Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du mercredi 5 juin 2019 à 15h00
Mobilités — Article 2 bis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

Je suis inquiet et vous seule, madame la ministre, pouvez m'empêcher de l'être. Nous avons eu cette nuit un débat passionnant sur le versement mobilité et sur le financement de cette compétence que nous souhaitons confier à des territoires de proximité. Chacun est d'accord sur le fait qu'il ne faut pas pérenniser la situation actuelle, à savoir l'absence d'autorité organisatrice de transport dans certains territoires, car elle ne permet pas d'atteindre les objectifs que nous avons fixés pour l'accompagnement de celles et ceux qui n'ont pas d'autre choix, pour se rendre à leur travail, que de prendre leur voiture.

Nous devons faire en sorte également que de nouvelles mobilités émergent – mobilités actives, liées à l'autopartage, au covoiturage, etc. Nous avons besoin qu'une autorité s'engage, dans un maillage de proximité, pour entraîner avec elle nombre d'acteurs.

Mais tout cela coûte de l'argent. Il y a ce versement mobilité mais force est de constater que, comme vient de l'énoncer Valérie Rabault, tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne.

Des métropoles exercent d'ores et déjà la compétence transport – elles auront demain la compétence mobilité. Cela ne leur pose pas de grandes difficultés : elles ont organisé le financement grâce aux moyens qu'elles ont déployés pour créer par exemple des lignes de transport régulier ou d'autres types de transport.

Il est vrai que, hors métropoles et agglomérations, dans des territoires que je n'ose qualifier d'interstitiels, on trouve parfois des zones sous-denses dont le tissu industriel et économique ne permet pas d'imaginer qu'ils puissent utiliser le versement mobilité pour obtenir suffisamment de moyens afin de mettre en place des lignes de transport régulier de passagers ou d'autres types de mobilité. Il est donc important d'accompagner ces collectivités pour qu'elles exercent pleinement leur compétence.

Nous souhaitons tous que la région ne soit pas seule à agir. Il faut que des petites intercommunalités et des communautés de communes s'engagent dans cette logique.

Nous nous sommes interrogés cette nuit sur l'opportunité d'utiliser le versement mobilité à plein régime. Il peut en effet décourager les entreprises à s'installer dans un territoire. On voit ainsi se développer des zones artisanales ou industrielles autour des grandes agglomérations et des métropoles, dans des territoires où n'existe pas de versement transport. Des entreprises se trouvent ainsi très proches des métropoles sans avoir à régler le versement transport. Mais, comme l'ont rappelé M. Hubert Wulfranc et M. Jean-Paul Lecoq, nous savons aussi que la présence d'infrastructures, en particulier de services publics de transports en commun, détermine l'attractivité d'un territoire et conduit les entreprises à s'y installer. Le versement transport a d'ailleurs été créé dans les années 1970 afin que des engagements financiers permettent de créer ces infrastructures.

Dès lors que l'on ne peut pas utiliser le versement mobilité à « plein régime », on voit bien que des financements complémentaires sont nécessaires, en particulier ceux issus de la TICPE. Hier soir, notre collègue Dominique Potier a rappelé les ordres de grandeur : 14 milliards d'euros de recettes liées à la TICPE ne sont pas affectés aux transports. Il serait parfaitement légitime qu'une fraction des recettes de la TICPE abonde les budgets des territoires qui voudront volontairement s'engager afin de devenir une autorité organisatrice des mobilités. C'est le sens de l'article 2 bis.

J'insiste sur cet important article, mais il n'épuise pas la discussion que nous ne manquerons pas d'avoir au fil des débats sur la question du financement. Vous nous avez dit, madame la ministre, que beaucoup de ces questions seraient réglées à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances – c'est vrai. Malgré tout, l'ensemble des collègues intéressés ont besoin d'y voir un peu plus clair et d'entendre ici même vos explications et les éléments qui permettront d'apprécier au mieux la réalité de vos engagements.

Sachez aussi que les territoires s'interrogent. Je connais des communes et des communautés de communes qui se disent : « Pourquoi pas ? » Pourquoi ne pas agir concrètement en faveur des mobilités. Encore faut-il, pour pouvoir le faire, qu'ils sachent comment ils paieront l'addition. Parce que nous vivons plutôt une période de raréfaction de l'argent public, nous sommes en droit de nous interroger sur la façon dont on trouvera l'argent nécessaire. J'imagine mal que les communautés de communes ou même les communes s'engagent aujourd'hui dans des augmentations d'impôt. Pis, j'imagine mal les régions, qui jouent en second ressort, se lancer dans cette dynamique alors que le poste transport est déjà important dans leur budget – c'est le premier budget dans de nombreuses régions et, souvent le second, et sa place ne fera qu'aller en augmentant, ne serait-ce qu'en raison du transport ferroviaire.

Madame la ministre, vous devez vraiment nous donner des éléments qui nous permettront de ne pas être inquiets, et il faut, surtout, que vous adressiez un signal positif aux territoires qui souhaiteraient s'engager pour devenir demain des autorités organisatrices de la mobilité.

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