Nous examinons cet après-midi, à l'initiative de nos collègues du groupe Les Républicains, une proposition de loi constitutionnelle visant à lutter contre la sur-réglementation. En préambule, je tiens à vous assurer que le Gouvernement et la majorité partagent l'objectif de maîtrise de l'inflation normative, et que la majorité travaille déjà à la lutte contre la sur-réglementation. Ce mouvement s'inscrit d'ailleurs dans la droite ligne des différentes mesures de simplification prises depuis plusieurs décennies, tâche que nous devons poursuivre.
En effet, la maîtrise du flux des textes réglementaires est un enjeu important, notamment pour nos entreprises et nos collectivités. Traduction d'une politique publique, la norme peut aussi être une contrainte pour la compétitivité des entreprises, l'administration des collectivités territoriales, le fonctionnement des services déconcentrés et la vie quotidienne de nos concitoyens. La complexité, l'empilement et le nombre des normes font de la maîtrise de la production réglementaire un enjeu d'efficacité de l'action publique et de démocratie.
Cependant, le présent texte suscite plusieurs interrogations, de diverses natures.
Sur la forme, d'abord, nous considérons que les dispositions proposées ne sont pas de niveau constitutionnel.
De plus, les deux articles du texte se rattachent à l'article 37-1 de la Constitution, relatif aux expérimentations de nature législative ou réglementaire : ils sont donc sans lien avec lui.
Au surplus, en application de l'article 89 de la Constitution, c'est un référendum qui devrait conclure le parcours législatif de cette proposition de loi constitutionnelle. Doit-on vraiment imaginer un référendum sur un texte comme celui-ci, quand bien même le sujet est important ?
Cette proposition de loi constitutionnelle n'assurerait de surcroît aucune sécurité juridique à nos entreprises, ce qui est paradoxal au vu de son exposé des motifs, qui évoque l'intention de faciliter leurs activités quotidiennes. Tel qu'il est rédigé, il leur serait même hautement préjudiciable car elles ont avant tout besoin, en matière juridique, de stabilité et de visibilité. Si l'objectif est louable, nous devons nous attacher à garantir aux différents acteurs économiques une réglementation lisible et stable, et à travailler avec méthode. De ce point de vue, il ne s'agit pas de supprimer des règlements ou des textes de loi de façon aléatoire et sans aucune évaluation.
La suppression pure et simple d'une loi ne permet pas d'assurer la sécurité juridique que réclament nos entreprises. Le préalable absolument nécessaire à la suppression d'une loi, c'est l'évaluation de son impact et de son efficacité.
Le projet de révision constitutionnelle proposait à cet égard de rénover les missions d'évaluation dévolues au Parlement en réservant, dans l'organisation des sessions parlementaires, une semaine à l'évaluation, et, nouveauté, à des propositions de loi venant corriger des dispositions devenues inadaptées ou supprimer des mesures devenues inutiles.
La maîtrise du flux des textes réglementaires constitue la première étape d'un exercice plus vaste de simplification normative qui a vocation à porter également sur les textes de loi. Dans le cadre de la révision constitutionnelle qui devra être étudiée par notre assemblée, il reviendra ainsi au Parlement de définir les modalités d'un meilleur encadrement de la production législative, en accord avec la volonté exprimée par le groupe Les Républicains dans la présente proposition de loi constitutionnelle.
Quant au fond, je répète que le Gouvernement et la majorité sont déjà au travail pour lutter contre la sur-réglementation.
La circulaire relative à la maîtrise des textes réglementaires et de leur impact, signée par le Premier ministre le 26 juillet 2017, pose plusieurs bases permettant de s'attaquer au flux et au stock de dispositions réglementaires : un principe de double compensation selon lequel toute nouvelle norme réglementaire doit être compensée par la suppression ou, s'il est avéré que c'est impossible, par la simplification d'au moins deux normes existantes ; l'évaluation par chaque ministère, avec l'appui du secrétariat général du Gouvernement, du stock de normes que recouvre son champ de politique publique propre ; le principe d'interdiction des surtranspositions de directives européennes ; enfin, le principe de prohibition des mesures sans portée normative. Cette circulaire couvre donc les dispositions qui figurent à l'article 1er du présent texte.
Une autre circulaire, en date du 26 septembre 2017, a fixé les objectifs du programme de transformation « action publique 2022 ». Ce programme comprend cinq chantiers transversaux de transformation, parmi lesquels celui consacré à la simplification administrative et à la qualité des services, dont les enjeux sont essentiels. Car la réduction des charges administratives est nécessaire, à la fois pour établir un lien de confiance entre la société et l'administration, pour délivrer les citoyens, les entreprises et les collectivités territoriales des contraintes qui brident leurs capacités d'innovation, et pour remobiliser les agents.
L'excès de normes est pénalisant pour la compétitivité des entreprises, l'emploi, le pouvoir d'achat et les services publics.