Notre procédure parlementaire a ceci de cocasse qu'une proposition de loi dont les travaux préparatoires ont été conduits en 2013 peut nous arriver six ans et deux lois majeures pour les entreprises plus tard. Comme quoi, en toute chose, il faut savoir être à la fois patient et opiniâtre.
Six ans, c'est long, surtout quand on décide vaillamment, comme l'a fait notre collègue sénateur, de s'attaquer au code des sociétés, et de proposer soixante mesures de simplification et de toilettage nécessaires d'un code que le législateur garde vivant, comme l'est son objet, l'entreprise.
De cette longue période, je retiendrai deux textes majeurs pour les entreprises : la loi Sapin 2, qui comportait des mesures relatives à la modernisation de la vie économique, et plus récemment, le Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises, c'est-à-dire le projet de loi PACTE. Chacun a apporté des évolutions majeures pour les entreprises, d'un point de vue économique, social et même sociétal. Chacun a pu avoir des incidences sur de nombreux codes qui ont trait à la vie des entreprises : le code des sociétés, mais aussi les codes de commerce, des impôts, de l'environnement et même le code civil.
En tant que membre de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi PACTE, je me suis demandé pourquoi les dispositions que nous allons étudier ce soir dans cette proposition de loi n'y avaient pas été simplement intégrées. Outre le respect du travail de fond mené par les sénateurs Thani Mohamed Soilihi et André Reichardt, je vois au moins deux autres raisons d'étudier ce texte séparément.
Premièrement, ses propositions ont une cohérence quant à leur destination et à leurs objectifs : ne créer aucune norme nouvelle mais supprimer des normes trop contraignantes ou en assouplir certaines.
Deuxièmement, il s'agit d'un texte technique qui s'adresse, en réalité, plus aux juristes qu'aux chefs d'entreprise que cette matière complexe dépasse un peu, alors que la loi PACTE s'adressait directement et concrètement aux entrepreneurs.
C'est sûr, un texte qui n'invente pas de nouvelles règles et ne fait pas appel à la créativité débridée du législateur peut nous paraître un peu frustrant. Reconnaissons, cependant, qu'avec plus de 200 articles, le projet de loi PACTE nous a donné l'occasion, que nous avons largement saisie, d'exprimer notre créativité et d'apporter notre expertise économique en vue d'améliorer la vie des entrepreneurs.
Parce que nous ne sommes pas les premiers, et sûrement pas les derniers non plus, à modifier les différents codes pour les adapter à la vie des entreprises qui évoluent plus vite que la loi, je salue le travail qui nous est présenté ce soir par ma collègue et rapporteure du texte, Mme Typhanie Degois. J'en loue, en particulier, la précision, car, dans les relations commerciales comme en beaucoup de matières, le diable se niche souvent dans les détails. Se pencher avec précision, méthode et application sur les codes qui régissent la vie de nos entreprises, croyez-en une ancienne chef d'entreprise, ça compte !
Pour ma part, je m'arrêterai, ce qui ne surprendra personne, sur les articles qui concernent les missions des commissaires aux comptes.
À l'article 39, tout d'abord, on donne la possibilité à une société par actions simplifiée, qui n'est pas soumise à l'obligation de nommer un commissaire aux comptes, de faire appel à un professionnel dans le cadre d'une augmentation de capital par compensation de créance, sans que cela devienne une obligation pérenne. Cette disposition, pour moi, est emblématique du bien-fondé et de la pertinence de ce travail, car elle permet tout à la fois de sécuriser une transaction qui n'intervient pas tous les jours dans une vie de chef d'entreprise, et surtout, de le faire dans un cadre souple et libre, ce qui correspond parfaitement à l'esprit du projet de loi PACTE.
L'article 53 va enfin permettre aux commissaires aux comptes de partager, sans trahir leur obligation de secret professionnel et après en avoir informé l'entreprise concernée, leurs remarques et leur vision de la pérennité et de la solidité de celle-ci avec certains confrères soumis aux mêmes règles déontologiques qu'eux.
Enfin, parce que nous partageons tous l'objectif de sécurisation des entreprises, notamment quand elles sont organisées en groupes dont les comptes sont combinés, la nomination de deux commissaires aux comptes pour un co-commissariat constitue à la fois une reconnaissance de l'utilité de ce regard croisé et une exigence de sécurité dans une forme de groupe très spécifique.
Vous l'aurez compris, après avoir transposé la directive européenne de 2016 et transformé en profondeur les conditions d'intervention des commissaires aux comptes dans les TPE et les PME, tout en les accompagnant dans cette transformation, il était utile de compléter ces mesures par le travail extrêmement détaillé de nos collègues.
Ces quelques articles illustrent pour moi l'esprit de ce texte, qui recherche dans le détail – là où se niche le diable – la simplification et le pragmatisme dont nos entreprises ont tant besoin.
Saluons donc le travail et la ténacité de nos collègues auteur et rapporteur de ce texte, et suivons l'exemple de nos collègues sénateurs : votons tous ensemble cette proposition de loi qui donnera à nos entreprises un peu de liberté et de sécurité.