Monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, le projet de loi de finances pour 2020 marque la volonté de lutter contre les fraudeurs fiscaux, et je veux saluer au nom du groupe MODEM et apparentés cette aspiration, d'autant plus louable que la lutte contre la fraude fiscale a valeur constitutionnelle.
On ne peut que se réjouir de l'efficacité du prélèvement à la source, qui a déjà permis de collecter 2 milliards d'euros supplémentaires, ramenant en douceur dans le giron accueillant de Bercy les égarés fiscaux et autres phobiques administratifs.
En revanche, ce qui me perturbe grandement, monsieur le ministre, c'est le mode opérationnel que vous envisagez pour parvenir à vos fins. Je m'interroge en particulier, et je ne suis pas le seul, sur l'article 57 du projet de loi de finances. Si l'on peut parler d'« aspiration », s'agissant de ce projet d'article, c'est surtout de l'aspiration de nos données personnelles. L'administration serait ainsi autorisée « à collecter en masse et exploiter [… ] les données rendues publiques des réseaux sociaux et des plateformes de mises en relation par voie électronique ». En bref, on envisage de passer à la moulinette, à l'aveugle et de façon algorithmique, les données personnelles des citoyens. Bémol appréciable à vos ardeurs, vous avez renoncé à la reconnaissance faciale… Ouf ! la France n'est tout de même pas la Chine.
Depuis 2014, votre ministère a déjà la possibilité de détecter automatiquement les fraudeurs en scannant une vingtaine de bases de données de l'État. Pourquoi, dès lors, cette volonté impérieuse d'étendre la collecte aux réseaux sociaux et aux plateformes de commerce en ligne, ce qui est illégal car attentatoire aux libertés individuelles, elles aussi de valeur constitutionnelle ? La CNIL ne s'y est d'ailleurs pas trompée puisque, dans sa délibération du 12 septembre dernier, elle a émis de fortes réserves quant à la mise en oeuvre d'une telle mesure.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer comment vous comptez concilier la nécessaire lutte contre la fraude avec l'exigence du respect des libertés fondamentales, si chère à notre pays ?