Si nous sommes aussi nombreux à prendre la parole sur cet article, c'est parce qu'il constitue une pièce maîtresse de ce projet de loi, vous en conviendrez. Soyons clairs : nous sommes tous favorables à l'amélioration de la sécurité routière.
Nous avons vécu, les uns et les autres, des drames liés à un accident, parfois hélas dans nos propres familles, d'autre fois en tant qu'élus. Tous, nous souhaitons trouver des solutions. Pour autant, ces solutions ne doivent pas être en trompe-l'oeil. Nos propositions doivent être efficaces, assumées, et ainsi comprises et acceptées par les Français.
Or ce n'est pas le cas de la limitation de la vitesse à 80 kilomètres à l'heure. Cette mesure absolument inique, prise en un jour par le Premier ministre, sans concertation, a naturellement provoqué la colère de tous les Français, en particulier les ruraux, qui, chaque matin, utilisent leur voiture pour aller travailler, déposer leurs enfants à l'école ou, tout simplement, pour vivre.
On nous dit, études à l'appui, que l'abaissement de la vitesse maximale de 10 kilomètres à l'heure n'accroît que de moins de deux minutes le temps nécessaire à tel ou tel trajet et que la vie le vaut bien. C'est faux, vous le savez bien. La limitation à 80 kilomètres à l'heure à tant stressé certaines catégories de personnes qu'elles ne roulent plus qu'à 75 kilomètres à l'heure – et encore cette vitesse est-elle celle qu'affiche le compteur, la vitesse réelle étant plus proche de 70. Il en résulte des dépassements parfois dangereux et les poids lourds qui, eux, roulent vraiment à 80 kilomètres à l'heure, se trouvent immédiatement derrière les automobiles, ce qui présente un grave problème de sécurité. Comme l'a dit Valérie Lacroute, la mesure est loin d'avoir produit le résultat escompté et a sans doute même provoqué des accidents, y compris mortels.
Cela s'explique simplement : après la communication, voire l'hypermédiatisation, qui a suivi la décision, les gens ont pris peur. Certains ont encore peur et d'autres prennent des risques pour doubler parce qu'ils ne roulent qu'à 80 au lieu de 90 kilomètres à l'heure. N'affirmez pas que la faute en incombe aux présidents de conseil départemental qui prennent leurs responsabilités car, à l'inverse, le même anathème pourrait être adressé à la grande administration, au Conseil national de la sécurité routière voire au ministre, qui n'auraient pas fait le nécessaire pour éviter les 3 259 tués de l'année dernière ! Non ! Soyons modestes, les uns et les autres, et travaillons ensemble.
Nous pouvons trouver des points de convergence. Vous nous avez montré, monsieur le secrétaire d'État, que vous pouviez tenir compte de certaines revendications : sur les routes communales, par exemple, les maires pourront moduler la vitesse maximale et, éventuellement, rétablir la limitation à 90 kilomètres à l'heure en fonction de la qualité de la voirie et, pourquoi pas, de l'avis de la commission départementale de sécurité. De même, les présidents de département pourront moduler la vitesse maximale sur les routes départementales.
Cependant, le préfet, la ministre des transports ou son secrétaire d'État, voire le Premier ministre – peu importe – ou même le président du département, si vous le souhaitez, en bref quelqu'un doit pouvoir formuler des propositions concernant les routes nationales. Vous ne pourrez pas faire comprendre aux Français que les vitesses varieront sur un itinéraire reliant deux villes via une route tantôt nationale tantôt départementale – comme c'est le cas de la RN 83 entre Lons-le-Saunier et Besançon, par exemple – alors que le gabarit et la qualité de la voirie ne changent pas du tout ! Ajoutons que, comme par hasard, il se trouve sur ce tronçon de la route nationale en question plusieurs radars, dont certains automatiques…
Ne nous mentons pas : vous allez sur le terrain comme nous, et nous n'allons pas nous jeter des bêtises au visage. Que nous disent nos concitoyens ? Que les radars servent à remplir les caisses de l'État. Nous, élus de la majorité comme de l'opposition, leur expliquons pourtant qu'il faut promouvoir la sécurité routière. Aidez-nous donc, monsieur le secrétaire d'État ; aidez les parlementaires, députés et sénateurs, à devenir de véritables messagers de la sécurité routière en soutenant nos arguments !