Si, sur ces questions, rien ne change, le texte d'aujourd'hui n'aura servi qu'à peu de chose pour la société civile de notre région. Je m'interroge d'ailleurs sur un point : Strasbourg, située à l'extrémité du territoire, est la grande perdante du Grand Est. Chaque jour, elle devient un peu plus une sous-préfecture régionale. Pensez-vous que son rôle de capitale européenne – 20 000 emplois tout de même ! – soit compatible avec ce déclin permanent ?
Chers collègues, je ne voudrais pas engager de polémique : je tiens simplement à vous dire à quel point cette question est essentielle, surtout pour les fédérations sportives et professionnelles, car il s'agit bien d'une destruction lente mais permanente du tissu social alsacien. Au cours de mon propos, je me suis interdit d'aborder le champ des compétences nouvelles accordées à la collectivité. Mon collègue Raphaël Schellenberger, qui s'est beaucoup investi dans ce dossier, le fera avec le talent que nous lui connaissons. Cela dit, celles-ci sont à la fois intéressantes, de portée trop limitée, parfois imprécises, et dépendantes des décisions temporaires ou ultérieures, ce qui n'est pas sans nous inquiéter.
Je voudrais terminer par un regret. Dans notre pays, chaque parcelle de notre territoire est administrée par six niveaux institutionnels : la commune, 1'intercommunalité, le département, la région, l'État, et l'Europe. À cela s'ajoutent désormais les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux – PETR – , qui montent en puissance et deviennent souvent des structures de gestion. Notre pays aurait pu, en Alsace, vivre une expérience salutaire de fusion des collectivités régionales et départementales. Mais non : le rail et la route, le sport de masse et celui de haut niveau, l'eau de surface et l'eau souterraine, les collèges et les lycées parfois voisins resteront gérés par des administrations différentes ! Le conseil d'Alsace reste notre objectif, un objectif politique, un objectif de rationalisation des politiques publiques, un objectif d'optimisation de la dépense publique.
Certes, avec cette loi, comme l'a dit M. Thiébaut, nous venons de loin, mais en définitive nous n'allons pas très loin. Le rapport Marx a été rendu le 15 juin 2018, et les accords de Matignon signés le 29 octobre 2018. Pour que le Parlement ne soit pas une simple chambre d'enregistrement, pour étendre les compétences dévolues à la CEA, pour affirmer ce qui doit l'être, nous vous demandons un renvoi en commission. Quelques jours pour l'Alsace, est-ce trop demander ?
Permettez-moi de finir ce propos par une réflexion qui me taraude. Il y a quelques mois, un anniversaire a été passé sous silence, celui du retour de l'Alsace à la France : cent ans au coeur de la République, après quarante-huit ans passés au sein de l'empire allemand. Cet anniversaire n'a ni été fêté ni même évoqué, comme d'ailleurs n'ont pas été évoqués les 50 000 morts alsaciens et mosellans, morts sous l'uniforme du Kayser parce que la France avait cédé en 1871 l'Alsace-Moselle. Pas un mot, pas un hommage.
Notre région ne vaut pas plus qu'aucune autre région. Les Français de métropole et d'outre-mer doivent être égaux et unis. Mais notre région mérite un regard, un autre regard, celui d'une France girondine, respectueuse des attentes de ses territoires. L'Alsace est une chance pour la France et elle n'a qu'une envie : être unie pour être forte au coeur de la République.