Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du mardi 15 octobre 2019 à 15h00
Bioéthique — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

L'honneur et la grandeur de notre assemblée est d'aborder avec courage les sujets de société les plus sensibles pour y répondre dans le souci d'améliorer le quotidien de nos concitoyens. Quelles que soient nos convictions, notre engagement politique a pris tout son sens au cours de ces débats, conclus par des votes qui font avancer notre société dans l'histoire. C'est pourquoi, chers collègues, nous avons tant attendu, parfois redouté, ce projet de loi relatif à la bioéthique.

Nous l'avons attendu car la société française elle-même espérait ouvrir de nouveaux droits afin que des situations apparemment inextricables soient enfin résolues.

Mais ce texte, nous l'avons également craint, non par appréhension du débat ou de son issue – car notre assemblée ne craint jamais le débat – , mais en souvenir des excès et de la violence qui accompagnèrent les discussions autour du mariage pour tous. Fort heureusement, le combat gagné en 2013 a fait avancer l'histoire et reculer l'intolérance.

Alors que ce texte aura permis à chacun de scruter en profondeur ses convictions personnelles, philosophiques, sociétales, religieuses ou morales, nos échanges ont été parfois directs, toujours engagés, mais jamais violents. Si la rue a exprimé ses positions et ses divergences sans les excès du passé, notre assemblée a su travailler dans la sérénité.

Pour cela, je souhaite féliciter l'ensemble de nos collègues des différents bancs ainsi que les rapporteurs, en particulier Hervé Saulignac, pour la qualité de nos travaux, qui ont fait honneur au débat démocratique qu'étaient en droit d'attendre nos concitoyens. Félicitons-nous notamment de l'une des principales avancées de ce texte, qui le marque spécialement : la suppression du critère d'infertilité comme condition du recours à la PMA. Celle-ci sera ainsi étendue aux couples de femmes et aux femmes célibataires, ce qui répond à une aspiration sociétale forte et met fin à une hypocrisie : fermer les yeux sur la détresse des femmes obligées de recourir à la PMA de l'autre côté de nos frontières.

Ce texte permet d'accorder enfin aux enfants nés de PMA les droits qui leur reviennent, les mêmes que ceux de tous les autres enfants. Il prévoit également, comme une évidence, que toutes les tentatives de PMA seront prises en charge de la même façon par la sécurité sociale, ce qui représente un progrès pour l'égalité. Les élus socialistes ne peuvent que s'en réjouir et s'en féliciter.

Malheureusement, quelques frustrations demeurent. Si le Gouvernement a témoigné d'un louable esprit d'ouverture lors de l'élaboration et de la présentation du texte, il semble l'avoir perdu au cours des débats. Prenons le cas de la filiation pour les enfants issus de PMA au sein d'un couple de femmes. La solution initialement retenue par le projet de loi, dans son article 4, établissait une double différenciation : entre les enfants, mais également entre les parents. Or, nous l'avons dit et répété, l'ouverture d'un nouveau mode d'établissement de la filiation spécifique n'est pas une bonne solution. Lorsque l'on accorde de nouveaux droits, il faut les assumer et les défendre, non donner des gages à ceux qui les combattent.

Le Gouvernement a certes décidé de revoir sa copie, mais la nouvelle solution instaure tout de même un régime dérogatoire et spécifique aux couples de femmes. Nous avions pourtant proposé deux amendements, rejetés par le Gouvernement, qui tendaient simplement à étendre le droit existant aux couples de femmes pour sécuriser la filiation des enfants.

La PMA post-mortem est l'autre lacune évidente de ce texte. Dès lors qu'une femme seule peut recourir à la PMA grâce aux gamètes d'un tiers donneur, comment refuser à une veuve de mener à bien son projet parental dès lors que son défunt mari a autorisé l'utilisation de ses gamètes ?

Autre regret notable : le refus du Gouvernement de se saisir des opportunités que nous offre la science, en particulier avec la technique du diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies, malgré le vote favorable de cinq des six rapporteurs. L'extension de son recours aurait permis d'augmenter considérablement le taux de réussite des fécondations in vitro, lequel est en France l'un des plus faibles d'Europe, partant d'épargner à de nombreuses femmes le traumatisme psychologique causé par l'échec d'une implantation, les fausses couches à répétition ou les IVG.

Cela étant, le rejet de ce texte empêcherait d'ouvrir de nouveaux droits, comme l'extension de la PMA, et sanctionnerait injustement une loi bioéthique qui se caractérise davantage par son ouverture que par sa volonté de freiner ou d'interdire. Son adoption, en revanche, nous permettra de nous adapter à une société qui aspire à plus d'égalité, en sécurisant les femmes et leurs enfants nés de PMA.

L'histoire a prouvé que les élus socialistes avaient toujours pris leurs responsabilités pour faire avancer les droits et garantir l'égalité. Nous les prendrons encore parce que ce texte, même imparfait, ouvre de nouveaux droits, et parce qu'il fait avancer notre pays sur le chemin de la liberté et de l'égalité.

Le groupe Socialistes et apparentés votera donc le projet de loi, même s'il regrette qu'aucun de ses amendements n'ait été adopté en séance. Parce que nous préférerons toujours une avancée, même lente, à l'immobilisme, nous nous réjouissons de ce petit pas de plus dans le chemin que nous avons engagé il y a de nombreuses années.

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