Intervention de Antoine Herth

Séance en hémicycle du lundi 24 juin 2019 à 16h00
Collectivité européenne d'alsace — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

Vous avez compris très tôt, madame la ministre, qu'il ne fallait pas aborder le sujet dont nous parlons avec des oeillères dogmatiques, et que l'aspiration des Alsaciens n'était pas une marque de défiance à l'égard de notre nation, bien au contraire.

D'aucuns, évidemment, verront dans ce texte le verre à moitié vide : au pire, un renoncement, au mieux, un compromis bancal, puisque leur voeu de quitter le Grand Est ne sera pas exaucé. Pour ma part, je crois qu'il est vain, en politique comme dans la vie, de vouloir rejouer le match que l'on a perdu. Certes, il faut tirer les enseignements du passé, mais pour mieux les mettre au service d'un projet nouveau. La Collectivité européenne d'Alsace est cette passerelle vers l'avenir, parce qu'elle répond aux défis de son temps.

Elle fait écho, à travers sa dimension européenne et transfrontalière, à la volonté de renforcer la coopération franco-allemande inscrite dans le traité d'Aix-la-Chapelle. Elle répond au souhait de renforcer les politiques de proximité qui s'est cristallisé, et parfois exprimé avec force, à l'occasion du grand débat. Elle se projette dans la logique de différenciation que le Président de la République souhaite voir inscrite dans la Constitution. Non, la Collectivité européenne d'Alsace n'est pas un avatar du projet soumis au referendum en 2013 : c'est bel et bien un projet nouveau, qui devra être mis en oeuvre à partir de 2021.

À ceux qui ne souhaitent y voir qu'un « département plus », je réponds que toute l'originalité de la démarche réside précisément dans ce « plus ». Alors qu'Édouard Philippe nous faisait part, il y a deux semaines à peine, de sa volonté de proposer au Parlement une loi de décentralisation en 2020, la Collectivité européenne d'Alsace n'est-elle pas le bon exemple à suivre, celui d'une collectivité classique exerçant ses compétences légales, à laquelle viennent s'ajouter des compétences adaptées aux spécificités territoriales ?

Prenons l'exemple de la lutte contre le chômage, grande cause de tous les gouvernements depuis des décennies. En Alsace, vous ne pouvez pas traiter ce sujet sans considérer le bassin d'emploi dans sa globalité, des deux côtés du Rhin : rive gauche, le taux de chômage est comparable à celui du reste de la France, avec des jeunes qui, malgré leurs diplômes, ne trouvent pas d'emploi. Rive droite, en Allemagne, le mot-clef est fachkräftemangel : manque de main d'oeuvre qualifiée.

Le Rhin, qui n'est guère plus large que la Seine à Paris, est pourtant une frontière de plus en plus infranchissable pour ceux qui voudraient tenter leur chance en face. Les raisons en sont pourtant bien connues : le problème de la langue, les différences entre les systèmes scolaires, les obstacles administratifs et les problèmes de transport.

Ces vérités, nous les constatons depuis bien longtemps ; et pour y remédier, les discours sont restés bien peu efficaces. Or c'est précisément à ce niveau que la Collectivité européenne d'Alsace doit apporter une plus-value : le chef de filat en matière transfrontalière ou la compétence accrue sur le bilinguisme sont les leviers qui doivent lui permettre d'agir d'autant plus efficacement que ses élus seront proches du terrain et comptables devant l'opinion.

C'est dans cet esprit que les deux présidents de département ont souhaité mettre l'accent sur la compétence plurilingue. Comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, ils souhaitent également recruter des personnels de bon niveau pour enseigner en allemand.

Gardons enfin à l'esprit qu'à ces nouvelles compétences pourront s'en agréger d'autres, issues de l'État ou d'autres collectivités. L'intelligence du présent texte est précisément de ne fermer aucune porte. Il est, finalement, un compromis équilibré, qui répond à une aspiration populaire tout en visant une organisation administrative cousue main

Gardons enfin à l'esprit qu'à ces nouvelles compétences pourront s'en agréger d'autres, issues de l'État ou d'autres collectivités. L'intelligence du présent texte est précisément de ne fermer aucune porte. Il est, finalement, un compromis équilibré, qui répond à une aspiration populaire tout en visant une organisation administrative cousue main, en vue d'une meilleure adaptation aux réalités locales. L'Alsace pourra ainsi devenir un laboratoire d'avant-garde de cette République décentralisée, proche des gens et ouverte sur l'Europe à laquelle les élus d'Agir souscrivent pleinement.

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