La possibilité offerte à la femme enceinte de prendre une semaine de réflexion était liée aux conséquences considérables de cette décision. Si elle a été supprimée dans le présent projet de loi, en cohérence avec les dispositions que nous avons adoptées à l'article 19, c'est parce que les étapes menant au diagnostic et, malheureusement, à l'interruption médicale de grossesse, qu'elle soit partielle ou totale, sont longues. Elles permettent la réflexion. Dans les centres de diagnostic et de traitement adaptés, il existe tout un processus d'annonce et de réflexion, et plusieurs imageries successives sont effectuées.
Les raisons pour lesquelles nous sommes défavorables à ces amendements, comme nous l'avions indiqué en commission, sont les suivantes : au terme de ce processus, il est annoncé à la femme qu'il faudra, hélas, procéder à une interruption médicale de grossesse, puis elle part pendant une semaine ou huit jours, seule ou avec son conjoint, hors du cadre médical et du colloque singulier avec le médecin, la sage-femme ou l'équipe. On la laisse ainsi dans son coin réfléchir à un choix irréversible. J'estime pour ma part qu'il s'agit d'une peine supplémentaire. La femme n'a pas la possibilité de poser des questions pendant cette phase de réflexion. Il se produit en quelque sorte une rupture du colloque singulier entre le médecin ou l'équipe médicale et la patiente.
Surtout, au risque de vous choquer – mais peu importe – , je considère que ce délai risque d'infantiliser la femme. En cas non pas de problème d'ordre obstétrical mais de malformation gravissime du foetus, il lui est demandé si elle a oui ou non bien réfléchi, si elle veut vraiment avorter et faire disparaître l'enfant mal formé. J'emploie un langage assez cru mais je parle de la réalité. On laisserait réfléchir la femme en la culpabilisant, en l'infantilisant et en lui rappelant qu'elle a la possibilité de garder son foetus. À titre personnel, je trouve cela difficile, y compris pour la femme, parce qu'elle a le temps de poser ses questions, qu'elle bénéficie de l'accompagnement de psychologues et que l'effet d'annonce doit être encadré par tout ce que peut amener l'équipe médicale pluridisciplinaire.
D'autre part, sur le plan juridique, tout délai inscrit dans la loi doit être assorti d'un point de départ et d'un point d'arrivée. Or il n'est pas possible de définir le point de départ : est-ce à compter du diagnostic, ou du début de la consultation ? Il est extrêmement difficile de l'établir.
Enfin, s'agissant des amendements qui visent à instaurer un délai de réflexion à durée indéterminée, là encore il faut fixer un point de départ, suite à quoi la femme se trouverait livrée à elle-même dans la nature. Combien de temps lui sera-t-il proposé de réfléchir : quarante-huit heures ? Cinq minutes ? Encore une fois, sans durée ni point de départ, la mise en pratique de telles dispositions poserait problème. C'est pour toutes ces raisons – et peut-être d'autres – que je suis défavorable à ces amendements.