Comme je l'ai fait en commission, je souligne tout d'abord la qualité des travaux menés par le rapporteur du texte, M. Moetai Brotherson. Fait suffisamment rare pour être relevé et salué, il a soumis le texte dont nous allons débattre au Conseil d'État pour avis. Nous avons donc pu travailler à partir d'éléments et de recommandations très précis. Le rapporteur a d'ailleurs repris, pour partie, ces recommandations.
J'en viens au texte lui-même. Malgré une filiation évidente avec la loi pour la confiance dans la vie politique, dite « loi confiance », que nous avons adoptée en 2017, et avec la loi relative à la transparence de la vie publique, votée par nos prédécesseurs, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés demeure réservé.
En juillet 2017, nous avons adopté un dispositif rendant obligatoire le prononcé d'une peine d'inéligibilité de dix ans à l'égard de tout membre du Gouvernement ou titulaire d'un mandat électif coupable de l'un des crimes ou délits visés à l'article 131-26-2 du code pénal. C'est une liste d'une quarantaine de délits, de nature et de gravité diverses, pour lesquels l'ajout d'une peine complémentaire d'inéligibilité se justifie pleinement, compte tenu de la nécessaire exemplarité des élus.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui vise à porter à trente ans le maximum de la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité, voire à permettre le prononcé d'une peine d'inéligibilité à vie. Le groupe MODEM partage certaines des observations formulées par le Conseil d'État à ce propos. Nous nous interrogeons notamment sur deux points.
D'une part, nous nous demandons s'il est opportun de modifier dès à présent la loi confiance, compte tenu du peu de recul dont nous disposons. La disposition que j'ai citée n'a jamais été appliquée à ce jour. Comme l'a indiqué le Conseil d'État dans son avis, il n'existe, pour le moment, aucune évaluation ou décision de justice dont la teneur pourrait nous amener à revenir sur les dispositions de la loi confiance.
D'autre part, ainsi que nous l'avons précisé en commission, nous ne pouvons pas apporter notre plein soutien à cette proposition de loi en raison des dispositions prévues dans son article 2. En l'état actuel du texte, cet article tend à faire de l'exercice d'un mandat ou d'une fonction gouvernementale une circonstance aggravante. Or il nous semble délicat de créer une circonstance aggravante qui soit dépourvue de lien avec l'infraction concernée. En outre, pour certains délits, avec la rédaction que vous proposez, vous feriez de l'un des éléments constitutifs de l'infraction une circonstance aggravante, ce qui pose un problème juridique. Le groupe MODEM se prononce donc pour la suppression de l'article 2.
Malgré ces réserves, le groupe MODEM a accueilli ce texte avec un grand intérêt, dans la mesure où il soulève à nouveau la question de la probité des personnes exerçant un mandat ou une fonction gouvernementale. Dans le contexte que nous connaissons depuis plusieurs années, nous ne pouvons ignorer cette question.
Notre groupe, je le répète, a accueilli ce texte avec un grand intérêt. Il a saisi l'occasion qui lui était ainsi offerte pour déposer un amendement, déjà défendu au cours des débats sur la loi confiance, qui vise à rendre inéligibles les personnes faisant l'objet d'une condamnation pour fraude fiscale, même lorsqu'elles n'étaient pas constituées en bande organisée et qu'elles n'ont pas procédé à l'ouverture d'un compte bancaire à l'étranger, créé de société écran ou encore eu recours à de faux documents. Ce dispositif, élaboré par notre collègue Laurence Vichnievsky, vise à élargir le champ des délits passibles d'une peine d'inéligibilité quasi automatique, lorsqu'ils sont commis par un élu ou un membre du Gouvernement.
Vous le voyez, monsieur le rapporteur, nous partageons votre souhait d'une plus grande exemplarité et d'une moindre opacité. La probité que vous appelez de vos voeux est indispensable de la part des élus et des membres du Gouvernement. Votre texte a le mérite de nous pousser à développer encore nos réflexions sur ces sujets et à nourrir une ambition toujours plus grande en la matière. Toutefois, la proposition de loi dans sa version actuelle n'emporte pas l'adhésion du groupe MODEM.