La création, en 1996, d'un statut de travailleur détaché devait encourager la mobilité des citoyens européens et permettre ainsi des ajustements temporaires de main-d'oeuvre. Mais cet objectif a souvent été dévoyé à des fins de dumping social illégal. Plus l'Union européenne s'est élargie, plus le travail détaché a progressé et plus les dérives et les abus ont pris le pas sur l'idéal que nous souhaitions atteindre. Certaines entreprises ont exploité à des fins de concurrence déloyale les différences existant en droit du travail entre les pays de l'Union européenne, bafouant au passage les droits de ces travailleurs détachés. Je peux en témoigner puisque j'ai assisté, dans ma circonscription, à une véritable délocalisation à domicile dans le cadre de la construction du terminal méthanier de Dunkerque. Deuxième plus grand chantier industriel de France à l'époque, ce projet de plus d'un milliard d'euros devait « booster » le territoire et créer de l'emploi au niveau local. Hélas ! 800 des 1 700 salariés présents sur le site étaient originaires d'autres pays européens. Beaucoup d'entre eux avaient été embauchés pour des raisons liées à leurs compétences et à leur disponibilité. Mais j'ai pu constater alors les conditions lamentables dans lesquelles ces travailleurs ont été accueillis et hébergés.
Le coeur du problème n'est pas le travail détaché, mais la fraude au travail détaché. En effet, les entreprises ne respectent pas le noyau dur du droit français applicable aux salariés détachés, comme le salaire minimum, la durée du travail ou encore les conditions de travail et d'hébergement. Certaines d'entre elles ne prennent pas non plus la peine de déclarer préalablement leurs travailleurs.
Le populisme se nourrit de l'opacité. Il nous faut donc clairement expliquer à nos concitoyens les tenants et les aboutissants du travail détaché et, surtout, rappeler que la France, quatrième pays d'envoi, fournit également son lot de travailleurs détachés, composé de plus de 152 000 travailleurs détachés.
La suppression sèche du régime des travailleurs détachés que vous nous proposez aujourd'hui n'a pas de sens. Nous partageons votre détermination à signaler les abus, mais nous n'adhérons nullement au procédé théâtral que vous employez. La suppression du régime signerait très clairement le retour à l'immigration de travail, au travail dissimulé ; vous ne régleriez pas le problème de fond et la situation des travailleurs n'en serait que plus précaire.
Plutôt que pour l'interdiction illégale et contraire au droit que vous nous proposez, le groupe UDI, Agir et Indépendants plaide pour une lutte renforcée contre la fraude et les abus ainsi que pour une aggravation des sanctions, encore trop peu nombreuses et non dissuasives. Nous voterons donc contre ce texte, préférant travailler à des solutions moins dogmatiques et plus pragmatiques, pour enfin mettre un terme à ces situations abusives qui mettent à mal la protection des travailleurs et la loyauté de la concurrence.