Intervention de Philippe Gosselin

Séance en hémicycle du lundi 27 mai 2019 à 16h00
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Peut-être réussirons-nous à travailler en bonne intelligence ! Je l'espère très sincèrement. Cela a été dit, on mesure souvent la vitalité d'une démocratie aux droits de l'opposition. Ce n'est évidemment pas le seul critère, et je ne demande pas l'institutionnalisation d'un shadow cabinet – ou cabinet fantôme – comme au Royaume-Uni, où son existence est consacrée, sans texte puisqu'il n'y a pas de constitution écrite. Je ne revendique pas non plus la reconnaissance par la Constitution de Staaten Organen – ou organes d'États – comme en Allemagne, car les partis politiques concourant à l'expression du suffrage en France, les groupes politiques se trouvent dans une position un peu plus faible. Mais, quand même ! Les droits de l'opposition sont sacrés. Certains présidents de la République s'en sont souciés : pensons à cette réforme exceptionnelle, engagée par Valéry Giscard d'Estaing en 1974 et dont nous n'avons mesuré l'ampleur que plus tard, ouvrant la possibilité à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel. Voilà une avancée pour l'opposition ! Autre réforme, dont nous n'avons pas saisi tous les tenants et aboutissants en 2008, celle introduisant la question prioritaire de constitutionnalité. La QPC nous éloigne de l'hémicycle, mais elle a permis à nos concitoyens, en plus des parlementaires, des présidents des assemblées, du Président de la République et du Premier ministre, de saisir le Conseil constitutionnel, évidemment après le passage de quelques filtres.

Je ne revendique pas de telles avancées dans la réforme du règlement, puisqu'elles relèvent de la Constitution. Pour autant, nous ne sommes pas obligés de scier la branche sur laquelle la démocratie est assise. La diversité est compliquée à gérer, et oui, elle conduit parfois à quelques embrasements. Nous en avons tous ici fait l'expérience. Cela rajoute un peu de temps au temps : certains disaient qu'il fallait donner du temps au temps. Je ne suis pas sûr que la loi ait besoin de donner du temps au temps, mais quelques heures supplémentaires dans un travail législatif qui s'étire parfois longuement, qu'est-ce ? Surtout que des textes restent souvent en souffrance à cause de l'absence de décrets d'application. Certes, tout cela s'est amélioré, mais c'est le travail du parlementaire qui est aujourd'hui en cause, ainsi que la possibilité pour l'opposition de s'exprimer, de se faire entendre et de représenter la diversité des opinions.

Il ne s'agit pas de nier le fait majoritaire, car nous défendons la Ve République, son équilibre, certes complexe et mouvant. Nous sommes prêts à tendre la main, mais il faut que certains la saisissent. Le rapporteur Sylvain Waserman, vice-président de cette assemblée, a l'habitude de présider et utilise le règlement à bon escient ; il nous dit vouloir faire aboutir certaines demandes. Je lui en sais gré et lui donne bien volontiers un brevet de bonne foi et de bonne volonté. Mais il n'est pas seul, et nous sommes, à ce stade, assez loin du compte.

Voilà pourquoi il me paraîtrait nécessaire de renvoyer le texte en commission pour en approfondir l'examen. Non pas pour le jeter aux oubliettes, car nul ne conteste le besoin d'améliorer le travail parlementaire, de le fluidifier, de le rendre plus accessible et d'accélérer certaines procédures. Mais n'agissons pas les uns contre les autres ! Même dans une association, une majorité qualifiée des membres doit approuver le règlement intérieur. Il n'est pas question ici de majorité qualifiée, mais nous sommes tous qualifiés pour participer à cette majorité et parvenir, ensemble, dans l'intérêt de la loi, donc dans celui de nos concitoyens et du débat démocratique, à nous entendre. J'espère que les voix des uns et des autres seront audibles et que l'ouïe des uns et des autres sera suffisamment aiguisée.

Telle est l'ambition du groupe Les Républicains. Au-delà des événements et des éléments contingents, nous voulons travailler, dans les trois dernières années de cette législature, avec dignité et sincérité. Pour cela, il faut que tout le monde, dans la diversité des opinions de chacun, puisse s'exprimer dans cette enceinte.

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