est pas un pouvoir, mais une autorité dépendante de l'exécutif, un instrument du pouvoir. Le message est entendu et une répression judiciaire sans précédent est en action. La clémence n'est pas accordée aux gilets jaunes et l'État de droit, qui a pour objet de légitimer l'action publique, ne s'applique qu'aux individus dangereux que la lâcheté et le manque de place en prison laissent en liberté.
Oui, l'État de droit est considéré par nos compatriotes comme quelque chose d'incompréhensible, éloigné de leurs préoccupations et au service d'un petit nombre de privilégiés. Si un doute subsistait encore à cet égard, les récentes démonstrations judiciaires de la campagne de l'élection présidentielle ont montré qu'il y avait bien deux poids et deux mesures dans ce domaine et que celles-ci pouvaient exercer leurs ravages dans la zone théoriquement protégée du débat démocratique.
Les difficultés dans lesquelles se débat aujourd'hui votre gouvernement – votre pouvoir, au sens large – tiennent en grande part à l'usage qui fut fait, lors de la campagne présidentielle, de l'administration de la justice, en particulier du parquet national financier.
Mettre sous le même vocable de « justice » l'action de poursuivre et l'action de juger ressortit à l'ambiguïté française. C'est le règne de la confusion des genres. Ce n'est pas nouveau mais, dans le contexte de l'élection présidentielle, c'est le coeur du dispositif démocratique qui a été touché. On ne peut donc plus réformer, mais il faut refonder.
La réponse se trouve dans l'organisation de la sécurité des Français, mission régalienne essentielle, et de la justice, dont je brosse ici les grands traits.
La justice s'exerce dans les tribunaux, dont l'indépendance est fondamentale pour son exercice. Il faut donc s'engager vers l'élection des magistrats exerçant dans les tribunaux. Seule l'élection assurera l'indépendance effective de nos juges. C'est ce qu'on définit communément comme étant le pouvoir judiciaire.
À l'indépendance devra correspondre la proximité avec les justiciables. La sécurité met en oeuvre des policiers, des structures et des magistrats. C'est le regroupement de ces personnels dans un grand ministère de la sécurité qui donnera l'efficacité nécessaire que souhaitent les Français face à la montée inexorable de la criminalité.
La mise en oeuvre d'un pouvoir judiciaire est à l'ordre du jour. Dans les faits, n'est-il pas temps, madame le ministre, de le mettre en mouvement ?
Certes, ce changement est du domaine constitutionnel. Un référendum sur ce sujet a toute sa place dans la République française. Le référendum d'initiative populaire pourra sans aucun doute s'en saisir.