L'intitulé des deux textes qui nous sont soumis aujourd'hui ne laisse évidemment pas indifférents les membres du groupe Libertés et territoires, puisqu'il s'agit d'« autonomie ». Ce mot, qui revient à plusieurs reprises dans la déclaration politique de notre groupe, est souvent tabou sur les bancs de cette assemblée, alors qu'il est, pour la sensibilité que je représente en Bretagne, un objectif politique à atteindre pour une plus grande efficience de l'action publique, tout simplement.
Nous sommes donc heureux de pouvoir contribuer, à l'occasion de l'examen de ces textes, à démythifier le terme d'autonomie, qui, je le répète et j'insiste, ne signifie absolument pas « indépendance ». Vous comprendrez donc que, lorsque nous entendons, dans la bouche de représentants gouvernementaux, des expressions telles que « oui à l'autonomie, mais dans la République », cela nous fait évidemment sourire.
Évidemment, « dans la République » ! L'autonomie consiste à donner à un territoire et à ses habitant les outils politiques nécessaires à 1'accession à la pleine responsabilité pour, je le disais, une meilleure efficacité des politiques publiques – ce que d'aucuns appellent « émancipation » – , mais toujours dans le cadre contraint des relations nouées entre l'État et les collectivités concernées, qui déterminent la répartition des rôles de chacun.
Nous sommes ainsi heureux de pouvoir montrer, par l'exemple de la Polynésie française, que, bien sûr, l'autonomie au sein de la République existe. Il ne peut d'ailleurs en être autrement, je le répète. Le cas encore plus abouti de la Nouvelle-Calédonie, qui confine à un modèle fédéral, nous montre que la Constitution peut être assez souple pour accepter une diversité interne, pour peu que la volonté politique existe localement, bien sûr, mais aussi au sommet de l'État, afin de reconnaître les aspirations légitimes exprimées par les territoires.
Pour en venir plus précisément au territoire qui nous intéresse aujourd'hui, nous estimons que n'avons pas à nous immiscer dans les affaires intérieures de la Polynésie.
La question de la relation de la Polynésie à l'État, qui est éminemment politique, doit être débattue par le peuple polynésien lui-même, dans toute la sérénité qu'elle commande. C'est en effet à ses habitants et à ses représentants élus, et à eux seuls, de définir en conscience le chemin qui doit être le leur, qu'il s'agisse d'une autonomie renforcée, pouvant allant jusqu'à celle dont bénéficie la Nouvelle-Calédonie, ou même de l'indépendance.
Dès lors, nous concevons bien que c'est à l'aune de leur vision de ce que doit être ce chemin que les principales forces politiques de ce pays se déterminent sur ces deux projets de loi. Pour sa part, le groupe Libertés et territoires regarde avec attention et intérêt les évolutions de ce statut d'autonomie. Aussi estimons-nous que l'oeuvre que réalisent ces deux projets de lois, si elle n'est sans doute pas parachevée, permet tout de même de franchir une étape intéressante.
C'est ainsi que nous accueillons favorablement toute la série de mesures visant à actualiser le statut de la Polynésie française, qui date de 2004, afin que le territoire puisse bénéficier d'institutions stables et de politiques publiques efficaces. Ces mesures visent notamment à apporter des réponses à des enjeux locaux en matière de développement économique, qu'il s'agisse du foncier, de l'intercommunalité, des finances ou des institutions politiques et administratives. Sur ce dernier point, la Polynésie a traversé une crise politique importante entre 2004 et 2013, qui a eu des répercussions sur l'ensemble des activités de l'archipel. Espérons que ces projets de loi auront pour finalité d'éviter à l'avenir de tels blocages institutionnels.
La mesure emblématique de ces textes, à l'article 1er du projet de loi organique, est la reconnaissance du fait nucléaire et de ses conséquences. Il s'agit d'une avancée symbolique importante pour les populations de Polynésie. Néanmoins la formulation de cette reconnaissance, « La République reconnaît la contribution de la Polynésie française à la construction de la capacité de dissuasion nucléaire et à la défense de la Nation », peut être jugée minimale, voire condescendante, car il me semble bien que nous n'avons jamais demandé leur avis aux Polynésiens. Compte tenu des souffrances physiques et psychologiques qu'ils ont subies et que leurs descendants continuent de subir, c'était un minimum.
Il s'agit donc d'un premier pas qu'il convient d'apprécier à sa juste valeur. Comme je l'ai souligné en commission, les indemnisations ont tardé à venir. En 2017, seuls 2 % des personnes concernées avaient été indemnisées. Depuis cette date, nous avons constaté une amélioration. Il convient toutefois d'accélérer encore le mouvement pour que l'indemnisation cesse d'être un hochet, un simple affichage dissimulant la réalité, à savoir qu'on ne fait rien.
Mes chers collègues, voilà résumé en peu de mots l'état d'esprit bienveillant que nous inspirent ces textes. Ils nous incitent à encourager les habitants de la Polynésie à ne rien nier de leur identité, construite notamment autour du va'a, cette embarcation d'apparence si fragile mais en réalité d'une stabilité sans égale et qui permet de voguer très loin sur le Pacifique, vers un horizon qu'on souhaite évidemment radieux pour la Polynésie.