De la même façon, comment s'opposer à des projets multi-parentaux, qui bousculeront demain le champ juridique mais aussi le champ social, si l'on songe par exemple à la seule question des allocations familiales ? Nous le voyons bien : les conséquences de la transformation de la PMA d'un dispositif médical en un instrument social sont impossibles à maîtriser.
Sur l'accès aux origines, nous comprenons les raisons amenant à remettre en cause ce principe absolu qu'était pourtant le respect de l'anonymat du don, du point de vue de la construction des enfants issus de PMA avec tiers donneur. La nécessité d'adopter cette disposition est rendue évidente par l'extension de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes.
Pour autant, elle n'est pas sans risques. D'une part, la fin de l'anonymat garanti aux donneurs pourrait avoir une incidence négative sur le nombre de dons, dans un contexte où l'augmentation de la demande provoquera en tout état de cause des tensions sur le stock de gamètes disponibles.
D'autre part, même si le droit ouvert par le texte prévoit uniquement la possibilité, pour l'enfant, d'obtenir à sa majorité des informations non identifiantes sur son géniteur, rien ne garantit au donneur, qui aura construit une vie après son don, l'absence de sollicitation de la part de l'enfant. Rien ne garantit qu'un donneur devenu joueur de football professionnel et transféré pour 220 millions d'euros à un club local ne verra pas, un jour, un ou plusieurs enfants nés de ses dons sonner à sa porte.
L'ouverture de l'identification des données médicales porte également en elle, par le biais de l'appareillement des gamètes, le risque d'une demande des couples ayant recours à la PMA de choisir les caractéristiques physiques, voire génétiques, du donneur. Il y a là une porte entrouverte sur un eugénisme qui au demeurant tend à se développer dans certains pays recourant à la PMA comme technique sociale de procréation.
Enfin, la recherche sur les cellules souches embryonnaires est un autre exemple de l'effet domino irréversible que porte le projet de loi. La libéralisation constante de la recherche génomique et la modification du régime d'encadrement de la recherche embryonnaire comportent elles aussi des incidences vertigineuses, sur lesquelles il convient pour le moins de s'interroger.
J'en prendrai un exemple, celui de la levée de l'interdiction de transplantation aux fins de recherche de cellules souches humaines dans un embryon animal. Si l'objectif – trouver le moyen de créer des cellules pancréatiques aux fins de soigner certaines maladies graves – est recevable, l'absence totale de bornes, notamment en matière de développement de l'embryon, confine à jouer les apprentis sorciers en créant des animaux hybrides.
Si nous faisons confiance à nos chercheurs pour s'auto-borner en respectant les valeurs éthiques fondamentales admises en France, nous savons aussi que la compétition internationale en la matière est rude et que la pression des laboratoires et du marché a d'ores et déjà provoqué des énormités, telles que la naissance, en Chine, de deux fillettes modifiées génétiquement. Sur ce point également, la frontière entre le possible et le souhaitable n'est pas garantie en l'état actuel du texte.
Ces quelques exemples nous le montrent : ce projet de loi n'est pas seulement une adaptation, comme pouvaient l'être les précédentes révisions ; il représente un basculement, un basculement irréversible, qui à notre sens bouscule notre conception bioéthique et porte en lui des germes eugénistes et transhumanistes dangereux.
Le débat s'ouvre, et des marges existent encore. Je demande au Gouvernement et à la majorité de les saisir pour infléchir les orientations prises aujourd'hui.