Intervention de Philippe Berta

Réunion du vendredi 13 septembre 2019 à 14h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta, rapporteur sur les titres III et IV :

Je vais faire une réponse globale sur tous les amendements de suppression, soit de l'article 14 lui-même, soit de certains de ses alinéas, ou tendant à en proposer une nouvelle rédaction, afin de lever certains doutes et de rappeler quelques éléments relatifs aux embryons et aux cellules souches.

L'article 14 vise à clarifier le régime juridique des recherches portant d'une part sur l'embryon, et d'autre part sur les cellules souches embryonnaires. Il identifie en premier lieu, dans un nouvel article du code de la santé publique, le régime juridique des recherches portant sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon destiné à naître. Ces derniers relèvent effectivement du régime de recherche impliquant la personne humaine, le fameux RIPH, qui nécessite une autorisation de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM, ainsi que l'avis d'un comité de protection des personnes, un CPP.

Ces recherches sont réalisées au bénéfice de l'embryon et n'ont pas vocation à lui porter atteinte : j'insiste sur ce point car ce régime juridique issu de la loi du 6 août 2004, dite loi Jardé, n'a pas été compris. Dans la mesure où l'embryon est destiné à naître, il n'y a pas destruction ni atteinte à son intégrité, ni bien sûr à celle de sa mère.

Cet article procède par ailleurs à la distinction des régimes juridiques applicables à la recherche d'une part sur les embryons et d'autre part sur les cellules souches embryonnaires, dites CSE. Aujourd'hui soumises à autorisation de l'Agence de la biomédecine, ces recherches feront l'objet d'une autorisation s'agissant des premières, et d'une simple déclaration s'agissant des secondes.

Leurs interrogations éthiques ne sont effectivement pas du tout les mêmes : je rappelle que les cellules souches embryonnaires sont des cellules qui ont été dérivées — il y a peut-être un, dix ou vingt ans — d'embryons, et ce dans le monde entier. Ces cellules ont la capacité de se multiplier : on établit donc des lignées cellulaires que les laboratoires s'échangent depuis bien longtemps.

Nous sommes donc bien loin dans leur cas de l'embryon, d'autant plus que ces CSE ont perdu des caractéristiques : elles ne sont plus — j'insiste sur ce mot — que pluripotentes, c'est-à-dire qu'elles ont la capacité de produire quelques tissus qui sont bien sûr extrêmement précieux en termes de thérapie.

Si elles ont donc conservé la pluripotence, elles ont en revanche perdu la totipotence, c'est-à-dire qu'elles n'ont plus, depuis l'origine, c'est-à-dire depuis bien longtemps, aucune capacité à reformer un embryon complet.

Je rappelle que les recherches sur les embryons sont autorisées par l'Agence de la biomédecine et qu'elles doivent donc répondre à des critères précis, qui sont rappelés à l'article 14, ainsi qu'à la nécessité de ne recourir à l'embryon que si l'état des connaissances scientifiques le justife.

Ces recherches sont totalement encadrées et contrôlées : elles peuvent d'ailleurs être suspendues si elles ne respectent pas les interdits fixés tant par le code civil que par celui de la santé publique. Mon commentaire d'article en dresse d'ailleurs la liste précise.

En résumé, je le rappelle, ces CSE représentent aujourd'hui une chance unique. Je vous renvoie à l'édition de l'hebdomadaire L'Express en date du 11 septembre dernier, qui vous permettra de comprendre le sens de mes propos.

Aujourd'hui en effet, les visées et actions thérapeutiques d'ores et déjà en cours, qui font l'objet de 400 essais cliniques avec déjà de grands succès, ne doivent surtout pas être remises en cause. Pour prendre un fait d'actualité, je ne pense pas qu'un célèbre pilote de Formule 1 soit actuellement à l'hôpital européen Georges Pompidou pour une autre raison…

Il ne faut donc en aucun cas interdire ces progrès majeurs de la thérapie cellulaire qui s'offrent à nous. Les demandes faites ces dernières années auprès de l'Agence de la biomédecine afin d'avoir accès à des embryons surnuméraires sont au nombre de quatre. C'est nécessaire parce que lorsqu'on cultive des cellules en culture, et ce quel que soit le type de lignée cellulaire, elles vont avoir tendance, au fil des années, à évoluer. Cela signifie qu'elles subissent des arrangements chromosomiques, des pertes de chromosomes, ou qu'elles développent des chromosomes surnuméraires : il faut donc pouvoir faire appel – passez-moi l'expression – à des lignées fraîches. Voilà pourquoi nous sommes encore obligés de faire appel à des embryons surnuméraires, dont je rappelle qu'ils sont sans cela voués à être détruits.

En résumé, j'émets un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression de l'article, car ils remettent en question ces évolutions majeures en termes de santé humaine, aujourd'hui et plus encore demain.

Je serai également défavorable aux amendements proposant une rédaction globale de l'article, en tant qu'ils imposent des mesures plus que contraignantes, ainsi qu'aux amendements portant suppression de divers alinéas traitant de ces recherches parce que la communauté — qu'elle soit médicale ou scientifique — que je représente ici sait qu'elle dispose en la matière d'un outil simplement exceptionnel.

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