Intervention de Jacqueline Gourault

Séance en hémicycle du lundi 24 juin 2019 à 16h00
Collectivité européenne d'alsace — Présentation

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Je voudrais engager l'examen du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace en citant l'historien Fernand Braudel. Celui-ci, cherchant à définir l'identité française, disait ceci : « La France se nomme diversité ». Pourtant, c'est une conviction que nous partageons ici, notre pays n'a qu'un seul visage, celui de la République. Le projet de loi qui nous réunit ce soir vient ainsi montrer comment le gouvernement auquel j'appartiens entend concilier l'unité de la République et l'attention aux spécificités des territoires.

En effet, sur le fond, dans l'esprit du projet de révision constitutionnelle relatif au droit de différenciation, il s'agit de trouver des réponses institutionnelles adaptées aux besoins de chaque territoire, et cela non seulement pour valoriser des identités locales, mais aussi pour faire en sorte que chaque territoire puisse s'appuyer sur les atouts qui lui sont propres afin de se développer et de réunir les meilleures conditions de vie pour ses habitants dans le cadre républicain. Pour ce faire, ma conviction est qu'il n'est pas nécessaire d'attendre un grand soir, mais qu'il convient d'ajuster ce qui peut l'être.

Sur la méthode, ce projet est particulièrement original en ce qu'il vient illustrer un nouveau mode de relation avec les territoires. La Collectivité européenne d'Alsace – CEA – vient ainsi répondre à une attente des départements alsaciens. Ce texte est le résultat d'un processus de co-élaboration avec l'ensemble des parties prenantes, engagé depuis l'été dernier. Nous accompagnons, ici, une initiative locale.

Voici les principes clés sur lesquels se fonde ce projet de loi : écouter, pour comprendre les aspirations des uns et des autres, et essayer de les concilier en faisant du « cousu main », qui s'appuie sur l'expression d'une volonté locale.

Je souhaite également souligner combien, malgré ce processus inhabituel qui donne une voix première aux acteurs locaux, le projet de loi a été enrichi par le Sénat ; il le sera encore, bien évidemment, par les députés. Le Parlement est le garant du travail législatif et des modalités d'organisation des collectivités locales, et j'entends qu'il le demeure.

Pour revenir sur la genèse de ce texte, il importe de rappeler deux événements marquants : tout d'abord, l'échec du référendum de 2013, qui visait à créer une collectivité territoriale unique regroupant le conseil régional d'Alsace ainsi que les deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ; ensuite, la création, en 2015, de la région Grand Est. C'est dans ce contexte que s'est affirmée la revendication d'une évolution institutionnelle permettant de donner une incarnation plus nette au territoire alsacien.

Une mission a été confiée, en janvier 2018, au préfet de région Jean-Luc Marx afin qu'il mène une concertation sur la question institutionnelle alsacienne, sous réserve à la fois que la région Grand Est conserve son intégrité et que les grands équilibres actuels régissant les répartitions de compétences entre collectivités soient respectés.

Le préfet a proposé d'opérer un rapprochement des deux départements dans un nouveau département, lequel se verrait confier, dans le cadre du pouvoir de différenciation prévu par la révision constitutionnelle, des compétences complémentaires, essentielles au vu de son caractère transfrontalier très marqué. Pour faire aboutir la création de cette nouvelle collectivité, je me suis rendue à de nombreuses reprises sur le terrain et j'ai travaillé en lien étroit avec mes collègues Élisabeth Borne et Jean-Michel Blanquer, que je remercie vivement.

Une déclaration commune engageant le Gouvernement, les deux conseils départementaux ainsi que la région Grand Est a été conclue le 29 octobre 2018 et signée par le Premier ministre ainsi que par les exécutifs des collectivités. Elle prévoit une réponse appropriée pour l'Alsace et trouve une part de sa traduction dans le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.

La création de la Collectivité européenne d'Alsace se matérialise par plusieurs étapes.

Première étape : le regroupement des deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin en un seul. Après que, le 4 février dernier, les deux conseils départementaux eurent délibéré favorablement pour demander ce regroupement, un décret, en date du 27 février, y a procédé, pour constituer la Collectivité européenne d'Alsace ; ce regroupement entrera en vigueur le 1er janvier 2021.

Deuxième étape : l'ajout, par la loi – et c'est l'objet du projet de loi que je vous présente – de compétences particulières en matière de coopération transfrontalière, de bilinguisme, de tourisme et de transports.

Troisième étape : le développement des politiques culturelles, économiques ou sportives dont les orientations étaient fixées dans la déclaration commune. Elles font l'objet d'un travail approfondi avec les services déconcentrés de l'État et les autres niveaux de collectivités concernés et se traduiront, pour la plupart, par des actes réglementaires.

Les compétences que le projet de loi s'attache à donner à l'Alsace sont suffisamment justifiées par des spécificités alsaciennes pour que le cadre constitutionnel actuel permette de les lui attribuer de façon pérenne et circonscrite. Ainsi, au 1er janvier 2021, la Collectivité européenne d'Alsace exercera le socle « classique » des compétences départementales, auquel s'ajouteront des compétences en matière transfrontalière.

En effet, l'article 1er du projet de loi pose le principe d'un chef de filat de la collectivité, sur son territoire exclusivement, en matière de coopération transfrontalière. La collectivité aura la capacité d'organiser l'action collective, sans restreindre la capacité d'action des autres collectivités intéressées. Elle sera chargée d'établir un schéma alsacien de coopération transfrontalière, établi en association avec l'ensemble des collectivités et des acteurs concernés. Elle aura la capacité, en parfaite cohérence avec la stratégie régionale, de décliner un volet opérationnel sur les projets structurants en matière, par exemple, de santé, de mobilités ou de formation professionnelle. Elle pourra ainsi se voir déléguer par l'État, la région ou des établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – des compétences pour la mise en oeuvre des projets mentionnés dans le schéma alsacien de coopération transfrontalière. Ce système de délégation ad hoc est valable pour toutes les collectivités concernées.

Elle se verra ensuite confier des compétences en matière de bilinguisme, pour renforcer ce vecteur culturel et ce facteur de mobilité professionnelle que constitue la langue régionale, entendue ici, conformément aux conventions en usage, comme la langue allemande.

2 commentaires :

Le 26/06/2019 à 14:36, Laïc1 a dit :

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"notre pays n'a qu'un seul visage, celui de la République."

C'est-à-dire celui de M. Macron.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 26/06/2019 à 14:43, Laïc1 a dit :

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La langue allemande est synonyme d'intégration européenne, à l'instar du français, et contrairement à l'anglais, langue de rejet de la construction européenne.

Or, ma fille avait choisi allemand en seconde langue au collège, et voici que, suite à une nombre d'inscrits insuffisant, le cours d'allemand est supprimé, et elle devra donc faire de l'espagnol, sauf si elle change de collège. Donc, la question est : que compte faire le gouvernement pour promouvoir une langue vraiment européenne, et que compte-t-il faire pour inciter les collégiens français à choisir l'allemand plutôt que l'espagnol en seconde langue pour faire régresser l'influence de la langue anglaise en Europe continentale ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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