Cela se faisait sans discussion, sans accord, avec un sentiment d'humiliation, celui de ne pas compter, celui d'être une simple variable d'ajustement.
Les treize députés alsaciens de l'opposition se sont battus, des discours magnifiques ont été tenus – des mots d'amour, des mots de peine, des mots de colère, mais toujours des mots du coeur. Lors de ces débats, près de 30 % des interventions ont été les nôtres. Des heures, des nuits passées ici pour, à la fin, ne ressentir qu'une immense douleur.
En Alsace, on ne manifeste que très rarement. On ne crie pas, on ne casse pas, mais la douleur est là. Elle est toujours là. À quatre reprises, par quatre sondages, les Alsaciens ont dit une chose simple, une chose forte : ils veulent sortir du Grand Est. D'ailleurs, et c'est nouveau, nos amis lorrains comme nos amis et concitoyens de Champagne-Ardenne semblent avoir la nostalgie de leurs belles régions.
Mais en ce début de propos, je voulais parler des débats parlementaires pour vous citer une anecdote. Le ministre au banc du gouvernement était M. Cazeneuve, alors ministre de l'intérieur. Il défendait avec talent une loi qui allait réunifier les deux Normandie, sa région, mais il comprenait, me semble-t-il, les limites de ce texte. Au coeur des débats, au coeur de la nuit, il est venu s'asseoir à mes côtés et m'a demandé, avec gentillesse : « Pourquoi, dans cette grande région, vous ne fusionneriez pas vos deux départements ? » Je lui répondis : « Nous sommes une région et nous devrions accepter aujourd'hui de n'être qu'un département ? Ce n'est pas ce que veulent les Alsaciens. » Et j'ajoutai un présomptueux : « Jamais ! »
Or, qu'allons-nous voter aujourd'hui ? Nous allons entériner la fusion des deux départements, donner à la nouvelle collectivité un nom, signe positif pour les uns, un peu ronflant pour les autres. Nous allons aussi procéder au transfert des compétences d'État en matière de coopération rhénane, de bilinguisme, de routes et, à la marge, d'économie et de tourisme.
Madame la ministre, chers collègues, nous sommes loin, très loin de ce que nous étions : une région. Nous sommes loin de ce que nous souhaitons : un conseil d'Alsace, une collectivité regroupant les compétences régionales et départementales à l'échelle de notre territoire. J'ai, à titre personnel, utilisé deux formules : « Ce n'est pas en beurrant des miettes que l'on fait un festin » et « À l'heure où vous déremboursez l'homéopathie, vous nous inventez une Alsace homéopathique ».