Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, alors que les élections européennes se sont achevées voici quarante-huit heures, les négociations de la prochaine programmation 2021-2027 de la politique agricole commune – PAC – seront le premier chantier qui occupera les députés européens. Comme cela a été dit, une menace pèse sur son budget, pour plusieurs raisons dont certaines liées au Brexit. Or une diminution, si elle était avérée, pourrait faire courir un vrai risque à nombre de nos paysans, déjà très exposés sur le marché mondial.
La PAC, vous le savez, n'est pas une politique d'aide sociale, mais probablement la première des politiques intégrées de l'Union européenne. Sur la scène internationale, c'est un rempart qu'il convient de préserver, même si son fonctionnement doit sans doute être réformé. Tous nos concurrents internationaux – Brésil, Chine, États-Unis – ont instauré une politique d'aides à leur agriculture, qui garantit un prix minimal à leurs exploitants.
Vous le savez, un exploitant français, exposé à la volatilité des marchés, ne peut pas résister. Citons d'abord l'exemple de la filière de la betterave à sucre, pour laquelle j'avais alerté Stéphane Le Foll en 2016, puis Stéphane Travert.
La fin des quotas betteraviers en Europe, qui assuraient une stabilité des prix, a précipité les planteurs dans une violente crise. Les annonces de fermetures d'usines, comme à Cagny, en Normandie ou à Eppeville, dans les Hauts-de-France, constituent autant de catastrophes non seulement pour les emplois, directs et indirects, de ces sucreries, mais aussi pour les planteurs.
Les députés de tous les bancs de cet hémicycle, de la gauche à la droite, se sont mobilisés, à l'instar de la Confédération générale des planteurs de betteraves – CGB – , pour proposer un plan de reprise au groupe allemand Südzucker. Celui-ci, pourtant, vous le savez car vous connaissez bien le sujet, préfère contourner la loi Florange et laisser mourir ses sites.
Aussi, monsieur le ministre, je vous prie, ainsi que M. le ministre de l'économie et des finances, de durcir le ton face à ces industriels étrangers qui ne respectent pas la loi française. Je vous demande aussi de reconsidérer la position du Gouvernement sur l'éthanol et les carburants biosourcés, notamment l'E85, car dans ce domaine nous n'allons pas assez loin.
Il y a quelques jours, j'ai encore essuyé des revers à ce sujet lors de la discussion du projet de loi d'orientation des mobilités en commission. Le Gouvernement rejette systématiquement les amendements que nous déposons, alors que ceux-ci pourraient créer de vrais débouchés pour les filières agricoles, particulièrement pour la filière betteravière.
Venons-en à un second exemple, celui des pommes de terre. Depuis cinq ans, j'alerte vos prédécesseurs ainsi que les syndicats agricoles sur le fait que des exploitants belges, traversant la frontière, viennent chaque année sous-louer illégalement des terres agricoles dans le Nord et, de plus en plus, dans l'Ouest de la France. En proposant un loyer de 1 500 ou 2 000 euros par hectare, ils profitent du malaise économique de nos paysans.
Les conséquences de cette pratique sont graves : outre la spéculation foncière, qui empêche les jeunes de s'installer, elle a un fort impact écologique car la présence de plants non homologués en France peut conduire à une jachère noire dans certains territoires. Elle a aussi des conséquences structurelles très lourdes, puisqu'elle crée une concurrence déloyale, sur laquelle j'ai le sentiment que tout le monde ferme les yeux. Je demande aux pouvoirs publics de s'emparer de tous ces sujets.