J'ai bien noté vos propos, madame la ministre : vous serez très attentive à ce que le texte soit bien appliqué l'année prochaine. Permettez-moi toutefois de resituer la question.
Aujourd'hui, les ordonnances de protection représentent un volume marginal dans notre pays. Nous le savons tous, cet outil est très peu utilisé au regard du nombre de violences faites aux femmes. Certaines juridictions ne l'utilisent même pas du tout – 10 % d'entre elles n'ont jamais délivré une telle ordonnance. Or malgré ce faible volume, il faut tout de même plus d'un mois et demi pour les délivrer. C'est parce qu'il est nécessaire d'intervenir beaucoup plus rapidement que nous avons fixé, dans la proposition de loi, un délai incompressible de six jours.
Si les JAF ne sont déjà pas capables de faire mieux que de délivrer une ordonnance de protection dans un délai d'un mois et demi, ils auront le plus grand mal, demain, à tenir le délai de six jours ! C'est d'autant plus vrai que le volume des ordonnances à délivrer sera plus important : l'adoption de la proposition de loi va provoquer un appel d'air, d'ailleurs tout à fait souhaitable, quand les femmes concernées constateront que cette procédure peut vraiment les protéger.
Ces juges devront donc décider vite, mais aussi décider bien. Or l'ordonnance de protection est, si vous me permettez un tel raccourci, une procédure quasi-pénale pourtant confiée – c'est une singularité de l'organisation de notre justice – à des juges civils, dont ce n'est pas le coeur de métier. Il faudra donc parmi les JAF des juges quasiment spécialisés pour décider vite et bien.
Bien sûr, nous n'observerons peut-être pas dès l'année prochaine une bousculade au portillon, mais il est certain que dès l'année suivante, des problèmes se poseront qui exigerons des moyens humains supplémentaires. Au-delà des besoins de réorganisation, au-delà des choix de priorité que pourraient faire les JAF, la question se posera dès 2021. Si des moyens supplémentaires ne sont pas prévus, les délais que nous, la représentation nationale, avons fixés par la loi, ne seront pas tenables.
J'ai entendu, madame la ministre, votre conclusion. Je m'en souviendrai, nous nous en souviendrons tous dès l'année prochaine car les JAF doivent être une priorité dans le prochain budget de la justice.