Dotons-nous d'une liste crédible des paradis fiscaux, fondée sur des critères justes et sur la réalité fiscale mondiale, et assortissons-la de sanctions équilibrées, à l'instar de celle proposée par notre groupe l'an dernier. Interdisons aux banques françaises d'opérer dans les paradis fiscaux dès lors que cette implantation correspond à un souhait manifeste d'éluder l'impôt !
Renforçons les sanctions à l'égard des délinquants en col blanc pour les priver de leurs privilèges. Renforçons les prérogatives des salariés dans les entreprises, dont ils sont parfois victimes des agissements fiscaux : on l'a vu récemment avec McDonald's. Il est désormais évident que les représentants du personnel jouent un rôle essentiel dans la bataille contre la fraude, l'évasion et l'optimisation fiscales. Ils doivent être informés et consultés sur la politique de prix de transfert de l'entreprise et sur les cessions d'actifs au sein d'un même groupe.
Face aux bataillons de fiscalistes qui oeuvrent en sous-main pour optimiser toujours plus l'impôt, aux frontières de la légalité, dotons-nous, non d'une police, mais d'une armée, d'une armée fiscale ! Plutôt que de les fragiliser, renforçons les effectifs du contrôle fiscal, de la direction générale des finances publiques et des douanes ! Ces postes rapportent plus qu'ils ne coûtent : voilà qui devrait rassurer les défenseurs des logiques comptables appliquées à l'État.
Simplifions notre droit fiscal, sa complexité faisant le nid des évadés en tout genre. Luttons efficacement contre la fraude à la TVA, fraude qui nous coûte chaque année 20 milliards d'euros. Sur ce point, certaines propositions récentes de nos collègues Ugo Bernalicis et Jacques Maire méritent d'être creusées.
Récompensons, au niveau local, les entreprises fiscalement vertueuses, notamment dans les marchés publics ouverts par les collectivités. Avançons au niveau européen vers la convergence par le haut pour lutter contre le dumping fiscal et social : faisons le à vingt-sept ou, si nécessaire, à moins, mais avançons enfin pour que disparaissent progressivement ces pratiques fiscales dommageables, ces taux d'imposition zéro, ces accords secrets entre gouvernements et multinationales et cette opacité qui conduisent à siphonner les voisins.
De tels agissements ne sont plus possibles dans un marché où circulent librement les capitaux, sans contrôle et sans restriction : ils conduisent l'Europe vers l'abîme. L'Europe y va tout droit, elle qui s'obstine à réduire toujours davantage la fiscalité des plus riches et des grands groupes, fragilisant ainsi le financement de l'action commune. Comment peut-on encore accepter que quelques-uns des pires paradis fiscaux du monde se trouvent à nos frontières ? Comment peut-on accepter que nos grands groupes en profitent pour y localiser opportunément certaines de leurs filiales ?
Voilà bien l'une des raisons majeures du délitement de l'Union européenne : ce projet politique a été remplacé par un projet économique qui, de nature libérale, technique et comptable, conduit à recul des droits sociaux et à la précarité ; c'est le projet devenu aveugle d'une Europe fantôme, car incapable d'appréhender les fractures auxquelles il conduit, incapable d'appréhender les urgences qui nous font face, au premier rang desquelles l'urgence environnementale. Sans un changement de paradigme, en particulier sur la fiscalité, l'Europe entrera définitivement dans son crépuscule.
À l'échelle mondiale, vous l'avez dit, les discussions avancent au niveau de l'OCDE, et c'est tant mieux. Nous serons très attentifs quant à leur dénouement. Mais d'autres leviers doivent être mobilisés. Nous ne saurions rester les bras croisés et attendre que la fumée blanche sorte des salles de négociation de l'OCDE ! Car c'est bien l'ensemble des États qui sont victimes de l'évasion fiscale, et plus particulièrement les pays en développement, qui voient 100 milliards d'euros leur échapper chaque année. Il faut mener la bataille jusqu'aux Nations unies.
Organisons, comme nous avons pu le faire en matière environnementale, une grande COP – conférence des parties – fiscale et financière réunissant tous les États autour de la table. La COP environnementale est en situation d'échec aujourd'hui, me direz-vous. Peut-être, momentanément. Nous croyons cependant aux vertus du multilatéralisme et à ses réussites concrètes. Avec une COP fiscale placée sous l'égide des Nations unies, la France disposerait d'un outil diplomatique puissant, à même de réunir un très grand nombre nombre d'États et de déboucher sur des solutions concrètes. Nous en proposons deux : d'une part, créer un registre mondial des détenteurs des sociétés, afin de lutter contre l'opacité ; de l'autre, doter les Nations unies d'une véritable unité chargée de la lutte contre l'évasion fiscale. Au sein de l'ONU, seules deux personnes travaillent sur ce sujet à l'heure actuelle. Allons plus loin !
Pour conclure, monsieur le ministre, j'ai une question à vous poser. En décembre dernier, au plus fort du mouvement social, le Président de la République avait annoncé des initiatives pour contraindre tous les dirigeants des grands groupes français à payer leurs impôts en France.