Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du mardi 29 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission justice (état b)

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je m'exprimerai à mon tour de façon assez brève sur chacun des amendements.

Dans votre défense de l'amendement no 737 , madame Ménard, vous avez évoqué la sécurité en détention. Si je rapporte vos propos au budget, je vous ferai observer que les questions de sécurité font l'objet de crédits d'équipement qui augmentent considérablement puisqu'ils passent de 8 millions à 58 millions d'euros, pour financer la rénovation de la vidéosurveillance, la lutte contre les drones, le brouillage des établissements et la sécurisation des établissements eux-mêmes. À ces crédits s'ajoutent des moyens de renseignement pour près de 6 millions d'euros, ainsi que des créations d'emplois – 300 ETP, équivalents temps pleins, combleront les vacances de postes de surveillants, ce qui n'est pas négligeable, et 155 ETP seront exclusivement consacrés à la sécurité, dont 35 au renseignement et le reste aux équipes locales de sécurité pénitentiaire. Ce budget répond donc aux besoins en matière de sécurité, question tout à fait essentielle, vous avez raison de le souligner. L'avis est défavorable.

Madame Anthoine, vous revenez sur la création de places de prison et donc sur la nécessité d'accroître le budget afférent. J'ai eu l'occasion de m'expliquer sur le fait que la création de places de prison ne se décrétait pas ex nihilo mais qu'il fallait d'abord acquérir des terrains, réaliser des études, passer les marchés pour enfin commencer les travaux. C'est dans ce processus que nous inscrivons notre démarche. Ainsi allons-nous engager, pour 2020, 15 millions d'euros pour les acquisitions foncières. C'est suffisant pour que nous continuions de réaliser notre programme. Je donne donc également un avis défavorable sur l'amendement no 532 .

Monsieur Dunoyer, vous avez à nouveau évoqué la situation en Nouvelle-Calédonie avec la construction du centre de détention de Koné – pour laquelle nous disposons de crédits suffisants – , mais aussi la nécessité de poursuivre la réhabilitation du Camp Est. Vous avez raison. Je rappelle que cet établissement, en huit ans, a déjà fait l'objet d'environ 40 millions d'euros de travaux et que le schéma directeur permet de les poursuivre tels que nous les avons envisagés, jusqu'à l'ouverture du centre de Koné, prévue pour fin 2021. Pour ces raisons, je souhaite que vous retiriez l'amendement no 123 .

Mme Ménard a ensuite défendu trois amendements.

L'amendement no 739 vise à renforcer les sanctions prises contre les personnes qui portent atteinte à la sécurité des surveillants pénitentiaires. Je vous rappelle que ces derniers sont dépositaires de l'autorité publique : à ce titre, les peines encourues par les personnes qui portent atteinte à leur sécurité font l'objet de circonstances aggravantes et les procureurs ont en la matière des consignes de très grande fermeté qu'ils appliquent, me semble-t-il, parfaitement. L'avis est donc défavorable.

Vous avez par ailleurs évoqué, en défendant l'amendement no 740 , la nécessité d'accroître le financement de la prise en charge des détenus radicalisés. Je me permets de rappeler que nous avons là aussi un schéma très clairement organisé : des quartiers d'évaluation de la radicalisation, qui seront au nombre de neuf à la fin de l'année 2020, contre six actuellement ; des quartiers de prise en charge de la radicalisation, au nombre de trois actuellement ; des programmes en la matière qui se multiplient dans les 78 établissements pénitentiaires qui accueillent des personnes radicalisées. Et puis, vous le savez, nous plaçons les personnes en détention dans des lieux adaptés et sécurisés. Je précise en outre que, dans la formation initiale des surveillants pénitentiaires, des modules sont consacrés à cette prise en charge spécifique. Nous suivons donc un programme qui me semble adapté ; c'est pourquoi j'émets un avis défavorable.

J'en viens à votre amendement no 741 , madame Ménard. Nous avons présenté, avec Mme Dubos, une feuille de route de la santé en détention, avec des points très précis sur la prise en charge de la santé mentale, le développement des UHSA et le suivi hors détention des personnes qui ont fait l'objet d'un suivi en prison, j'en ai déjà parlé. Là encore, j'émets un avis défavorable.

Monsieur David, vous êtes revenu sur le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan. C'est un établissement dans lequel je ne me suis pas encore rendu et que j'ai très envie d'aller visiter. Vous avez évoqué le nombre accru de détenus et l'insuffisance du nombre de surveillants, si bien que vous demandez la création de 1 000 emplois. Or c'est exactement ce que prévoit le projet de budget 2020 : la création de 1 000 emplois de surveillants, dont certains seront consacrés au comblement des vacances, d'autres à l'accroissement de la sécurité, d'autres encore au renseignement. La création de ces 1 000 emplois, qui correspondent à notre plan de développement du recrutement des surveillants en prison, répond exactement à la montée en charge dont nous étions convenus par accord avec les organisations syndicales représentatives. C'est pourquoi je me permets d'émettre un avis défavorable sur l'amendement no 304 aussi.

Monsieur Castellani, vous évoquez la sécurité pénitentiaire dans votre amendement no 147 rectifié . J'ai déjà répondu précisément à cette question à Mme Ménard.

Vous êtes revenu sur la nécessité, monsieur Bricout, d'accroître le nombre des personnels des services d'insertion et de probation en détention. C'est, pour nous, une exigence puisqu'une partie importante de la refonte de la politique des peines reposera sur le rôle des CPIP – les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation. C'est pourquoi, en 2020, nous allons créer 400 emplois d'insertion et de probation, qui s'ajouteront à l'ensemble des emplois créés, soit 1 500 prévus dans la loi de programmation 2018-2022. Notre objectif est de faire baisser le ratio de dossiers suivis par les CPIP – chacun d'entre eux en suit 81 en moyenne, et nous voulons descendre à 60 – , ce qui constituera bien sûr une première étape indispensable. Pour ces raisons, j'émets également un avis défavorable sur votre amendement no 306 .

Monsieur Bernalicis, vous avez à nouveau critiqué le principe des centres éducatifs fermés, considérant qu'il fallait augmenter les crédits des milieux ouverts plutôt que ceux des milieux fermés. J'appelle de mes voeux une politique qui offre aux enfants délinquants des réponses totalement diversifiées, plurielles, je le répète. Vous avez raison quand vous réclamez un effort considérable concernant l'assistance éducative – nous y travaillons avec les départements. Pour les enfants délinquants, je souhaite une palette de réponses, dont certaines seront apportées en milieu fermé. Reste que les réponses en milieu ouvert ne sont pas négligées, tout au contraire, puisqu'en 2020, sur 10,5 millions d'euros d'augmentation des crédits hors masse salariale de la PJJ, seuls 2,5 millions d'euros seront consacrés aux centres éducatifs fermés, ce qui prouve que nos efforts pour le développement des milieux ouverts sont importants.

Madame Anthoine, j'ai répondu à Mme Ménard concernant l'offre de soins psychiatriques que vous abordez avec l'amendement no 533 .

Quant à la responsabilisation des jeunes en CEF, la rédaction de votre amendement no 530 m'a beaucoup étonnée. Bien sûr, en centre éducatif fermé, nous essayons de conduire les jeunes à se réinsérer, à mener une vie sociale normale. Bien sûr, cela passe à la fois par des réponses éducatives, scolaires, et par des stages à l'extérieur. Certes, il arrive que les jeunes s'occupent de la cuisine ou du ménage, comme cela a été dit, mais cela ne se produit que dans des situations particulières. Lorsqu'ils sont en stage à l'extérieur ou qu'ils effectuent des travaux d'intérêt général, il est évident que le centre éducatif fermé prend ces travaux en charge. Il n'empêche que notre démarche vise à l'autonomie et à la responsabilisation.

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