L'incendie qui a dévasté la cathédrale Notre-Dame de Paris le 15 avril dernier a suscité une émotion sans précédent, non seulement dans notre pays mais aussi au-delà de nos frontières. Cette émotion s'est traduite par un afflux rapide et inédit de dons versés par des entreprises, des grandes fortunes et des particuliers, mais aussi par des collectivités territoriales et des États étrangers, destinés à financer la reconstruction de la cathédrale. Une telle mobilisation nationale et internationale illustre la place éminente de Notre-Dame de Paris dans notre patrimoine historique, spirituel, architectural et littéraire.
Édifiée voilà plus de huit siècles, à partir de 1163, Notre-Dame de Paris est d'abord un centre religieux et un lieu de culte catholique qui a fait du siège de l'évêché de Paris une capitale spirituelle française à partir du XIIIe siècle. Au-delà de sa dimension religieuse, ce chef-d'oeuvre gothique, élément majeur du patrimoine architectural de France et d'Europe et haut lieu de notre histoire, a accueilli bien des événements de portée nationale qui la lient de façon indissociable à notre histoire et aux Français. Sa valeur patrimoniale a été reconnue par son classement, en 1862, au titre des monuments historiques et par son inscription, en 1991, au patrimoine mondial de l'UNESCO. Elle est, avec plus de treize millions de visiteurs par an, le monument le plus visité d'Europe.
Vous connaissez les faits qui sont à l'origine de notre réunion aujourd'hui. Le lundi 15 avril, peu avant dix-neuf heures, un violent incendie s'est déclaré dans la partie supérieure de la cathédrale et s'est rapidement propagé à l'ensemble de la toiture. Sept heures durant, plus de 500 sapeurs-pompiers, armant environ 70 engins, sont intervenus sur place. Ils sont parvenus à maîtriser le sinistre vers vingt-deux heures trente et l'incendie a été considéré comme éteint à deux heures du matin. L'action des pompiers a permis de sauvegarder la structure de l'édifice en évitant l'effondrement du bourdon, dont les conséquences auraient pu être catastrophiques du fait de son poids et de ses dimensions. Néanmoins, l'incendie a totalement détruit la charpente quasi millénaire de la cathédrale, une « forêt » de poutres de chêne de 110 mètres de long, 13 mètres de large et 10 mètres de haut, ainsi que sa toiture. Quant à la flèche de Viollet-le-Duc, elle s'est effondrée un peu plus d'une heure après le déclenchement de l'incendie, perçant un trou béant dans la voûte.
Le trésor de la cathédrale, qui comporte nombre de reliques et d'ornements, telle la Couronne d'épines, et compte parmi les plus riches de France, ainsi que la plupart des « grands Mays » et des sculptures majeures ont été, heureusement, rapidement mis à l'abri, d'abord à la mairie de Paris puis dans les réserves du Louvre, grâce au professionnalisme des équipes de conservation du ministère de la culture, que je remercie. Les statues monumentales des apôtres qui ornaient la flèche venaient, quant à elles, d'être déposées et envoyées pour restauration à Marsac-sur-l'Isle, près de Périgueux, quelques jours avant le sinistre – c'est ce qui les a sauvées.
Il est aujourd'hui trop tôt pour mesurer avec précision l'ampleur des dégâts causés par l'incendie, les fortes températures – jusqu'à 800 degrés – et les fumées qu'il a provoquées, ainsi que par les quantités d'eau déversées pour éteindre les flammes. Nul ne peut, pour l'heure, se prononcer avec certitude sur les conséquences du sinistre sur la structure de l'édifice, la voûte ayant été percée en trois endroits. Un état des lieux de ces désordres structurels ainsi que des travaux d'urgence sont en cours. Quatre architectes en chef des monuments historiques sont à l'oeuvre pour superviser ces interventions, avant qu'un diagnostic plus approfondi puisse être établi.
Je tiens à souligner, ici, l'engagement remarquable des sapeurs-pompiers, du diocèse, de la préfecture, de la mairie de Paris, des architectes, des agents du ministère de la culture, mais aussi des sociétés de travaux. Leur réactivité et leur dévouement ont joué un rôle crucial dans le sauvetage de la cathédrale ; qu'ils en soient profondément remerciés. J'adresse également un remerciement spécial à l'architecte en chef de la cathédrale, dont la connaissance minutieuse du bâtiment et les conseils précieux ont permis aux pompiers de concevoir leur stratégie de lutte contre l'incendie et de limiter ainsi intelligemment les dégâts.
Le Président de la République s'est exprimé sur le parvis de la cathédrale dès le soir de l'incendie, puis le lendemain lors d'une allocution. Après avoir salué l'engagement remarquable des sapeurs-pompiers et de l'ensemble des personnels mobilisés sur place, il s'est engagé à faire en sorte que la cathédrale soit rebâtie dans un délai de cinq années et il a annoncé le lancement d'une souscription nationale à cet effet. Je veux saluer cet objectif ambitieux : il permettra de mobiliser et de valoriser les acteurs et les services compétents et répond à la volonté de rétablir dans de brefs délais un monument emblématique de notre culture et de notre histoire au coeur de Paris. Certes, le calendrier des travaux dépendra des bonnes ou mauvaises surprises rencontrées lors de l'état des lieux et de l'évolution générale de l'édifice ; pour ces mêmes raisons, il est difficile, à ce stade, d'évaluer, même de façon très approximative, le coût d'un chantier d'une telle ampleur.
À la suite de l'engagement du Président de la République, le Gouvernement a déposé, le 24 avril dernier, sur le bureau de l'Assemblée nationale le projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Celui-ci est destiné à accompagner l'élan de mobilisation par un dispositif de collecte spécifique, dans le cadre d'une souscription nationale placée sous le haut patronage du Président de la République.
Les fonds recueillis seront consacrés au financement de la conservation et de la restauration de la cathédrale et de son mobilier ainsi qu'à la formation des professionnels des métiers d'art et du patrimoine nécessaires à la conduite des travaux – c'est l'objet de l'article 2. Quatre organismes, désignés à l'article 3, sont chargés de collecter les dons. La bonne utilisation des fonds ainsi recueillis sera contrôlée par un comité ad hoc, prévu à l'article 7.
L'article 4 permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements de participer à la souscription, au-delà de leur périmètre de compétence territoriale, tandis que l'article 5 tend à majorer exceptionnellement, en le portant à 75 %, le taux de la réduction d'impôt dont bénéficient les particuliers pour les dons de moins de 1 000 euros réalisés au titre de la reconstruction de Notre-Dame ; cette majoration s'appliquera jusqu'au 31 décembre 2019. Ces deux articles ont été délégués à la commission des finances, dont je remercie la rapporteure pour avis, Marie-Ange Magne, pour sa présence.
Enfin, l'article 8 tend à habiliter le Gouvernement à créer par ordonnance un établissement public spécifique chargé de concevoir, réaliser et coordonner les travaux de restauration et de conservation de la cathédrale. Quant à l'article 9, il a pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances toutes dispositions législatives permettant de faciliter la réalisation de ces travaux, en procédant, le cas échéant, à des adaptations ou à des dérogations aux règles d'urbanisme, de protection de l'environnement, de voirie, de commande publique ou de domanialité publique.
Telles sont les mesures proposées par le Gouvernement pour mener à bien la restauration de Notre-Dame, que nous souhaitons tous voir achever dans les meilleurs délais et dans le respect de son exceptionnelle valeur historique, artistique et religieuse.
Nommée rapporteure lundi dernier, j'ai pu réaliser, dans le temps contraint qui m'était imparti, une dizaine d'auditions qui m'ont permis d'entendre des acteurs très divers et tous directement intéressés à la sauvegarde de Notre-Dame : la direction générale des patrimoines du ministère de la culture, la direction de la législation fiscale du ministère des finances, la Mairie de Paris et le diocèse de Paris, des architectes en chef des monuments historiques – dont celui de Notre-Dame, M. Philippe Villeneuve –, les architectes des Bâtiments de France, l'Ordre national des architectes, les conservateurs des Monuments historiques, la Fédération des conservateurs-restaurateurs, le Centre des monuments nationaux, le Réseau des villes-cathédrales, ainsi que des représentants de l'artisanat, des métiers d'art et du secteur du bâtiment.
Ces auditions m'ont convaincue de la nécessité de parvenir à une adoption rapide de ce projet de loi afin d'encadrer et de sécuriser la collecte des fonds, qui a débuté dans le courant même de l'événement, et de réaliser la restauration dans les meilleures conditions et dans le respect des fonctions et métiers de chacun. Une telle rapidité est nécessaire pour que les fonds collectés puissent financer les travaux en cours, notamment ceux qui visent à protéger en urgence l'édifice.
Le texte permettra d'organiser la souscription dans un cadre sécurisé, en faisant appel aux acteurs de référence en matière de levée de fonds et de philanthropie, et notamment les trois fondations concernées, dont l'expérience et la compétence sont les meilleurs gages de réussite. À ce propos, je tiens à relayer la préoccupation exprimée par ces fondations, qui insistent sur l'importance de respecter l'intention des donateurs, quel que soit le montant du don. Il sera également indispensable d'informer ces derniers de l'usage qui sera fait des sommes collectées et d'assurer la transparence des processus décisionnels dans la mise en oeuvre des opérations de restauration.
Le comité ad hoc créé à l'article 7 permettra précisément de surveiller le bon emploi des fonds recueillis. L'État ou l'établissement public devra rendre compte à ce comité, qui réunit le Premier président de la Cour des comptes ainsi que les présidents des commissions chargées des finances et de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette disposition, qui vise à garantir la plus grande transparence possible quant à l'utilisation des fonds reçus dans le cadre de la souscription nationale, vient s'ajouter aux règles existantes en matière de contrôle des fonds gérés par l'État et ses établissements publics, contrôle exercé par le Parlement et la Cour des Comptes. Cette dernière a, du reste, annoncé, le mercredi 24 avril, qu'elle ajouterait à son programme de travail, à compter de 2019, le contrôle des services de l'État et des organismes impliqués dans la collecte et la gestion des fonds recueillis pour la reconstruction de Notre-Dame, notamment le Centre des monuments nationaux et les trois fondations engagées dans la collecte des dons. Ce contrôle s'exercera jusqu'à la fin des opérations de reconstruction et donnera lieu à la publication d'un rapport annuel.
L'idée de créer un établissement public spécifiquement chargé de mener à bien les travaux de conservation et de restauration de la cathédrale me paraît particulièrement pertinente, compte tenu du caractère exceptionnel du chantier et de la nécessité de réunir tous les acteurs concernés. Cet établissement public a vocation à mobiliser et à associer fortement les différents services et personnels compétents du ministère de la culture, dont l'expertise est indispensable pour mener à bien un tel projet. Il pourrait d'ailleurs être envisagé de créer, au sein de cet établissement, un conseil scientifique afin de lui adjoindre l'appui de « sachants », nécessaire dans un tel domaine.
Je sais que l'article 9 a suscité beaucoup de réactions. Exceptionnel de par sa taille et son importance patrimoniale et historique, ce chantier pourrait imposer, je l'ai compris, que des adaptations soient prévues sans que cela ne diminue en rien la nécessité de réaliser une restauration exemplaire, dans le respect de la cathédrale, de son histoire et de son site ainsi que des missions de chaque acteur. Le ministre de la culture a d'ailleurs affirmé avec clarté qu'il ne s'agissait nullement de déroger aux principes de la protection du patrimoine.
Je défendrai quelques amendements, qui visent à préciser certaines dispositions de ce texte, dont j'approuve tant le contenu que les finalités.
Telles sont, mes chers collègues, les dispositions du projet de loi. Je souhaite que nos débats permettent de les préciser et de les enrichir sans les dénaturer, car je suis convaincue qu'elles tracent des voies pertinentes pour atteindre l'objectif qui nous réunit tous, à savoir la sauvegarde, pour les générations futures, d'un édifice qui est à la fois un chef-d'oeuvre de l'art sacré, un monument national et un témoignage éminent que notre civilisation a offert au monde.
Je souhaite que nous puissions nous réunir autour de ce bel objectif et de ce texte qui organise la solidarité nationale au bénéfice de notre patrimoine, de nos métiers d'excellence tels que ceux de l'architecture, de la conservation-restauration, de l'art et de l'artisanat, ainsi que de notre culture et de notre histoire. De nombreux admirateurs de la cathédrale, riverains, paroissiens, amateurs d'art et d'histoire ou, tout simplement, citoyens attachés à notre patrimoine, espèrent retrouver au plus tôt cette belle cathédrale. Ne les décevons pas et travaillons tous ensemble pour faire de ce projet de loi un beau texte opérationnel et respectueux des pierres et des hommes.