Avec la création de 1 000 emplois et une augmentation de 83 millions d'euros des crédits d'investissement immobilier pour la construction et la maintenance, mais aussi des moyens renforcés en faveur de la sécurité et de la réinsertion, l'administration pénitentiaire continue d'être une priorité du ministère de la justice.
La protection judiciaire de la jeunesse, quant à elle, est créditée de 17 millions d'euros supplémentaires en 2020, pour la poursuite de la diversification de la prise en charge des mineurs délinquants, la construction de vingt centres éducatifs fermés et la rénovation de son parc immobilier. Surtout, son budget anticipe la mise en oeuvre de la réforme de la justice pénale des mineurs – dont nous aurons à débattre – , avec la création de 70 emplois de magistrat, 100 emplois de greffier et une centaine d'emplois d'éducateur.
J'appelle ici l'attention du Gouvernement sur la nécessité de continuer à multiplier ses efforts en faveur de ces deux administrations, dont les personnels font preuve d'un engagement sans faille et d'un dévouement admirable, au service d'une réponse efficace et humaine à la délinquance.
Rapporteur pour avis de ces crédits pour la troisième année consécutive, j'ai souhaité travailler, cette année, sur la question de la santé des personnes détenues.
D'incontestables progrès ont été accomplis dans la prise en charge sanitaire en détention, grâce à une offre de soins bien structurée et largement gratuite, et à un financement simplifié des dépenses. La surpopulation dans les maisons d'arrêt conduit cependant à la saturation des unités sanitaires, dont les moyens sont fixés, vous le savez, en fonction de la population non pas réelle mais théorique des établissements.
Au-delà, malheureusement, plusieurs difficultés demeurent, qui sont source d'insatisfaction.
Sur le plan organisationnel, tout d'abord, nombre de locaux sont vétustes et inadaptés ; certaines structures de prise en charge spécialisée s'avèrent sous-dimensionnées, à l'instar des unités hospitalières spécialement aménagées, tandis que les professions médicales en détention souffrent d'un manque d'attractivité. Madame la garde des sceaux, vous nous avez indiqué en commission que la seconde tranche des UHSA serait construite et que le fonds pour la transformation de l'action publique financerait, à hauteur de 3 millions d'euros, le développement de l'offre de télémédecine. Ce sont là des nouvelles encourageantes, et nous vous remercions de votre action en la matière.
La deuxième difficulté tient à la vulnérabilité de la population carcérale au regard des troubles mentaux, du handicap ou de l'âge. La prévalence des troubles mentaux, à laquelle notre collègue Stéphane Mazars s'était déjà intéressé en 2018 à l'initiative de la présidente de la commission des lois, est préoccupante. Le mouvement général de « désinstitutionnalisation » a conduit à déplacer en prison une population auparavant suivie dans les hôpitaux psychiatriques, ce qui est regrettable, d'autant que les dispositions relatives à l'irresponsabilité pénale ou aux suspensions de peine pour motif médical sont trop rarement appliquées, faute d'expertise et de structures adaptées.
Cette situation doit nous alerter et nous inciter à agir ; elle n'est satisfaisante ni pour les malades, ni pour les surveillants pénitentiaires, ni pour la société dans son ensemble. Une feuille de route a été dévoilée en juillet dernier pour apporter de premières solutions. Nous serons attentifs à sa mise en oeuvre, mais sans doute faudra-t-il aller plus loin en cessant de considérer, par facilité, que le milieu carcéral est une réponse adéquate à la maladie mentale.
Par ailleurs, l'administration pénitentiaire est confrontée au défi de la perte d'autonomie, qui risque de s'amplifier avec le vieillissement de la société et l'allongement de la durée des peines et des prescriptions. Des initiatives sont prises pour améliorer la perception des allocations susceptibles de financer des dispositifs visant à favoriser l'intervention en détention de services infirmiers, à aider les accompagnants ou à orienter les personnes âgées à leur sortie de prison vers des structures adaptées, par exemple les EHPAD, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Le troisième et dernier point de vigilance concerne la situation des femmes enceintes. De manière générale, l'accès des femmes détenues aux soins est plus limité que celui des hommes. Nous avions effleuré ce sujet, lors des débats sur la loi de réforme pour la justice, en évoquant la précarité menstruelle. Je crois savoir que des mesures vont être prises pour mettre un terme à cette situation ; c'est une bonne chose. S'agissant des femmes enceintes, des progrès restent à accomplir pour mieux appliquer les modalités spécifiques d'incarcération dont elles sont en droit de bénéficier.
La construction de 15 000 places de prison d'ici à 2027 et l'effort en faveur de la maintenance des établissements existants permettent d'avancer. Évidemment, ce programme ne résoudra pas tous les problèmes rencontrés, qui sont aussi les symptômes pénitentiaires de maux plus profonds et généraux de notre société. Néanmoins, si nous pouvions, en tant qu'élus, faciliter autant que possible sa mise en oeuvre, nous permettrions aux hommes et aux femmes qui s'engagent dans l'administration pénitentiaire de mieux exercer leurs missions, et à celles et ceux qui ont violé les lois de la République de se réinsérer dans la société.