Ce texte, que soutiendra le groupe La France insoumise, est sans doute né d'un constat : notre pays traverse une crise démocratique très grave, marquée par un fort discrédit de la classe politique. C'est ce point que je vais développer, sans m'éloigner de la proposition de loi.
Indiscutablement, quelle que soit l'appréciation que nous portions sur eux, la contestation des gilets jaunes ou d'autres mouvements sociaux semblent traduire la diminution, voire la disparition totale du consentement à l'autorité. Ils révèlent une défiance sur laquelle nous devons nous interroger inlassablement, car il faut trouver le moyen de renouer le lien indispensable entre nos concitoyens – le peuple – et ceux qui ont reçu mandat d'agir en son nom.
Les indices du phénomène sont nombreux, à commencer par l'abstention, qui ne doit jamais rester dans l'angle mort de nos analyses. Quand le peuple ne se déplace pas aux rendez-vous électoraux, nous devons non considérer qu'il n'avait qu'à venir, mais nous demander pourquoi il ne l'a pas fait, pourquoi il pense que cet acte si important est devenu inutile.
Si nous voulons que la confiance revienne et que les représentants politiques soient plus intègres, nous devons aussi nous interroger sur les conditions de fonctionnement de notre système électoral. Aujourd'hui, on ne peut banaliser le fait que nos institutions donnent beaucoup de pouvoir à des représentants élus par une minorité d'électeurs.
C'est un point essentiel. Si, de plus en plus nombreux, nos concitoyens sont gagnés par la colère, c'est qu'ils ne se sentent plus représentés par leurs élus. Ce sentiment n'est d'ailleurs pas illégitime, puisque ceux-ci n'ont pas été désignés par la majorité.
C'est à ce problème que nous devons nous attaquer. L'impératif démocratique exige l'exemplarité. Les élus doivent rendre des comptes devant le peuple, qui doit rester souverain. Or on ne peut travailler à restaurer l'intégrité dans la vie politique sans s'interroger sur la crise profonde que connaissent les institutions de la Ve République. Les lois tendant à moraliser la vie politique sont certes des outils, mais elles ne nous seront d'aucun secours si nous faisons l'économie d'une réflexion plus générale.
Saisissons l'occasion de rappeler la nécessaire vertu républicaine. Qu'est-ce que la vertu, sinon la volonté d'agir pour l'intérêt général, pour le bien commun ? Je le répète : nous devons forger ensemble des institutions nouvelles. Vous connaissez notre projet. Nous souhaitons qu'une assemblée constituante mette à bas les institutions actuelles qui tiennent le peuple à distance, ou qui nous permettent de nous satisfaire de ce que celui-ci ne vienne plus voter, parce qu'il est convaincu – sur la base de faits vérifiables – que ses élus n'appliqueront pas leur programme.
Je ne nie pas que certaines mesures de moralisation aient été prises. L'affaire Cahuzac aura du moins eu l'intérêt de faire évoluer la législation. La loi relative à la transparence de la vie publique de 2013 a créé une obligation de déclaration d'intérêts pour les responsables publics et donné naissance à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Le cumul des mandats est désormais interdit. Mais ces mesures sont très insuffisantes. Pardon de le dire : elles constituent même parfois des écrans de fumée. Ainsi, les moyens dont dispose la Haute Autorité ne lui permettent peut-être pas de procéder à toutes les vérifications.
Malgré tout, on avance lentement vers davantage de probité. Nombre d'organisations internationales, dont Transparency International ont observé qu'en France, beaucoup d'élus avaient été condamnés après la promulgation des lois de moralisation de la vie publique.
Sans volonté polémique et sans en faire non plus une affaire personnelle, j'affirme solennellement à cette tribune que le président de l'Assemblée nationale a pris une mauvaise décision en nommant Alain Juppé au Conseil constitutionnel.
Celui-ci pouvait fort bien, après sa condamnation et après avoir purgé sa peine, se représenter aux élections. Il a été maire de Bordeaux. Soit ! Je ne pense pas qu'une sanction doive s'exercer durant toute la vie. Mais le Conseil constitutionnel est censé être une assemblée de sages, qui doivent prendre de la hauteur et mériter la confiance de nos concitoyens. Leur action vise au respect de la loi. C'est pourquoi une telle nomination me semble discutable.
Je rappelle enfin que le référendum d'initiative citoyenne est sans doute l'outil le plus fort dont puissent disposer les citoyens pour contrôler les élus. Hélas, vous l'avez rejeté dernièrement, quand, à la faveur d'une niche parlementaire, nous vous avons proposé de l'adopter.
Quoi qu'il en soit, nous soutiendrons la proposition de loi, mais nous pensons qu'il faut l'améliorer et l'enrichir en offrant aux citoyens une possibilité d'intervention.