« Rétablir la confiance de nos concitoyens dans notre justice », tel a été le fil rouge de nos réflexions pendant les cinq mois de débats sur le projet de réforme de notre justice, les deux lectures et l'examen de plusieurs milliers d'amendements devant le Parlement.
Aujourd'hui, au terme de nos échanges toujours francs et directs, je veux souligner à nouveau, madame la ministre de la justice, l'esprit de concertation et d'écoute qui vous a animée pendant les pré-débats, organisés notamment autour des recommandations des professionnels recueillies lors de vos rencontres sur nos territoires au plus près du terrain et des conclusions des chantiers de la justice, lancés le 6 octobre 2017 à Nantes. En cela, et parce que la concertation s'est tenue tout au long du processus législatif, chacun reconnaîtra que cette réforme a bel et bien été préparée et construite point par point, loin des méthodes à la hussarde de certains de vos prédécesseurs.
Le défi d'une justice plus proche, plus simple, plus efficace, plus accessible pour tous les justiciables, a, je le crois, été relevé. Le texte actuel répond aux besoins et aux attentes de nos concitoyens, qui veulent désormais saisir, comprendre et suivre leur justice, comme ils peuvent le faire avec d'autres services publics.
La justice du XXIe siècle ne pouvait pas continuer à échapper aux aspirations et aux novations de la société dont elle assure le trait d'union et, surtout, la cohésion. Sa mutation vers plus de modernisme et de simplicité est devenue nécessaire, indispensable même, car le sentiment de justice ne peut exister que si la justice est connectée à la réalité, que si elle s'en approche au plus près.
C'est parce que cette réforme se veut non seulement extrêmement ambitieuse, notamment sur son volet pénal, avec le tribunal criminel départemental et le parquet national antiterroriste, mais aussi pragmatique, en particulier sur son volet civil, qu'elle doit s'accompagner des moyens indispensables à la mutation de la justice.
Ce projet de loi de programmation accompagne une grande réforme, en actant une augmentation du budget de plus de 25 % et la création de 6 500 emplois à l'horizon 2022, ainsi qu'en réaffirmant la volonté de développer la conciliation.
Il ne se traduit donc pas par une déjudiciarisation des procédures, sous couvert d'instaurer une politique d'austérité budgétaire. Bien au contraire, il répond aux attentes des Français qui, aujourd'hui, veulent comprendre et ne plus se heurter à des frais insurmontables les obligeant souvent à renoncer plutôt qu'à ester.
Le recours obligatoire à la médiation n'est pas un déni de justice : au contraire, il privilégiera la résolution amiable d'un conflit car tous les différends n'ont pas vocation à devenir conflictuels. La conciliation, la médiation ou la procédure participative élargies aux litiges du quotidien et aux troubles anormaux de voisinage rendent enfin la justice lisible et sa saisine facile pour ceux et celles qui hésitent, car les procédures, aujourd'hui, sont inintelligibles, chronophages et onéreuses.
Ces tentatives de conciliation sont autant de réponses rapides, simples et abordables. Dans un divorce, par exemple, un acte souvent intimement douloureux, les tensions déjà largement exacerbées suffisent souvent à traumatiser. Aussi, pourquoi s'obstiner à trouver un intérêt à la saisine du juge sauf à vouloir tendre des relations que l'on aurait tout à gagner à apaiser ?
La dématérialisation des procédures et des décisions ne déshumanise pas. Bien au contraire, la réforme est opportune quand elle supprime des formalités inutiles et complexes ou quand elle réduit le temps procédural. Confrontés à une multiplicité de procédures illisibles, reposant parfois sur des systèmes d'information et des procédures archaïques, les Français réclament de la simplicité et de la fluidité. Le projet clarifie le dispositif, en proposant d'évoluer progressivement vers deux types de procédure, et en limitant les formes de saisine.
À ceux qui craignent l'éloignement du magistrat, le projet se défend en osant une organisation de première instance simplifiée, pour un justiciable enfin orienté.
Enfin, à ceux qui redoutent un dévoiement de la justice ou une perte de compétences, le projet de loi assume de recentrer les juridictions sur leur mission essentielle de trancher les litiges.
Toutes les implantations actuelles sont maintenues. Cela permet bel et bien de répondre au besoin de proximité et d'accessibilité de la justice.
Aucun lieu de justice ne sera fermé. Mais une justice efficace passe aussi par des juridictions spécialisées : la fusion administrative des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance, sans disparition des juges d'instance, garantit le maintien d'un juge de la proximité pour les litiges de proximité, ceux de la vie quotidienne.
Aussi, madame la ministre, nous saluons ici les bases fondamentales d'une justice qui sait s'adapter aux besoins de nos contemporains et répondre aux défis que notre société du XXIe siècle doit relever. Avec ce projet, notre justice reste le trait d'union nécessaire entre liberté et sécurité, le contrat social qui soude une société dans un État de droit.