Intervention de Hervé Saulignac

Séance en hémicycle du lundi 24 juin 2019 à 16h00
Collectivité européenne d'alsace — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac :

Réunir deux départements pour créer une collectivité nouvelle n'est pas une décision anodine. Dans le cas précis de la future Collectivité européenne d'Alsace, ce sont bien deux départements qui ont souhaité franchir ce cap. C'est pourquoi, dans ces conditions, je tiens à rappeler en préambule un principe auquel nous nous attacherons : respecter l'initiative territoriale, même s'il faut se garder de la considérer comme l'expression majoritaire des citoyens alsaciens.

Après l'échec du référendum d'avril 2013 et à la suite des contestations nées de la création de la région Grand Est en 2016, de nombreux élus du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont avancé l'idée de recréer une collectivité territoriale autour de ce territoire alsacien dont l'identité ne saurait être contestée.

Ainsi, une délibération concordante des deux conseils départementaux a-t-elle officialisé cette volonté de fusion. Une déclaration commune dite de Matignon a fixé le cadre général et un décret en Conseil d'État publié en février dernier a entériné sa création.

C'est dans ce contexte qu'intervient le projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Cette nouvelle étoile dans la galaxie institutionnelle, bien que nommée Collectivité, sera donc un département de droit commun – vous l'avez rappelé tout à l'heure, madame la ministre – mais on se refuse à l'appeler département d'Alsace. Dans le même temps, le Gouvernement a annoncé qu'il maintiendrait l'existence de deux préfectures, donc, de deux départements administratifs.

Au fond, vous créez un objet institutionnel inédit en France : plus tout à fait un département – il n'est pas dénommé département d'Alsace – , pas une région non plus puisque le périmètre de la région Grand Est demeure ainsi que ses prérogatives.

Alors, avouons que dans le concert de critiques récurrentes adressées au mille-feuille ou devant la complexité d'un paysage constitué de quatre échelons locaux, vous ajoutez un peu d'opacité au paysage institutionnel français ! Au fond, il appartiendra aux Alsaciens eux-mêmes de dire dans quelques années si cette CEA a vraiment changé leur vie.

Ceux qui caressaient le rêve de sortir de la région Grand Est sont donc déçus. Reste à savoir si ceux qui, avec la CEA, aspiraient à préfigurer un acte nouveau de la décentralisation seront quant à eux pleinement satisfaits.

Résoudre des questions liées à la culture d'un territoire, à son identité, à son histoire, ne saurait relever plus de la communication que du droit. Or, le nom de baptême choisi relève plutôt du premier registre.

Vous avez choisi de nommer cette nouvelle entité « Collectivité européenne d'Alsace », dénomination qui ne manquera pas de susciter des interrogations. Le Conseil d'État ne s'y est d'ailleurs pas trompé : il souligne qu'elle est « susceptible d'engendrer une double méprise sur la nature juridique de la nouvelle collectivité » et que l'épithète « européenne » ne renvoie à une aucune catégorie ou régime particuliers sur le plan juridique, et semble même évoquer à tort l'attribution d'un statut extraterritorial à ce nouveau département.

Parlons à présent du fond de ce projet de loi et de son contenu.

De nombreux territoires frontaliers suivront sans doute attentivement ces débats et s'interrogeront sur l'intérêt qu'il pourrait y avoir à s'engager dans une démarche de même nature. Qu'il s'agisse de la coopération sanitaire, de la facilitation de l'enseignement de la langue du pays voisin et des langues régionales ou des garanties sur la mise en oeuvre d'une écotaxe, les possibilités d'amélioration de ce texte ne manquent pas.

Ainsi, nous proposons de permettre à la future Collectivité d'élaborer un programme-cadre de coopération transfrontalière pour simplifier la conclusion d'initiatives transfrontalières. Nous proposons également d'autoriser le département d'Alsace à négocier des accords d'échanges d'enseignants avec le Land voisin du Bade-Wurtemberg. Il ne s'agit pas là d'exonérer l'éducation nationale de ses obligations – des efforts sont faits dans le texte – mais tout simplement de faciliter des interventions extérieures, complémentaires de l'enseignement.

Ces propositions prennent en considération les spécificités d'un territoire qui devra a posteriori justifier ce mariage, une union que les populations alsaciennes ne valideront que si la corbeille de la mariée est suffisamment remplie. De ce point de vue, il nous semble nécessaire de laisser ouvertes des perspectives d'approfondissement car le texte qui nous est soumis se situe semble-t-il en deçà de ce que les deux collectivités départementales ont espéré et, surtout, parce que l'Alsace mérite mieux et plus.

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