Intervention de Philippe Dunoyer

Séance en hémicycle du mercredi 18 septembre 2019 à 15h00
Compétence judiciaire et exécution des décisions dans les communautés d'outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Dunoyer :

L'examen de ce projet de loi selon la procédure ordinaire nous permet d'aborder le sujet trop peu évoqué dans cet hémicycle du statut des pays et territoires d'outre-mer, ces territoires éloignés de l'Hexagone qui ne font pas partie intégrante de l'Union européenne, mais qui en sont pourtant un partenaire essentiel. Les vingt-six PTOM, dont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie sont les plus peuplés, bénéficient pour leur développement économique et social de l'appui de l'Union européenne dans des secteurs-clés, mais ils contribuent aussi, par leur action de coopération avec les pays voisins, au rayonnement des États membres. C'est grâce à eux que l'Union européenne est présente sur tous les continents. C'est aussi grâce à eux que la France sera, après le Brexit, le dernier pays européen présent dans le Pacifique : nous devons saisir cette chance pour la France en encourageant le potentiel de coopération des PTOM dans leur environnement régional.

Jusqu'à ce jour, les pays et territoires d'outre-mer ont été soumis au régime de la convention de Bruxelles, dont la ratification en 1968 a valu engagement pour l'intégralité du territoire national. Ce projet de loi doit permettre à la France d'adhérer au nom de ses PTOM à la convention dite Lugano II, entrée en vigueur en 2010, afin qu'ils bénéficient des mêmes règles que le reste du territoire national. En adoptant ce projet de loi, nous permettrons d'harmoniser les textes applicables entre territoires métropolitain et ultramarin en matière de coopération judiciaire. Surtout, nous allons assurer aux PTOM une sécurité et une prévisibilité juridiques plus importantes en cas de litiges civils et commerciaux transfrontières, qui sont devenus plus fréquents et nombreux en raison du principe de libre circulation.

Le principe de reconnaissance mutuelle et le mécanisme d'exequatur simplifié sont les principales innovations de ce texte. Les exemples que vous avez proposés, madame la rapporteure – la vente de nickel par une société calédonienne à une entreprise allemande et le divorce prononcé à Papeete entre une Polynésienne et un Hongrois – illustrent parfaitement les conséquences pratiques de son application dans les PTOM. Je peux vous assurer que la Nouvelle-Calédonie, dont le Congrès, comme l'a rappelé la présidente de la commission, a donné un avis favorable à ce projet de loi, procédera aux modifications nécessaires de son code de procédure civile afin de rendre pleinement effectives les dispositions de la convention.

Pour illustrer davantage l'importance de cette ratification, je rappelle que depuis que la compétence en matière de droit civil et commercial lui a été transférée, la Nouvelle-Calédonie n'a procédé à aucune modification de sa législation. Dans le même temps, le droit des contrats – pour citer un exemple flagrant – a été bouleversé dans l'Hexagone. Les différences qui se creusent ainsi, année après année, entre le droit français et le droit calédonien créent un décalage et peuvent être à l'origine d'incertitudes juridiques et de litiges, d'où la nécessité de garantir la reconnaissance des décisions rendues dans un État ou un territoire par les juridictions d'un autre État lié par la convention. La sécurité et la prévisibilité judiciaires qu'apportera celle-ci constitueront donc un réel atout pour les PTOM, favorisant le développement de leurs relations commerciales.

De façon plus générale, j'insiste sur la nécessité d'encourager et de soutenir le potentiel de coopération de ces territoires français avec leur environnement régional sur des projets novateurs, que ce soit en matière de défense de la biodiversité, d'énergie, de coopération universitaire ou encore de santé. Alors que le Président de la République a affirmé sa volonté de construire un axe indo-pacifique, la France doit défendre avec force les intérêts de ces PTOM à Bruxelles, madame la secrétaire d'État, notamment dans le cadre des négociations en cours sur le cadre financier pluriannuel. Les PTOM sont un réel atout pour la politique étrangère de la France. Ils contribuent à la dimension océanique et internationale de l'Union européenne. Faisons en sorte de mieux les valoriser et d'assurer l'autorité des décisions en matière civile et commerciale qui y sont prises, comme le permettra l'adhésion de la France à la convention Lugano II. Vous l'aurez compris, le groupe UDI et indépendants votera en faveur de ce projet de loi.

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